Du sang dans le soleil, Frank Lloyd (1945)

Œil pour œil

Du sang dans le soleil

Blood on the Sun

Note : 4 sur 5.

Titre original : Blood on the Sun

Année : 1945

Réalisation : Frank Lloyd

Avec : James Cagney ⋅ Sylvia Sidney

Le film est non seulement divertissant, mais pas inutile, car il permet de s’intéresser un peu plus à une époque assez méconnue en Europe : la première moitié du XXᵉ siècle au Japon, alors superpuissance nationaliste, militariste, expansionniste… On participe ici volontairement à entretenir le mythe du document supposé exposer le plan d’expansion planétaire du Premier Ministre nippon dans les années 20 : le Tanaka Memorial.

Dans un panneau au début du film, l’auteur présumé de ce document, le chef militaire et premier ministre Tanaka est présenté comme l’équivalent d’Hitler. Si le document existe bel et bien, il est aujourd’hui reconnu par les historiens comme étant un faux. L’intérêt, même si c’est un faux, c’est qu’il décrit bien les ambitions expansionnistes de certains militaires japonais.

James Cagney joue donc le directeur de la rédaction d’un journal à Tokyo. Il vient de révéler à ses lecteurs la possible existence d’une volonté expansionniste au niveau planétaire des autorités japonaises (notamment l’attaque des États-Unis). On ne sait pas bien comment il a eu ces informations. Peu importe, à partir de ce moment, les ennuis vont commencer pour lui, et la traque, la surveillance dont il va être la cible, ne fera qu’attiser son intérêt pour ce complot international. L’existence d’un document prouvant les intentions et le plan japonais arrive très vite, Cagney croit s’en saisir, les Japonais pensent qu’il l’a, en fait non, etc.

On est dans un mélange de film d’espionnage avec ses faux-culs aux longues oreilles derrière chaque porte (on a l’impression de voir Peter Lorre toutes les dix minutes), policier (enquête seul contre tous, police secrète…), le mélo (pour les beaux yeux et la voix douce de Sylvia Sidney). Pourtant, ça tient la route. C’est fichu comme un bon Hitchcock : le MacGuffin, l’accusation à tort, la fuite, la quête de la vérité, la femme manipulatrice, etc.

On pourrait avoir des doutes sur les intentions d’un tel spectacle. On est en 1945, les films de propagandes sont nombreux. Celui-ci en est clairement un. Mais ce serait vraiment bouder son plaisir. Le lien avec les événements de l’époque est très clair. Alors que les faits du film se passent à la fin des années 20, on sent surtout à la fin la référence (montrée donc ici comme une prédiction) à l’agression japonaise de Pearl Harbor. À un chef de la police secrète venu le chasser jusqu’à l’ambassade des USA qui lui parlait de la culture du pardon des Occidentaux à l’égard de leurs ennemis, Cagney répond : « Pas sans avoir rendu la monnaie de la pièce ! ». Le film s’arrête là-dessus. Le message est clair. Hiroshima, ce n’est rien d’autre que (notre) réponse à Pearl Harbor. Violent.


Du sang dans le soleil, Frank Lloyd 1945 William Cagney Productions (3)_saveur

Du sang dans le soleil, Frank Lloyd 1945 Blood on the Sun | William Cagney Productions

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Du sang dans le soleil, Frank Lloyd 1945 William Cagney Productions (1)_saveur

 — Pearl Harbor, yatta !  — … ?!


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Que la bête meure, Claude Chabrol (1969)

Croissant mécanique

Que la bête meure

Note : 4.5 sur 5.

Année : 1969

Réalisation : Claude Chabrol

Avec : Michel Duchaussoy, Jean Yanne, Caroline Cellier

— TOP FILMS

Mon premier (et probablement le dernier) amour avec Claude Chabrol. D’une violence psychologique presque jouissive. À la fois drôle et cruel. De cette étrange cruauté qui fait sourire, rendent sympathiques les personnages les plus tordus et qui seraient, dans la vie, insupportables (principe des monstres), jusqu’à ce qu’ils se livrent aux pires crimes (même quand le crime ici est la cause de tout et arrive donc à la première scène).

