Office, Hong Won-Chan (2015)

Note : 2.5 sur 5.

Office

Titre original : Opiseu

Année : 2015

Réalisation : Hong Won-Chan

Avec : Ko Asung, Seong-woo Bae, Eui-sung Kim

Voilà qui est bien original : le thriller sans dénouement ou explications. C’est vrai quoi, pourquoi s’embarrasser, le spectateur fera le travail… Le réalisateur était pourtant le scénariste de The Chaser, mais il met là à son tour en scène le scénario de quelqu’un qui ne semble avoir rien fait d’autre. Résultat, sa mise en scène est parfaite (même si on tombe dans tous les clichés du genre, c’est efficace), mais le scénario est un grand brouillon que personne ne semble avoir réussi à mettre au propre. C’est pas tout de multiplier les fausses pistes ou de proposer des revirements improbables, encore faut-il au bout du compte retomber sur ses pattes et que le récit trouve une cohérence (au plus tard au dénouement, parce que sinon, non, on ne va pas refaire le film en en discutant avec les potes et y résoudre les trous et imperfections entre nous). Quand on parle d’interprétations laissées aux bons soins du public, ça ne concerne que des détails de l’intrigue, ceux dont on se souvient justement en revivant ou en se refaisant le film parce qu’il nous a convaincus et fascinés. Si la résolution de l’intrigue reste sujette à interprétation… dans les grandes longueurs, on hausse des épaules, et on passe son chemin.

Au passage (puisqu’il me faut bien regarder ailleurs après un haussement d’épaules), l’introduction du film souffre du même défaut que Midsommar. À vouloir trop souvent répondre aux codes des thrillers ou des films d’action, on s’impose une séquence traumatisante, censée être dans toutes les méthodes d’écriture, le point de départ de l’intrigue, ce que les Grecs appelaient hamartia, qui conditionnera tout le reste jusqu’au dénouement. Si parfois cette première péripétie n’est plus évoquée tout au long du récit, il faut qu’elle réapparaisse au moins suggérée dans le dénouement. C’est circulaire, une question d’harmonie. On peut faire sans, il y a sans doute plein d’exemples et des genres pour lesquels ça ne s’applique pas, mais quand on obéit aussi clairement à cette règle pour introduire son film, le spectateur, inconsciemment ou non, voit de la cohérence, et attend donc qu’on y retourne sur la fin. Ici pas du tout. Le rapport entre le massacre de la famille et l’élimination quasi vengeresse des collègues, il n’est pas clair. Je n’aime pas trop avoir à me servir de mon cerveau pour un thriller quand je ne comprends pas la situation…, ce n’est pas à moi de faire le boulot, messieurs.

Ça part d’Office à la poubelle…



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The Lobster, Yorgos Lanthimos (2015)

Note : 2.5 sur 5.

The Lobster

Année : 2015

Réalisation : Yorgos Lanthimos

Avec : Colin Farrell, Rachel Weisz, Jessica Barden

Charia crypto-spéciste vue par Rostropovitch…

Si le concept du film d’anticipation dénonçant une société totalitaire à la 1984 peut au début surprendre, et si l’idée d’en voir le moins possible est plutôt bien vue (on évite les écueils inhérents à la représentation, rarement convaincante, du futur), je trouve tout ça finalement assez vain et mal mis en scène. La représentation d’un futur dans lequel les célibataires seraient littéralement chassés et transformés (kafkayennement) en animal, trouve assez vite ses limites : la première moitié dans l’hôtel me paraît moins ennuyeuse que la suivante, mais la seconde est peut-être justement moins fascinante parce qu’on cesse de chercher à répondre aux questions posées, ou aux pistes levées, dans cette première partie…

La mise en scène donc. Par certaines touches, certains choix ne convainquent pas vraiment, et on sent bien que les acteurs sont eux-mêmes assez peu convaincus de ce qu’ils font. La lenteur d’accord, le jeu distancié voire robotique ou niais, aussi. Seulement, il n’y a guère que Colin Farrell qui limite la casse, dans un rôle pourtant pleinement de composition… Les autres semblent perdus ou jouent carrément mal.

Bref, l’impression parfois de se retrouver face à un montage de prises ratées d’un film de Roy Andersson. Mais c’est singulier, pour sûr.


Sur La Saveur des goûts amers :

Top des films de science-fiction (non inclus)


The Big Short, Adam McKay (2015)

Note : 3.5 sur 5.

The Big Short

Année : 2015

Réalisation : Adam McKay

Avec : Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling, Brad Pitt

Sujet passionnant, mais traité avec les pires méthodes hollywoodiennes. Paradoxalement (cf. lire mon commentaire sur Fury), celui qui s’en tire le mieux ici, ça reste Brad Pitt. Non seulement par sa sobriété, mais aussi par le message du personnage qu’il interprète et que le film peut-être perd un peu trop souvent de vue : inutile de parader sur le fait d’avoir raison avant tout le monde ou de se faire du fric en pariant à la baisse, parce que la réalité c’est bien les conséquences dramatiques sociales que ça implique (d’ailleurs, rien que le fait de rendre possible le fait de parier à la baisse, c’est en soi une des nombreuses dérives de la finance).

