France, Manu et les loups

Cahiers garnis

 

Histoires et légendes d’Emmanuel Macron racontées aux petits

Chapitre Deux

France, Manu et les loups

France, une jeune fille des années 80 avec un chaperon rouge sur la tête, se promenait dans les bois, un panier de roses au bras qu’elle avait l’intention d’offrir à sa grand-mère, Nation, qui habitait une maison à l’autre bout du bois.

Sur son trajet, France rencontra Pierre, un enfant déluré amateur des nouvelles du soir et de contes à dormir debout. Pierre la mit en garde : selon lui, la forêt était infestée de loups. « Ne va pas par là, fillette ! Tu seras dévorée toute crue ! », alerta-t-il les yeux écarquillés et la voix grosse pour faire peur à France.

Mais la fillette au petit chaperon rouge connaissait Pierre pour ces facéties et continua sans son chemin à travers la forêt, un peu craintive malgré tout, mais sans croiser le moindre loup.

Pendant dix ans, France se rendit ainsi chez sa grand-mère Nation sans problèmes, et à défaut de rencontrer des loups, c’est Pierre qu’elle croisait parfois en chemin, lequel n’hésitait pas à raconter de nouvelles histoires de loup pour faire peur à la fillette.

Au bout de quelques années à rendre visite à sa grand-mère tous les dimanches, le jardin autour de la maison était rempli de parterres de roses. La fillette au chaperon rouge et sa grand-mère s’étaient amusées à appeler leur jardin « République ». Le jardin, avec ses roses de couleurs multiples, était accueillant, bien tenu et apprécié par les insectes qui aimaient venir y butiner les plus belles fleurs de la forêt.

Arrivèrent les années 90, et là, à l’endroit même au milieu du bois où elle avait croisé Pierre maintes fois, France, qui n’avait pas grandi et se réfugiait toujours sous son imposant chaperon rouge pour faire barrage à la pluie et au froid, se trouva nez à nez avec un loup : « Hou ! fit le loup, je vais te manger ! ».

France resta pétrifiée quelques instants, mais bientôt un rire étouffé et stupide se fit entendre derrière ce qui se révéla n’être qu’un costume de loup : « Ne t’inquiète pas, fillette ! Je suis Manu ! Je joue à être acteur. Plus tard, je vais être loup ! »

— Tu m’as fait peur, répondit France, agacée par l’imbécilité du garnement. Un jour ici, un enfant m’avait mise en garde contre les loups, alors que nous n’en avons plus vu ici depuis la libération, c’est stupide. Mais lui ne m’a jamais fait peur comme toi tu l’as fait !

— Oh, mais les loups existent ! rétorqua Manu. Autrement, qui te protégerait ?

— Quelle étrange manière de présenter les choses ! S’il n’y a pas de loups, nous n’avons pas besoin de nous en protéger !

— Je te prouverai qu’ils existent ! insista Manu alors que France lui avait déjà tourné le dos. Et s’il n’y en a pas dans cette forêt, un jour, c’est moi qui viendrais te manger !

Un peu plus tard dans les années 90, toujours sur le même trajet, France tomba une nouvelle fois sur Pierre qui revenait du village voisin. Encore essoufflé par sa course, Pierre certifia devant la fillette que le loup était de retour. « Cette fois, c’est vrai ! insista-t-il. Je l’ai vu, mais ils n’ont pas voulu me croire ! »

— Es-tu sûr que ce n’était pas un enfant prénommé Manu qui jouait à te faire peur ? répondit France qui craignait de voir Pierre pris à son propre piège.

— Oh ! non, je t’assure, cette fois, c’est bien vrai ! Vrai de vrai. Le loup est de retour !

La fillette tâcha de rassurer Pierre dont le désarroi la toucha sincèrement. Avant de se quitter, ils se promirent de rester vigilants et de se prévenir l’un et l’autre si la nouvelle du retour du loup venait à se confirmer. France reprit le chemin vers la maison de sa grand-mère sans pouvoir ôter de sa tête cette interrogation : « Et si Pierre, pour une fois, disait vrai ? ».

