Forfaiture, Marcel L’Herbier (1937)

Forfaiture

Forfaiture

Année : 1937

Réalisation :

Marcel L’Herbier

4/10 IMDb

Avec :

Victor Francen, Lise Delamare, Louis Jouvet, Sessue Hayakawa

Les dialogues sont nuls. Ça tombe bien, Sessue Hayakawa est incapable de se faire comprendre. (Découpage brouillon de L’Herbier, ce n’est pas beau à voir…)

Au niveau de l’histoire, c’est quand même très typé mélo, un genre qui sera un peu passé de mode dans les années 30 où on ne pouvait plus présenter le couple de la même manière.

L’Herbier rend hommage à un réalisateur (Cecil B. DeMille) qui a tourné un film original vingt ans avant et qui encore vingt ans après continuera de réaliser des chefs-d’œuvre. Y a les petits, et y a les grands… L’Herbier est un petit. (Et j’adore L’Argent.)

En dehors de Abel Gance et de René Clair qui avaient probablement une expérience du jeu et de la scène, les autres réalisateurs de l’avant-garde française étaient surtout des formalistes qui trouvaient avec le cinéma muet un parfait moyen de s’exprimer à travers le montage, la composition, les décors… Et avec le parlant, ceux-là se sont trouvés face à un art complètement différent où l’expérimentation devenait presque interdite et où surtout il fallait savoir diriger des acteurs. Il n’y a pas que certains acteurs du muet qui ont eu du mal à passer la barrière du parlant. Les metteurs en scène aussi.


 

Forfaiture, Marcel L’Herbier 1937 | Société du Cinéma du Panthéon


Nana, Dorothy Arzner (1934)

Nanaconda

NanaAnnée : 1934

Réalisation :

Dorothy Arzner

5/10  IMDb

Avec

Anna Sten, Phillips Holmes, Lionel Atwill

Anna Sten est jolie, très jolie. Seulement pour le reste… Direction d’acteurs pitoyable comme d’habitude chez Dorothy Arzner. Tous jouent trop fort, pas assez vite ou au contraire incapables de ralentir et de jouer sur l’intensité pendant les moments forts. Surjeu affligeant en particulier de la part de l’actrice principale, Anna Sten, si craquante dans La Jeune Fille au carton à chapeau… Ben, une actrice du muet, oui. Et une pauvre jeune fille à qui on demande de singer Dietrich… Que c’est laid. Grossier. Annaconda, c’est trop fin pour toi.

Alors d’accord, c’est très dur à jouer, mais ces acteurs médiocres laissés à l’abandon ça me rend presque triste. Il n’y a qu’un second rôle qui émerge dans tout ça, celle qui joue Satin, l’amie de Nana, jouée par Mae Clarke, « madame Frankenstein », et qui de mémoire était tout aussi excellente dans Waterloo Bridge… Une sorte d’autorité androgyne, un charme railleur et une insolence très pré-code… Pas de place dans ces années 30… L’âge d’or d’Hollywood, c’est aussi l’âge d’or des actrices. Dommage pour Mamae, mais quelques secondes de respiration pour nous dès qu’elle apparaît à l’écran… et au revoir.

Samuel Goldwyn à la production pour ce nanarcondo. Contente-toi de monter des projets pour Willy Wyler, Samie.

Nana, Dorothy Arzner (1934) The Samuel Goldwyn Company


 


L’Inconnu du palace, Dorothy Arzner (1937)

Bride et Préjudice

The Bride Wore RedThe Bride Wore RedAnnée : 1937

Réalisation :

Dorothy Arzner

5/10  IMDb

Avec :

Joan Crawford, Franchot Tone, Robert Young, Billie Burke, Reginald Owen

Typique des films de studio de l’époque : production mainstream réunissant la crème des artistes et techniciens sous contrat pour initier un projet coûteux mais parfaitement calibré pour le goût du public. Aucun risque, on assure avec ce que le spectateur connaît et apprécie déjà sans se soucier de faire un film ambitieux ou cohérent.

Résultat, un fric de fou dépensé mais aucun à-propos.

Une histoire, un film, pour la ou le raconter, il faut un certain sens des proportions, savoir quand couper des scènes inutiles, quand d’autres sont nécessaires pour éviter les raccourcis faciles, et pour ça il faut autre chose que les gros sabots d’un grand studio. Quand ce n’est pas la chance, c’est un cinéaste capable de prendre les bonnes décisions en dépit des vents contraires qui vous assurent ce savoir-faire… Et là, on a juste l’impression de voir un paquebot que personne ne dirige.