La nouvelle vague mettait en avant les auteurs, mais ils leur coupaient l’herbe sous le pied. C’est bien un film d’auteur ici, mais il serait un peu idiot de faire de Chabrol, « l’auteur » de ce film, même s’il faut d’abord saluer à un metteur en scène sa capacité à se mettre au service d’une histoire, et parfois d’acteurs. Pour tuer la « qualité française », on aurait pu tout aussi bien adapter des romans noirs américains, et voilà !… Merci Claude.

L’idée d’opter pour un son non direct apporte une saveur particulière au film, le décalage nécessaire, paradoxalement, qui permet une identification avec une crapule à travers une technique de distanciation (même si la personnalité de Jean Yanne suffit). André Duchossoy, la jeune Caroline Cellier et Maurice Pialat sont aussi très bons d’ailleurs.


Que la bête meure, Claude Chabrol 1969 | Les Films de la Boétie, Rizzoli Film

Le Printemps d’une petite ville, Fei Mu (1948)

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures histoires

Le Printemps d’une petite ville

Note : 5 sur 5.

Titre original : Xiao cheng zhi chun

Année : 1948

Réalisation : Mu Fei

TOP FILMS

Triangle amoureux classique, le dilemme vieux comme la pluie, et pourtant ça marche toujours.

Le mari et sa femme vivent dans une petite ville comme le titre l’indique, éloignés du chahut de la grande ville. On est presque à la campagne. C’est paisible, mais on voit les traces de la guerre un peu comme dans Autant en emporte le vent, avec des murets éclatés… Un serviteur vit avec eux, ainsi que la sœur du mari, tout juste nubile (c’est le printemps pour tout le monde). Lui, le mari, souffre de la tuberculose et refuse de se soigner ; elle, sa femme, se languit par l’ennui. C’est une sorte de Madame Bovary qui attend que quelque chose vienne la délivrer, ou la réveiller…

L’un des coups de génie de ce film, il commence par l’angle employé pour raconter cette histoire. C’est la femme qui la raconte, chuchotant presque. Quelques phrases au début, puis parfois une pensée pour exprimer son état d’esprit, pour compter le temps qui passe. Au lieu de mettre des panneaux « le jour suivant », pourquoi ne pas le faire dire par un narrateur… ? Je n’ai jamais vu ça, et pourtant ça marche parfaitement. Des voix off, on en voit souvent au cinéma, la voix du narrateur, mais quand on y pense, c’est systématiquement celle d’un homme. La voix du narrateur, c’est un peu celle du dieu omnipotent, donc forcément, on pense à un homme… Pourquoi avoir choisi la femme pour raconter cette histoire ? Ça marche tellement bien sous cet angle que ça peut paraître évident, encore faut-il avoir eu l’idée. Les meilleures idées sont les plus simples, pourtant, je ne me rappelle pas avoir vu un tel procédé.

Un visiteur se présente donc dans le domaine. Un ami que le mari n’a pas vu depuis une dizaine d’années. Sa femme ne le voit pas encore, mais quand elle apprend son nom, elle commence à s’inquiéter parce qu’elle a connu quelqu’un qui portait ce même nom (récit en voix off). Ils se rencontrent finalement, et c’est bien lui : les deux expliquent au mari qu’ils étaient du même village, et qu’ils ont grandi ensemble…

Les dés sont lancés. On peut deviner la suite. Ils s’étaient juré autrefois de ne jamais se quitter, mais les événements les ont séparés…, et à nouveau rapprochés. Le film parvient à échapper à la tentation du passage à l’acte. Mais au pays du taoïsme, la règle du non-agir est une vertu. Les deux personnages ont le temps de pécher en pensées (ils semblent envisager toutes les possibilités : le passage à l’acte, ça peut être la consommation de leur amour, comme ça peut être… le meurtre du mari). Mais, ce ne sont pas Les Amants diaboliques. On est beaucoup plus près d’In the Mood for Love avec ces deux amants qui se promènent, se reniflent, ne savent quoi se dire, s’enlacent, puis se repoussent… C’est une danse impossible entre deux aimants. Cette manière d’arriver à décrire des situations sans tomber dans la grossièreté d’un « passage à l’acte », rend tous les personnages sympathiques. Encore un de ces films sans méchants, presque philanthropiques. L’opposition, elle vient des événements, on est conscient que personne n’est coupable de quoi que ce soit, et on ne veut pas être le premier à fauter. Ce sont des épreuves imprévues qu’il faut accepter sans pointer la responsabilité sur l’un ou l’autre… Même la jalousie du mari n’en est pas une. Personne n’a rien fait de mal, pourtant tout le monde se sent coupable.

