Une femme qui s’affiche, George Cukor (1954)

Note : 3 sur 5.

Une femme qui s’affiche

Titre original : It Should Happen to You

Année : 1954

Réalisation : George Cukor

Avec : Judy Holliday, Jack Lemmon, Peter Lawford

Dialogues bien écrits et, dans l’ensemble, un film plutôt plaisant et sympathique, pour autant, la satire paraît bien trop futile et sage (voire inutilement méchante) après le coup de tonnerre que pouvait être Comment l’esprit vient aux femmes pour qu’on puisse se sentir parfaitement rassasié. On sort de là comme après avoir rencontré une fille dans une soirée dans laquelle elle a été le centre d’attention au milieu de quelques hommes ; étonnement, elle vous demande de la raccompagner ; vous vous dites que chouette, on va se marrer comme avec les copains ; et vous vous rendez compte au bout d’une minute que vous n’avez plus rien à vous raconter ; et du coup, vous n’êtes pas non plus très chaud pour autre chose (situation qui m’arrive tous les jours).

Judy Holliday fait de son mieux pour essayer d’égailler une intrigue qui patine, mais on sent presque déjà qu’elle se répète et cherche (avec Cukor comme complice, parce que la comédie ne s’improvise pas, beaucoup moins que le drame en tout cas) à forcer ses effets. Jouer les idiotes est ce qu’il y a de plus difficile au monde. L’actrice est une des rares à pouvoir s’en sortir dans ce registre ; et inévitablement, quand on est présent à chaque plan et que dans chacun est prévu un lazzi censé amuser la galerie, on prend le risque que ça fasse pschitt. Jack Lemmon prouvera dans la suite de sa carrière qu’il peut tout à fait assumer ce rôle quasiment seul ou accompagné d’un ou une partenaire, mais on lui demande ici trop peu de choses et tout repose sur les épaules de Judy Holliday.

Lemmon est un pitre, c’est relativement plus facile à reproduire parce que ses éclats sont souvent basés sur des mimiques cent fois répétées. L’humour est souvent question de rupture ; chez Lemmon, cette rupture est mécanique, sa sincérité importe peu. Le registre de Holliday se fonde au contraire sur un seul ressort : la sincérité, la spontanéité, la fraîcheur (oui, c’est un ressort à trois bandes, je fais ce que je veux).

La sincérité ne se reproduit pas sur simple commande. Par définition, plus on répète, plus on la perd. Or, tout l’humour repose sur le fait que l’on croit à la spontanéité de ses remarques et de ses réactions. La comédie, c’est souvent d’abord une question de timing et d’élan. Quand l’humour de Comment l’esprit vient aux femmes naît d’un choc et d’une opposition, d’une énergie ou d’une logique face à une autre, quand un sentiment d’urgences s’installe (l’héritage encore peut-être de la screwball), cela favorise l’humour et la spontanéité parce que le personnage de Judy Holliday vient en quelque sorte comme un cheveu sur la soupe. Ici, point d’urgence, et la soupe, c’est déjà Judy Holliday. Peut-être aurait-il été plus « loufoque » que deux logiques s’opposent entre celle de Holliday et celle de Lemmon…, mais que celle de Lemmon ne nous paraisse pas beaucoup plus rationnelle que l’autre.

C’est tout de même triste d’avoir Jack Lemmon sous la main et de lui donner le rôle du rationnel dans l’affaire… Et cela, avant juste d’en finir, de lui jeter deux cacahuètes pour lui prier de montrer ce qu’il sait faire… Eh bien, il le montrera, mais dans les films suivants.


Une femme qui s’affiche, George Cukor (1954), It Should Happen to You | Columbia Pictures


Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1954

Liens externes :