Les années passent sans que France n’ait de nouvelles ni de Pierre ni d’un quelconque loup qui rôdait dans la forêt. Mais alors que la fillette au chaperon rouge n’avait toujours pas grandi, empruntant comme chaque dimanche ce trajet qui la menait chez sa grand-mère, en 2002, elle tomba soudain face à une maison en briques qu’elle n’avait jamais remarquée jusque-là.

Un petit cochon l’accueillit devant sa porte, et soulagé de pouvoir partager ce qu’il avait sur le cœur, raconta son histoire au petit chaperon rouge. Il y a trois jours de cela, un terrible loup s’en était pris à ses deux voisins et les avait dévorés après avoir soufflé leur maison qui n’était pas assez solide.

— Mon Dieu, mais c’est horrible ! s’écria France. Heureusement que ta maison est faite de briques ! Et moi qui croyais pendant tout ce temps que c’était Manu qui faisait l’idiot !

— Fais attention à toi, fillette, il y a bien un loup qui rôde dans les parages. Il ne s’en est pris jusqu’alors qu’à des petits cochons, mais qui sait ce dont un loup affamé est capable. Ton chaperon ne te sera pas d’une grande utilité contre lui !

— Oh, je ferai bien attention maintenant. Sois-en assuré, petit cochon.

Et les deux se séparèrent, anxieux qu’un loup, un vrai, puisse venir les dévorer dans les villages et la forêt alentour.

Bien des années plus tard, toujours cachée sous son chaperon rouge, France poursuivit son inlassable circuit dominical qui l’amenait à voir sa grand-mère Nation. Rendant en chemin visite à celui qui était devenu son ami, petit cochon, elle trouva sa maison changée et d’étranges aboiements alertèrent la fillette sur la triste possibilité que son ami ait déménagé. Ou pire, dévoré par les loups ! Elle toqua à la porte, et c’est Manu, devenu grand, en habit de chasseur, qui se présenta à elle :

— France, quelle surprise ! s’écria-t-il avec un air outrageusement amical. Pardon pour cet accoutrement, je jouais au chasseur.

— Mais pourquoi as-tu besoin de jouer au chasseur, questionna France ? Tu es maintenant un grand garçon, un homme. Les hommes ne jouent plus.

— Si, je suis acteur professionnel, répondit Manu fièrement en réajustant son gilet.

Le jeune homme qui inspirait un certain respect ainsi costumé avec ses bottes et ses plumes, attendit l’approbation flatteuse de la fillette, mais France avait bien autre chose en tête :

— Qu’est devenu le petit cochon qui habitait ici ? interrogea France, inquiète pour son ami.

— Je lui ai proposé mon aide. Il cultivait les roses ici. Je l’ai aidé quelque temps et comme tu peux le voir, j’ai récupéré sa maison, répondit Manu calmement.

— Mais où est-il ? insista France.

— Oh, je ne sais pas, répondit « l’acteur » avec désinvolture.

— Mais voyons, ça n’a pas de sens. Si tu as repris la maison, qu’as-tu fait de ses roses ?

— Je les ai supprimées, répondit Manu comme s’il s’était agi d’une évidence. Elles ne m’avaient plus aucune utilité.

— Que fais-tu ici alors désormais ?

— J’ai l’intention d’élever des loups.

— Des loups ! s’exclama France épouvantée. Mais quelle étrange idée ! N’est-ce pas dangereux ?

— La forêt est dangereuse, répliqua Manu en insistant sur le mot « forêt ». Les loups menaçaient les villages alentour. Alors j’ai pensé les domestiquer. N’est-ce pas une idée judicieuse ? Mes loups préserveront la forêt des éventuels intrus qui rôderaient dans les parages. J’ai rencontré Pierre qui m’a dit pas plus tard qu’hier qu’il avait entendu grogner dans la forêt !

— Mais voyons, c’était sans doute tes propres loups, Manu ! répondit France qui n’en croyait pas ses oreilles.

— Les miens sont domestiqués. Ils étaient allergiques aux roses. Depuis que j’ai tout enlevé, ils sont beaucoup plus calmes.

Et il ajouta, comme pour souligner l’évidence de sa logique :

— Tu vois, s’ils sont agités, c’est un peu de ta faute. Mes loups ont un sens de l’odorat délicat et les fleurs que tu caches dans ton panier les indisposent.