Dorothy Arzner assure dans le découpage ; les décors sont parfaits si on excepte les extérieurs parfois ridicules ; tous les acteurs sont formidables, mais à peu près tous à contre-emploi ; certaines répliques font mouche ; mais le sujet est ridicule, et personne n’est là pour redresser la barre de ce qui aurait été probablement impossible à rendre meilleur.

Le premier des talents, c’est celui du renoncement. On se compromet, on est aux ordres, ou pas. Triste de voir autant de talents filer à la catastrophe.

L’Inconnu du palace, Dorothy Arzner (1937) The Bride Wore Red Metro-Goldwyn-Mayer (MGM)


Sarah and Son, Dorothy Arzner (1930)

Mélo dramatique

Note : 2.5 sur 5.

Sarah et son fils

Titre original : Sarah and Son

Année : 1930

Réalisation : Dorothy Arzner

Avec : Ruth Chatterton, Fredric March

Il y a ce qu’on peut faire au temps du muet et ce qui ne passe plus au parlant. Et les mélodrames grossiers de ce type laisseront très vite place à des mélos bien plus sophistiqués dans les années 30, avec usage de la musique et acteurs à la hauteur.

Le scénario semble reprendre les grosses lignes du roman, et on ne s’embête pas de nuances ou de cohérences. Les raccourcis sont risibles, les procédés dramatiques cousus de fil blanc, les dialogues affligeants. Bref, c’est consternant.

 

Au milieu de cette fondue informe, Dorothy Arzner fait ce qu’elle peut. Aucun sens de la direction d’acteurs ou du rythme (le film dure une heure vingt mais avec un style de jeu qu’on retrouvera systématiquement par la suite basé sur la vitesse, il aurait tenu vingt minutes, c’est dire qu’on y trouve peu de matière dramatique), mais un sens certain cette fois pour le montage (un paradoxe quand on est incapable de demander à ses acteurs de jouer plus vite) et une connaissance parfaite d’où placer sa caméra.

Le pire est encore ailleurs. Ruth Chatterton est si mauvaise qu’on a probablement imaginé un accent hollandais pour elle (dans Paramount on Parade elle prenait le même accent censé être français). L’ironie, c’est qu’elle sait plutôt bien chanter… pour une actrice sans doute plus à l’aise pour le muet. Parce qu’elle a une intelligence, une présence, une autorité, ça, il n’y a rien à redire, mais dès qu’elle ouvre la bouche, c’est le néant (preuve encore une fois qu’un acteur intelligent peut être plus mauvais qu’un imbécile). Je crois même avoir rarement vu pire récemment en termes de jeu d’acteur sinon Clara Bow dans un autre film de la rétro Arzner où on n’avait qu’une envie, lui dire à l’oreille : « This is It ! » pour en finir.

On se demande encore comment Fredric March arrive à surnager avec autant de médiocrité autour de lui. Au moins, on ne voit que lui, c’est vrai que c’est un filon comme un autre pour faire éclater son talent aux yeux des patrons du studio, et l’installer plus tard dans les productions du parlant… Le point pour éviter le 1/10 est pour lui.

Ça devait être la panique à l’époque pour redistribuer les cartes et trouver les futures têtes d’affiche… Au moins, là, il y a cette évidence.

Sarah and Son, Dorothy Arzner (1930) Paramount Pictures


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La Phalène d’argent, Dorothy Arzner (1933)

Dorothy au Merveilleux Pays Ozthèk

Note : 2.5 sur 5.

La Phalène d’argent

Titre original : Christopher Strong

Année : 1933

Réalisation : Dorothy Arzner

Avec : Katharine Hepburn, Colin Clive, Billie Burke

Soirée assez affligeante à la Cinémathèque où les tentatives d’hommages à une cinéaste médiocre tournent à la rencontre politique. Exemple parfait du « quand on fait un effort pour se mouler dans le politiquement correct, on prend le risque d’un retour de bâton plutôt inattendu ».

Comment défendre une cinéaste médiocre, comment la présenter ? C’est que des auteurs médiocres, il y en a de présentés tous les jours à la Cinémathèque, on en fait même des soirées spéciales le vendredi. Seulement là, parce qu’il faut contenter quelques militants qui veulent forcer, biaiser, l’histoire (du cinéma) on se trouve tout con à présenter une réalisatrice anecdotique (et ce n’est pas une critique quand on s’intéresse à l’histoire du cinéma) comme on présente les meilleurs cinéastes du siècle.