Si dans In the Mood for Love, l’utilisation de la musique est primordiale, ici c’est une autre musique qu’on entend. Celle du silence. Le rythme se ferme dans une même lenteur, pesante, comme une respiration qui s’étire, comme quand on ne veut pas déranger et que les mouches font un vacarme inouï. La maîtrise du rythme et du ton est totale, je ne sais même pas s’il y a des équivalents à cette époque. Chez Orson Welles peut-être…, d’ailleurs, le film présente les personnages et les acteurs un peu comme Welles le faisait au début de ses films. Là encore, on peut imaginer une inspiration directe, étant donné que ce n’est pas très fréquent comme procédé.

Tout le reste du film est tout autant maîtrisé : les acteurs gardent parfois le rythme très particulier de la pantomime, mais en 1948 on a eu le temps de perdre les tics du muet (on peut en voir un peu dans Les Anges du boulevard, 1937 — où parfois même avec des scènes sonorisées, les acteurs jouent sans dialogues, avec une belle réussite d’ailleurs).

Les décors et la lumière sont magnifiques : mouvements de caméra, contre-plongées, plans larges pour laisser la liberté à la mise en scène et aux acteurs (au lieu de passer systématiquement par le montage), des effets de lumière tout aussi magnifiques (comme cette scène dans la chambre du mari, à l’ombre de la lune où, à tour de rôle, son visiteur, puis sa femme, vient lui rendre visite, et qu’on voit la porte vitrée en ombre s’ouvrir sur le voile de son lit…).

En bonne place dans l’histoire du cinéma chinois. 5ᵉ dans la Golden Horse list.


Le Printemps d’une petite ville, Fei Mu 1948 Xiao cheng zhi chun | Wenhua Film Company


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Secret Sunshine, Lee Chang-Dong (2007)

sans récit le fait est plus fol

Secret Sunshine

Note : 4.5 sur 5.

Titre original : Milyang

Année : 2007

Réalisation : Lee Chang-dong

Avec : Do-yeon Jeon, Kang-ho Song, Yeong-jin Jo

— TOP FILMS

Excellent. Comme parfois, la longueur du film (2 h 15) permet au spectateur de s’affranchir de ses repères. D’autant que là, il y a peu de ressorts conventionnels et la structure nous oblige à forcer notre regard, car elle n’offre rien de ce qu’on pourrait attendre. Il s’agit d’une chronique sans enjeux, sans problématique définie, sinon le fait pour un personnage de chercher à résoudre ses problèmes présents. Ce n’est pas pour autant que le film manque d’unité dramatique. Au contraire. Le personnage principal du film, Shin-ae, est au centre de tout, pas une scène où elle n’apparaît pas. On la suit en train de surmonter les drames qui la touchent, interférer avec les autres personnages. Placés ainsi en dehors des conceptions conventionnelles du récit, on est forcés de nous interroger et de comprendre.

D’abord, Shin-ae arrive de Séoul avec son fils de sept ou huit ans dans le village où son mari décédé a vécu. Pourquoi ? On n’en sait rien, peu importe. Le film est descriptif, pas explicatif. On n’est pas obligé de tout comprendre, de tout savoir, car il n’y a pas de dénouement, de révélation, à prévoir, on est placé dans la position du voyeur forcé d’imaginer les vies entre les lignes. Malgré le drame « secret », c’est une histoire banale, à ranger dans les colonnes des faits divers d’un journal (si l’on ne retient que le drame en lui-même, car le film montre ce qui précède et ce qui suit).

(À noter qu’un village en Corée, c’est quelque chose comme 5 000 habitants…)

Secret Sunshine, Lee Chang-Dong 2007 | CJ Entertainment, Cinema Service, Pine House Film

La jeune mère vient donc refaire sa vie en province avec son fils (on ne saura rien de la première, en dehors du fait que son mari est mort : le récit est réduit au minimum, comme s’il n’y avait aucune intention dans la volonté de présenter cette « histoire » ou de la distiller avec parcimonie). Sur la route qui la mène à ce village dont le nom signifie en chinois « ensoleillement secret », elle se perd et sa voiture tombe en panne. Un garagiste vient la chercher. C’est le début d’un intérêt pas du tout réciproque : le garagiste lui faisant presque la cour pendant tout le film, restant toujours courtois, amical, attentif, mais elle n’y prête pas attention et semble même souvent agacée de cette présence qui s’impose à elle.