Voyant France froncer les sourcils, et après avoir réfléchi un instant, Manu fit un grand sourire charmeur à la fillette, lui prit la main pour l’apaiser et lui demanda d’un air faussement trivial :

— Tu comptais te rendre chez ta grand-mère ? Il vaudrait peut-être mieux que tu m’indiques où se situe sa maison. J’irai la voir avec plaisir pour m’assurer que tout se passe bien quand tu n’es pas là.

— Oh ! non, tu es gentil Manu, s’empressa de répondre la fillette. Elle n’a besoin ni d’acteur professionnel ni… de loups.

— Un acteur professionnel ? s’esclaffa Manu. Ce n’est pas parce que je joue sans arrêt que mon fusil n’est pas chargé. Tu ne devrais pas te fier aux apparences, France… Je suis un homme, un vrai, oh, comme ils disent…

— Je ne comprends pas où tu veux en venir, Manu. Sache juste que Nation n’a pas besoin de toi !

Et elle partit, profondément contrariée par les manières du jeune homme et par la disparition de son ami, petit cochon, qui ne serait jamais parti aussi vite sans lui laisser d’adresse.

Après quelques années à arpenter la forêt avec ses loups et son fusil, Manu s’en était rendu maître grâce à la terreur qu’il y faisait régner. Plus aucune fleur sauvage ne poussait dans les sous-bois pour ne pas indisposer ses bêtes, et les animaux qui n’avaient pas quitté les lieux vivaient dans la crainte permanente de Manu qui n’hésitait pas pour nourrir ses loups à les chasser.

Malgré cette atmosphère de terreur, France se rendait tous les dimanches chez sa grand-mère. Le jardin de la République était le dernier endroit dans toute la forêt où l’on pouvait voir des fleurs. Mais rares étaient les habitants du village qui savaient quel chemin empruntait France pour se rendre chez sa grand-mère.

Un jour, toutefois, France rencontra Pierre tout affolé qui lui dit que sa grand-mère était malade. Selon Pierre, Nation s’était réfugiée chez Manu. La fillette se mit à courir de toutes ses forces en direction de l’ancienne maison en briques de son ami le petit cochon. Arrivée sur place, elle n’y trouva aucune trace du chasseur ou de sa grand-mère. Elle pensa alors que c’était encore sans doute un coup de Pierre, le mauvais plaisantin avec ses fausses nouvelles et ses commentaires anxiogènes. Elle reprit son chemin vers la maison de sa grand-mère, furieuse de s’être laissé prendre, et sans prêter attention à ce qu’était devenu Pierre.

Alors, arrivée sur le chemin secret qui menait au jardin de la République, elle entendit Pierre surgir tout à coup derrière elle en remuant les bras : « Oh ! France, c’est horrible ! Ne t’aventure pas plus loin ! Les loups ont dévoré ta grand-mère ! ». France réagit à peine, et en demandant à Pierre de s’écarter, elle lui dit :

— Cela ne prend plus, Pierre. Voilà des années que tu racontes des mensonges. Je t’ai bien vu venir. Comment pourrais-tu savoir que les loups ont trouvé où habitait ma grand-mère ? Écarte-toi s’il te plaît.

— Mais, France, cette fois, c’est…

Avant que Pierre puisse finir sa phrase, un cri se fit entendre depuis la maison. Le visage de France se crispa, ses yeux s’écarquillèrent plein de terreur, et après une demi-seconde, elle se précipita sur le chemin qui menait à la maison de sa grand-mère. Elle trouva le jardin de la République sens dessus dessous. Toutes les fleurs avaient été piétinées. En ouvrant la porte, en furie, elle se mit à hurler : « Nation ! Grand-mère, es-tu là ? ».

Une petite voix souffreteuse répondit :

— Oh, c’est toi, mon enfant. J’étais fatiguée, mais cela va maintenant beaucoup mieux grâce à Manu qui était venu m’aider. Approche-toi, mon enfant.

France (qui n’avait pas reconnu Manu travesti avec les habits de sa grand-mère, et dans un rôle que l’acteur avait sans doute répété depuis des années) obéit et, tout en se rapprochant, regardant à peine l’imposteur, demanda très inquiète :

— Qu’est-il arrivé à tes roses, grand-mère ? Elles sont toutes écrasées ?