On évoque l’histoire, son rôle. On en vient, forcément, à rappeler que les principaux réalisateurs de l’époque, et donc Arzner, ne sont que des employés au service de studio, que leur apport créatif est parfois mineur, et enfin que la notion d’auteur est plus que discutable, sinon anachronique… Tout ce qu’on pourrait se permettre de dire avec n’importe quel autre cinéaste. Et là, on se fait taper sur les doigts parce que non, mon Dieu non, une femme cinéaste, ça ne peut être qu’une artiste opprimée, une auteure de talent dont l’importance n’a été que minimisée depuis des décennies par ces machos d’historiens du cinéma.

Ces militants, qui ont sifflé en présentation l’auteur du billet de présentation, et qui n’iront probablement pas voir les autres chefs-d’œuvre de la rétrospective, et qui, belle ironie ont applaudi à la fin de ce qu’il faut bien appeler une merdasse follement conventionnelle, ils y connaissent quoi aux films de cette période, ou même au cinéma ? Ça se sentait très vite, les lieux n’étaient pas fréquentés par des habitués. Ces gens-là ne sont pas des cinéphiles mais des agitateurs.

Quand on milite, quelles que soient ses idées, c’est assez con de miser sur le mauvais cheval. Et je ne dis pas ça pour Katharine Hepburn, parce que précisément, s’il fallait faire une rétrospective sur une femme, ou un “genre”, qui a eu une importance dans le cinéma à cette période charnière, à la naissance du parlant à Hollywood, c’est précisément sur Hepburn, précisément sur une de ces actrices au fort caractère qui a montré la voie à travers l’écran à de millions d’autres.

Le soft power féministe il était là, à l’écran, son génie nous explosait à la gueule. Et tout ce que ces imbéciles voient, ce n’est que le talent (sic, raclement de gorge) de Dorothy Arzner. Que tous ceux-là réclament des rétrospectives de ces stars féminines du muet et des années 30 avant que le code foute tout ça à la poubelle, parce qu’on ne biaise pas l’histoire, et l’histoire c’est là qu’elle s’est faite. Faut pas être cinéphile pour reconnaître du talent à une réalisatrice sans envergure et pour reconnaître que la seule chose qui sauve le film du navet total c’est bien la présence d’une des plus grandes actrices du XXᵉ siècle. Encore jeunette et déjà une autorité naturelle, une présence sans faille, des nuances grinçantes qui vous empêche de détourner les yeux, une intelligence de chaque instant… bref, un génie. Elle aura sa rétro, elle ? Est-ce que les militants en ont seulement quelque chose à foutre ou est-ce qu’ils sont tellement biaisés par les considérations auteuristes de l’époque qu’ils ne peuvent croire qu’il n’y ait et qu’il n’y a toujours eu que les “réalisateurs” qui ont compté ? Parce que sinon, une rétrospective Leni Riefenstahl, pourquoi pas. S’il faut que ce soit des femmes autant qu’elles aient du talent et que leur poids historique dans l’histoire soit significatif.

Ah, on rira quand dans un siècle, les mêmes iront chercher le nom des réalisatrices dans les épisodes de séries TV. La série TV, grosse machine artisanale où tant de réalisateurs/trices sont passés…

C’était d’autant plus ironique, qu’au point de vue purement créatif, je parle de la réalisation, tout le travail un peu original, a été effectué par un homme, Slavko Vorkapich, avec ses fameux effets de transition (un peu datés d’ailleurs).

Et quel sort réserve-t-on à une autre femme qui pourrait tout autant voire plus faire figure ici « d’auteure » : la scénariste attitrée d’Arzner, Zoe Akins ? Rien que dalle. Sans doute parce qu’il y a pire que d’être une femme cinéaste dans l’échelle des valeurs, ou du pouvoir, ou de la biaisatitude, c’est d’être une femme scénariste, qui plus est homosexuelle, qui se tapait la metteur en scène. Qui porte la culotte ? qui est l’auteure entre celle qui écrit dans l’ombre et l’autre qui plante sa caméra comme il faut dans un studio ?…