Elle s’installe dans le village, fait la connaissance des personnages locaux. La pharmacienne dévote qui cherche à la mener vers la foi divine, le professeur de déclamation de son fils et toujours ce garagiste… Son frère vient un moment l’aider à investir dans un terrain, mais c’est surtout pour elle une manière de se faire remarquer, respecter sans doute, comme elle le dira plus tard, mais le plus souvent, elle est avec son gamin.

Arrive alors le point de basculement du récit. Le petit est kidnappé. On lui demande une rançon.

Son fils est identifié quelque temps plus tard dans un étang et le coupable sera rapidement trouvé. C’était le professeur. La jeune femme se retrouve seule et tombe dans un premier temps dans une détresse profonde. La pharmacienne insiste pour qu’elle vienne assister à une séance au temple. Shin-ae est incrédule, mais ne sachant pas quoi faire d’autre pour calmer sa peine, elle se décide, accompagnée de son étrange protecteur, le garagiste. Elle crie sa douleur, se libère. Et dans la scène suivante, on la voit souriante, parlant à des amis de sa foi, de son bonheur recouvré grâce à Dieu…

J’ai un peu peur de voir dans quelle voie le film nous embarque. La description de cette Église paraissant aux yeux d’un Occidental tout à fait ridicule. On se dit à ce moment qu’elle était tombée dans les mains de cette secte comme elle aurait pu l’être dans n’importe quelle autre qui prétend ramener la paix intérieure ou la promesse d’un monde meilleur, ailleurs. On se dit, après tout, pourquoi pas, si ça l’aide à surmonter sa douleur. Mais en fait, dès qu’elle est seule chez elle, le masque tombe et elle est tout aussi déprimée qu’avant. On commence à sentir l’ironie sur cette pratique religieuse somme toute assez folklorique et singulière (c’est peut-être une interprétation personnelle étant donné que le récit, en lui-même, garde toujours une distance avec les événements présentés).

Elle décide de pardonner à l’homme qui a assassiné son fils. Elle vient le voir en prison comme le préconise la religion. Et elle prend soudain conscience que s’il y a un Dieu, il n’est pas juste. Elle pensait rencontrer un fou ou au moins un homme qui vivait avec le poids de la mort de son fils sur la conscience, et en dehors de ça, le professeur se révèle être tout à fait bien…, car lui aussi aurait trouvé la foi en prison et le comble de l’incompréhension et de l’inacceptable pour cette mère, il lui dit que « Dieu lui a pardonné ». Elle se détourne de la religion alors que les gens qu’elle fréquente, y compris le garagiste, sont en rapport avec son Église. Elle va se révolter à sa manière, cherchant à faire payer tous ces joyeux dévots.

Après quelques actes insensés (plus ceux d’une femme en détresse que d’une réelle folle), on l’envoie à l’hôpital. Le garagiste, pour qui elle n’aura jusqu’à la fin aucune sympathie particulière, vient la chercher. Et le film se termine là-dessus.

Pourquoi arrêter là ? On ne sait pas si elle va rester dans ce village, si elle va retrouver une vie normale, si le garagiste parviendra à prendre une place près d’elle. Rien, c’est comme une tranche de vie sur les malheurs d’une femme, le malheur presque exclusif de la disparition d’un enfant, un encart tragique dans un journal : le film commence alors qu’elle a déjà perdu son mari, ce n’est pas le sujet et ça ne le sera jamais, et il se termine ainsi quand on a fait le tour de ce malheur, comme si c’était un film qui ouvrait les yeux sur un paysage en mouvement lors d’un voyage en train et qui les refermait aussitôt. Ce qu’on a vu ? L’acceptation et la difficulté du deuil. Rien d’autre. Pas le temps de nous arrêter. On était là, on a vu, on est parti. Le film traduit très bien le spectacle de nos vies ou du film qu’on se fait de celle des autres : on n’en voit que des bribes, pourtant, de ce spectacle parfois tragique, on se plaît à prétendre tout savoir. Parce qu’une part de nos vies est dédiée au commentaire, aux commérages, de la vie des autres. On se charge souvent d’en faire un récit en remplissant les vides, en nous chargeant d’y implanter des explications, des intentions, une logique dans ce qui n’en a aucune. En nous offrant ainsi la vie crue affranchie du modelage trompeur du récit, le film nous ramène à nos petits réflexes de commentateurs astucieux. Un film se doit en général de contenter cette faim d’indiscrétions qui nous anime, et ici la sécheresse du récit tend à inverser les rôles et à nous confronter à notre médisance : sans récit, que sait-on ? Et qu’est-ce que le récit sinon le tricotage d’éléments d’une histoire ? On tricote des liens, des rapports, une cohérence, mais au fond dans la vie, rien n’est construit et prémédité, tout est lâchement agencé, incertain, perdu, flou, indécis, et incompréhensible. Et comme on ne peut concevoir un monde sans logique, qui échappe à notre compréhension…, on tricote, on tricote. Les secrets sont des boîtes faciles à remplir : on peut tout y ranger.