— Elles ne sont pas écrasées, répondit Manu. J’avais besoin d’en cueillir quelques-unes pour un remède à mon mal. Approche-toi encore, regarde, mon enfant, je vais mieux.

Et en se rapprochant, France eut un mouvement de recul et trouva à sa grand-mère une mauvaise mine.

— Oh ! grand-mère, pourquoi es-tu si essoufflée ?

— C’est que j’ai dû ramasser toutes ces fleurs pour mon remède, mon enfant. Je ne suis plus habituée à tant d’exercice, répondit Manu, toujours dissimulé derrière l’appareil d’État.

— Dis-moi, grand-mère, j’ai entendu crier. Pourquoi ce cri ?

— C’est que je me suis ébouillanté la langue avec mon remède, mon enfant. J’ai crié bien fort, oui. Regarde par toi-même. L’eau a déjà refroidi. Ne veux-tu pas attiser le feu ?

Et il lui indiqua le chaudron placé au milieu d’une grande cheminée.

— Mais il est même tout à fait éteint, s’étonna France.

Et l’innocente entreprit d’allumer un grand feu.

Dans la marmite, masquée par des roses fanées en surface, France ne devina pas que Manu y avait noyé sa grand-mère Nation. Elle attisa le feu et enleva son chaperon rouge quand les premières grandes flammes vinrent lécher le dessous de la marmite.

— Toute cette frayeur m’a donné chaud, dit finalement la fillette. Il faudra un jour qu’au village, l’Arcom se penche sur le cas de Pierre. Il est devenu impossible.

Puis, alors que Manu restait muet dans le lit de Nation en attendant sournoisement que la fillette porte la marmite à ébullition, France interrogea :

— Pourquoi as-tu besoin d’une si grande marmite, grand-mère ? Tu n’arriveras jamais à bout de ce remède !

— Il faut bien nourrir les loups ! répondit Manu.

Et en disant cela, alors que France eut à peine le temps de se retourner, il poussa la fillette vers la marmite et l’y noya.

Une fois les corps de deux femmes dissous, Manu ouvrit la porte de la chambre et y fit entrer les loups qui s’étaient tenus tranquilles tout ce temps, une cravate au cou. « Régalons-nous, les amis, souffla Manu. Nous sommes enfin maîtres de toute la forêt. »

Notre histoire pourrait s’arrêter ici. Mais celle-ci connaît un épilogue qu’il est nécessaire de livrer à la connaissance du lecteur. Sans cet épilogue, la morale de cette histoire resterait incomplète. L’auteur tient ainsi à la partager :

Une fois le repas terminé, alors que Manu changeait de costume pour revêtir celui de dictateur, une voix timide se fit entendre depuis la porte d’entrée qui s’entrebâillait doucement :

— Et moi, que vais-je devenir ?

C’était Pierre. Il avait assisté à toute la scène sans intervenir et avait peur d’être lui aussi dévoré par Manu et ses loups.

— Tiens, te voilà, toi. Nous avons encore besoin de toi ! lança Manu. Tu nous as aidés à trouver la maison de la grand-mère Nation. Tu ne seras pas mangé. Un dictateur a toujours besoin d’une bonne propagande. Et à défaut, de quelqu’un pour répandre la terreur.

— Oui, mais que vais-je devenir ? insista Pierre tout craintif en regardant les loups s’arracher leur cravate et se disputer les meilleures places auprès de leur maître.

— Fais ce que tu as toujours fait, répondit Manu. Va au village, dis-leur que les loups arrivent. Ils ont trois possibilités. Un choix entre deux extrêmes : soit les loups viennent les dévorer dans leur sommeil et je passe demain maître de leur village, soit ils passent le reste de leur existence à lutter contre eux. Un dernier choix se propose à eux, celui de la raison : ils acceptent sans faire de vagues que je sois leur maître et les loups les épargneront.

Cependant, en disant ces derniers mots, les loups qui avaient encore faim lui sautèrent dessus et le mangèrent tout cru.

Pierre eut juste le temps de s’enfuir. Au village, personne ne voulut croire à cette énième histoire abracadabrante.


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