Tout cela n’a aucun sens. Dans un film de studio, l’auteur, c’est le studio, point. Tous les collaborateurs sont des pions. En revanche, le pouvoir à l’écran des acteurs (et donc des actrices), il est bien réel, parce que c’est à eux que les spectateurs s’identifieront. Qu’une femme soit derrière la caméra, ça n’aura rien changé à la condition de la femme au cours du XXᵉ siècle. Ces actrices de Hollywood, donc de studio, et pas forcément américaines, du muet jusqu’à l’instauration du code, elles, elles ont changé la face du monde et ont participé au seul véritable pouvoir capable de changer au moins la donne, de donner la direction : le soft power. Le véritable pouvoir il est là, chers militants. Il est sur pellicule, pas derrière la caméra. C’est de la culture, chose étrange, à laquelle ces zouaves n’ont que foutre, précisément parce que l’art n’a pas de sexe. Ça se dit comment, ça, soft power en langage politiquement correct ? Ça ne se dit pas. Ça se voit. Et certains n’ont donc rien vu ce soir de Katharine Hepburn. Se promener un 14 juillet 89 à Paris, rêver de liberté et d’égalité, et ne rien savoir de ce qui se passe à la Bastille. Ça s’appelle militer les yeux bander, ou se pavaner avec un t-shirt Che parce que la rébellion est à la mode. Artifice, mon amour.

Merci, au revoir, ceux-là, on ne les reverra plus pour le reste de la rétro.

Ah, et le film ? ben, le film est nul, mais ce n’est pas forcément du fait de son admirable « auteure ».


Quelques images, de qualité médiocre comme le film, de la bande-annonce pour vous sustenter avant d’aller voir ailleurs :

 

La Phalène d’argent, Dorothy Arzner 1933, Christopher Strong | RKO


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La Grande Muraille, Frank Capra (1933)

Frank von Caprenberg

Note : 3 sur 5.

La Grande Muraille

Titre original : The Bitter Tea of General Yen

Année : 1933

Réalisation : Frank Capra

Avec : Barbara Stanwyck, Nils Asther

Capra s’essaie à la démesure stylistique de von Sternberg. Et au moins sur le plan du design, il faut dire qu’il fait sans doute un peu mieux. Ce n’est pas tant qu’on assiste à une orgie de décors, c’est surtout qu’ils sont particulièrement riches et soignés. On remarque également quelques trucs que le réalisateur au niveau du montage emploiera par la suite (« je me souviens » « je rêve… »).

Pour le reste, c’est bien trop statique : une fois que la Stanwyck est tenue captive, toute l’action patine, jamais les enjeux et les conflits reliant l’Américaine et son général chinois n’offriront un semblant d’évolution. Dans l’Empire contre-attaque (ou déjà Un nouvel espoir) par exemple, l’idée est de procéder à un montage parallèle pour attiser la tension, se faire rencontrer deux espaces, deux groupes opposés. Ici, l’opposition ne peut venir que de l’intérieur puisque les protagonistes sont tenus dans le même lieu. On est un peu comme dans le théâtre classique français dans lequel les tensions naissent d’une situation connue et déjà bien établie, devenant intenable, et où tout le développement qui vient est d’abord psychologique, tourné sur le dialogue plus que sur l’action. Seulement ce huis clos ne propose absolument rien pour entretenir efficacement l’intensité et donner à espérer voir le verrou sauter, puisque de conflit et d’opposition, il y en a peu en fait, et les enjeux mal définis ou dérisoires. On s’en moque en fait.

Un film donc plutôt hybride pour Frank Capra, qui dénote un certain savoir-faire, surtout au niveau du studio (la Columbia cherche, semble-t-il, à diversifier son catalogue, mais le fait avec un genre qui nécessite une trame bien plus serrée et des locations plus diversifiées ; on y arrivera notamment en adaptant des grands classiques de la littérature et en s’appuyant plus sur un « destin », un récit courant sur plusieurs années, plutôt que celui de ce qui pourrait n’être qu’un « épisode ») mais le tout reste trop… baroque pour être satisfaisant.


La Grande Muraille, Frank Capra 1933 The Bitter Tea of General Yen | Columbia Pictures


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Gabriel au-dessus de la Maison-Blanche, Gregory La Cava (1933)

Nul prophète à la Maison-Blanche

Note : 2.5 sur 5.