Si les interprètes sont donc aussi dans la salle, ceux qu’on y trouve dans le film sont excellents. Jeon Do-yeon a reçu le prix d’interprétation à Cannes en 2007 pour son travail. Rarement, une récompense aura été tant méritée. D’habitude, je suis plutôt agacé face aux performances d’acteurs, aux rôles qui semblent écrits pour ces prix. Là, on est au-dessus de tout ça. C’est d’abord un film. Et il se trouve que le sujet du film c’est un personnage central, omniprésent ; le sujet, c’est l’évolution progressive des états psychologiques d’une mère qui vient de perdre son mari, qui va perdre son enfant et qui devra apprendre à vivre seule dans une ville où elle ne connaît finalement personne. La performance, elle découle naturellement du film ; la finalité, ça reste le film, mais on ne peut évidemment que s’émouvoir du talent de cette actrice capable de tout jouer avec une précision et une conviction étonnante. Elle en fait des tonnes, mais elle reste toujours juste : ce sont les situations extrêmes, à travers lesquelles passe son personnage, qui l’obligent à adapter son jeu à la situation. Il n’y a sans doute pas de peine plus grande que celle d’une mère qui perd un gamin assassiné et qui se retrouver, seule, comme un adulte orphelin. Je ne crois pas avoir souvent vu, par exemple, une actrice « simuler » des crises d’angoisse. On croit en ce que l’on voit, tout un sachant qu’elle joue, mais en l’oubliant la plupart du temps (on se dit bien sûr parfois que c’est fabuleux ce qu’elle arrive à faire, et le plus souvent on est pris par la situation qui reste toujours au centre du film). Bref, il y a une gamme d’expressions, de situations, d’humeurs, autour de la déprime, du chagrin, qui est tout à fait hallucinant. Elle donne l’impression qu’aucune scène n’est jouée comme une autre ; c’est la situation, la disposition du moment du personnage qui dicte son interprétation ; il n’y a pas d’humeur générique pour exprimer la peine immense de la perte d’un enfant. C’est une alchimie insaisissable noyée dans les mystères des situations jouées. Jeon Do-Yeon exprime toujours l’humeur adéquate. Elle sait parfaitement se fondre dans une situation en en comprenant tous les enjeux. Le réalisateur y est-il pour quelque chose ? Sans doute oui, quand on voit l’excellence de l’ensemble des acteurs. Et cela jusqu’au moindre élève de piano qui n’a pas appris sa leçon et qui ne veut pas l’avouer, mais dont on perçoit pourtant dans le regard et l’attitude la gêne laborieusement dissimulée de celui qui ment avec honte : il n’y a rien de plus difficile que de jouer ce que l’on ne veut pas dévoiler. Il est facile de jouer celui qui ment effrontément, mais jouer celui qui ment et qui se retient de ne pas laisser paraître de gêne liée à la honte de mentir (ou encore jouer celui qui se retient de pleurer quand il est déjà souvent parfois assez compliqué de pleurer…), là alors, ça devient impossible. Pourtant, un enfant y arrive. C’est donc que le réalisateur a lui aussi son secret…

L’acteur qui joue cet étrange garagiste, cet ange gardien repoussé et pas loin d’être un clown à l’insu de son plein gré, c’est Song Kang-ho, qui apparaissait dans Memories of murder.



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