Gabriel au-dessus de la Maison-Blanche

Titre original : Gabriel Over the White House

Année : 1933

Réalisation : Gregory La Cava

Avec : Walter Huston, Karen Morley, Franchot Tone

Les deux premiers actes sont très bons (le premier au niveau des dialogues et de l’humour, le second pour la mise en place de petites idées utopistes du président), malheureusement, le troisième est une sorte de discours du Rebelle illustré par des maoïstes intégristes… Une demi-heure de conneries sans nom, propagandiste d’un autre temps, à coup de « on va faire la guerre à tous les méchants de la planète, nous, la race anglo-saxonne, parce qu’on n’arrive pas à nous mettre d’accord avec les autres, ces sous-développés ; on va leur montrer combien le christianisme va sauver le monde »…

Rarement vu un film se vautrer à ce point en commençant fort et finir ainsi dans la boue. Ne jamais faire confiance à des artistes pour trouver des solutions aux problèmes du monde. Toutes les utopies mènent à une forme de fascisme…

Reste les acteurs formidables et une mise en scène efficace. À se demander pourquoi Franchot Tone et Karen Morley ne sont pas devenus de véritables stars à cette époque. Leur talent est indéniable et ils sont tous deux plutôt charmants… Un petit côté trop lisse peut-être pour l’époque, un manque de fantaisie. On loue plutôt, pour franchir cette ultime marche de la gloire, l’impertinence, voire la sauvagerie ou un côté tendant franchement vers la screwball. Trop sages, trop policés. Soit. Mais avoir de tels seconds rôles dans une distribution, c’est un luxe. Dommage de les y voir dans un film qui les oublie trop vite.

Il est à noter aussi que cette rétrospective « élections américaines » à la Cinémathèque (en réalité plus une rétrospective sur la politique américaine) permet assez bien de pointer du doigt les errances jamais irrésolues d’un système en politique et cela quel qu’il soit. Depuis les Grecs (qui avaient inventé ce qui se rapproche le plus de la démocratie directe), les mêmes constats, le même espoir d’un monde meilleur, et toujours la nécessité de se résoudre à une seule conclusion : le monde évolue, change, progresse sans doute dans un sens sans qu’on sache souvent vers où, mais il avance seul, poussé par des forces souterraines qui sont presque toujours issues de la société civile ; le progrès, s’il existe, est presque toujours à mettre au crédit des avancées scientifiques, médicales ou technologiques. Aucune utopie n’a jamais fait la preuve de sa capacité à promouvoir le bien-être, le progrès ou le bonheur pour tous. Peut-être parce que justement, le monde et le progrès ne se nourrissent pas de bonnes intentions, et parce qu’aucun « programme » ne saurait satisfaire l’ensemble des populations ou « lutter » pour un hypothétique bien commun.


 

Gabriel au-dessus de la Maison-Blanche, Gregory La Cava 1933 | Le Président dictateur, Gabriel Over the White House | Cosmopolitan Productions, Metro-Goldwyn-Mayer


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Amour défendu, Frank Capra (1932)

Barbara is born

Forbidden ForbiddenAnnée : 1932

6,5/10  

aka Une vie secrète

Réalisation :

Frank Capra

Avec :

Barbara Stanwyck
Adolphe Menjou
Ralph Bellamy

Je me réjouissais de retrouver une des actrices du début du parlant qui à mon sens a le plus œuvrer (malgré elle) à l’émancipation de la femme dans le monde occidental. Malheureusement, on a affaire ici moins à un film de pré-code piquant et insolent à la Baby Face qu’à un de ces mélodrames conciliants avec les convenances dont l’actrice était également la spécialiste.

Frank Capra évite les effets tire-larmes, mais paradoxalement, c’est le talent de sa vedette qui va finir par vampiriser la présence de tous les autres acteurs. Adolphe Menjou, excellent acteur au charme vieillot, habitué aux seconds rôles, s’en tire encore honorablement face aux éclairs de génie de sa partenaire. En revanche, Ralph Bellamy pourra user de tous les artifices possibles, il n’a pas la sincérité et la simplicité de la Stanwyck et se fait méchamment bouffer. Au moins ces deux-là auront été utiles à convaincre les studios que cette petite bouille juvénile, pas forcément bien jolie mais au caractère décidé, capable d’insolence comme de tendresse, pouvait être une des actrices majeures des décennies à venir.


Amour défendu, Frank Capra 1932 Forbidden | Columbia Pictures


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1932

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L’Assommeur / La Rafle, Josef von Sternberg (1929)

Crépuscule de gloire… pour George

Note : 2.5 sur 5.

L’Assommeur / La Rafle

Titre original : Thunderbolt

Année : 1929

Réalisation : Josef von Sternberg

Avec : George Bancroft, Fay Wray, Richard Arlen

Un des premiers parlants, et ça se sent. En dehors de quelques répliques bien senties, l’histoire est lente et statique. On voudrait croire après Les Nuits de Chicago se trouver face à un film de gangster, mais on tombe très vite dans le vaudeville. Trio amoureux de circonstance. Pour la violence, l’action, il faudra repasser. Les flingues sont présents, mais ils apparaissent comme des sexes d’exhibitionnistes : « C’est bien une arme ? Oui, c’en est une. Tu la vois bien ? Regarde-la encore. T’es sûr que tu l’as bien vue ? Tu ne veux pas la regarder encore un peu ? »

Cette lenteur est valable un peu pour tout en fait. Josef von Sternberg peine à instaurer une atmosphère (les décors, il faut le dire, ne sont pas à la hauteur ; et le travail sur la lumière inexistant ; signe sans doute d’une production faite à la va-vite pour proposer un film sonore). Surtout, le rythme des scènes dialoguées est pataud, n’offrant aucun mystère et intensité… C’est un peu terrible à dire pour George Bancroft, si charismatique dans Les Damnés de l’océan (il me faut revoir Underworld) : il n’est convaincant que dans une scène où il fait le pitre… à appâter un chien en tortillant du cul. Une scène muette, bien sûr. Il est incapable de penser seulement ce qu’il raconte et adopte un débit affreusement lent et appuyé dans le désir sans doute de créer une tension. Je l’ai déjà dit, von Sternberg n’est pas un grand directeur d’acteurs, et malheureusement ça se ressent ici. Le jeu de corps pour Bancroft reste excellent, mais Dieu qu’il paraît idiot et perd toute autorité dès qu’il ouvre la bouche… Richard Arlen n’est pas bien meilleur, mais dans des personnages ingrats (ceux de bellâtres), il s’en sortira, de mémoire, un peu mieux dans L’Île du Docteur Moreau.

Une bonne moitié du film se déroule en prison. Excellente idée pour annihiler toute possibilité d’action et renforcer l’idée d’un cinéma parlant statique.

Après cette horreur, Josef von Sternberg retourne en Allemagne pour retrouver Emil Jannings (son acteur de l’excellent Crépuscule de gloire) et lancer la carrière d’une certaine Marlene dans L’Ange bleu. Dès l’année suivante pour son retour à Hollywood, bon nombre des acteurs muets auront été mis au placard, et Josef aura appris sa meilleure leçon de direction d’acteurs : se contenter des meilleurs. Autrement dit, au revoir George Bancroft, bonjour Cary Grant et Adolphe Menjou (on se rappellera que William Powell était déjà présent dans Crépuscule de gloire, son heure arrive).


L’Assommeur / La Rafle, Josef von Sternberg 1929 Thunderbolt | Paramount


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Crime et Châtiment, Josef von Sternberg (1935)

Remords

Crime and Punishment Année : 1935

6/10 IMDb  iCM

Réalisation :

Josef von Sternberg

Avec :

Peter Lorre
Edward Arnold
Marian Marsh

Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1935

Pas bien compris l’angle abordé dans le film, ou le livre. Un bon épisode de Columbo, on voudrait presque dire. Les codes y sont identiques.

Gros souci dans le découpage. Aucun plan pour nous placer le récit dans un environnement. Les rares plans dans les rues font penser furieusement à celles de M et n’aident pas beaucoup plus à aider à croire en cette histoire.

La direction d’acteurs laisse à désirer. Si Edward Arnold est impressionnant, tout comme les autres par intermittence, Josef von Sternberg leur laisse trop de liberté et se soucie peu de créer une atmosphère capable de les baigner dans le même moule. Le choix des deux actrices (la sœur et l’amie) paraît un peu discutable (trop jolies et trop distinguées pour les rôles). Peter Lorre propose de nombreuses idées censées suggérer sans doute les tourments de leur personnage, mais ça va un peu dans tous les sens et les autres ne peuvent pas suivre (sauf Arnold).

Le tout reste bien statique et bavard. On n’adapte pas une œuvre littéraire, on fait des films ; et une adaptation n’est pas encore du (grand) cinéma…

(Salle étrangement bondée à la Cinémathèque pour un film si mineur de Josef von Sternberg).


Crime et Châtiment, Josef von Sternberg 1935 Crime and Punishment | B.P. Schulberg Productions, Columbia Pictures