Le film vaut donc surtout pour son intérêt informatif, malheureusement bien trop souvent noyé derrière une forme en totale inadéquation avec son sujet (le film est même catalogué « comédie » par IMDb, et à juste titre, ça, ça dénote d’un certain mauvais goût). Si la voix off ou les interludes explicatifs ne sont pas si mal car nécessaires, tout l’aspect « comédie dramatique en costumes » avec la même fascination que Scorsese pour ces escrocs dans Le Loup de Wall Street, ça me gonfle bien plus. C’est un sujet sérieux, pourtant on sort les violons quand il est question d’évoquer les tragédies humaines que ça implique, et surtout on utilise une forme satirique des plus dépassées, parce qu’on se moque en fait de ces outsiders qui ont parié contre le système, qui étaient honnêtes, et que les escrocs, malgré tout, s’ils sont montrés comme des rapaces, représentent toujours cette même image de golden-boys positifs dans cette Amérique. Approche plutôt étrange, ce serait un peu comme nous dire : ils ont raison, mais ils étaient un peu craignos quand même. Comme si, comme pour le politique, l’accusation ne se tournait en fait jamais vers les criminels en col blanc, mais sur les petites gens, les ringards, les losers. D’ailleurs, le titre français achève ce paradoxe : « le casse du siècle », c’est de voir des losers s’en foutre plein les poches. Un vol, sérieux ? Donc il y a comme un léger hiatus entre ce que nous disent certaines répliques bien vues du film (en particulier celles de Steve Carell à la fin du film) et son approche. Il semblerait qu’on ait encore bien du mal à pointer du doigt les véritables coupables de ces arnaques, qui courent toujours, et qui manifestement continuent leur numéro avec la complicité des banques centrales, des États et de la presse financière…

To be continued en effet…


 


 

 

 

 

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Room, Lenny Abrahamson (2015)

Note : 3.5 sur 5.

Room

Année : 2015

Réalisation : Lenny Abrahamson

Avec : Brie Larson

Il y avait à peu près tout dans ce film pour me rebuter. Pourtant, si je sors du film satisfait, avec la conviction que malgré quelques défauts, c’est un bon film, c’est un peu parce que je lui reconnais l’incroyable exploit de ne pas me hérisser. La prouesse, c’est bien la somme de talent à déployer pour éviter le nombre faramineux de pièges qui se dressent devant vous quand vous décidez de vous attaquer à un tel sujet.

Reconnaissons pour commencer une première qualité de l’auteure du scénario (et du livre) : le fait de ne pas se concentrer uniquement sur la détention avec un récit concentré sur les diverses tentatives d’évasion. On échappe ainsi au thriller claustrophobe d’un goût douteux. Le récit décide ensuite de ne plus s’intéresser du tout aux poursuites ou aux recherches du ravisseur, et c’est encore à mon avis un excellent point. Le film se concentre alors sur la difficile reconstruction de la mère et de son fils, et ça, c’est plutôt un angle original parce que si le point de départ du film ressemble à certains faits divers glauques, au-delà très souvent de la sidération « biger than life » de voir que de telles situations peuvent exister, s’il y avait un sujet de film, il était bien de se concentrer sur l’après. Ce qui ne veut pas dire pour autant que cela en devienne moins casse-gueule. Dès qu’on touche aux faits divers, ou à ce qui en a l’apparence, à des événements à la fois aussi ancrés dans le réel mais difficiles à croire, la fiction n’est probablement pas le meilleur médium pour illustrer son horreur (disons que les faits divers ne sont jamais aussi bien placés — pour le public quel qu’il soit — sur la place publique, préservés des artifices vulgaires de la fiction dans les dernières pages qu’un journal quelconque). Jusque-là, bravo.

Ça se complique ensuite. Si on échappe au thriller séquestré dans une boîte à chaussure, on pourrait craindre d’un autre côté le drame calibré pour Sundance, avec ajout de poussière et de crasse sous les doigts désignés dans un lavabo d’effets spéciaux, avec les pires chemises à carreaux qui soit (neuves). C’est peut-être parce que le film est canadien qu’on échappe à ce nouvel écueil, mais force est de constater que malgré l’emploi de certains usages américains, on pourrait tout autant avoir affaire à un film européen (sorte de téléfilm Arte pour le sujet, mais qui pour sa maîtrise volerait à des hauteurs rarement atteintes par la petite chaîne franco-allemande). Ce n’est pas pour faire de l’antiaméricanisme primaire, mais plutôt parce que pour des raisons (esthétiques) qui me regardent, j’ai du mal à encaisser les films calibrés Sundance (ceux avec des stars dedans, qui ont accepté de baisser leurs tarifs, mais qui en plus de Sundance rêvent d’une petite nomination pour les Oscar). Il ne m’a pas échappé que l’actrice est une future vedette de chez Marvel, mais ne la connaissant pas, j’ai pu regarder sa performance sans souffrir d’un énorme hiatus plastique concernant sa présence dans un film crasseux où elle tire massivement la tronche.

La performance, c’est parfois important quand il apparaît dans la quasi-totalité des scènes, et forcément, dans ce type de films, c’est aussi un point potentiel sur lequel tout le film peut d’un coup faire fuir le public. Là encore, il faut le reconnaître, compte tenu du fait qu’on a affaire à un sujet des plus sensibles (casse-gueule), je trouve qu’elle s’en sort merveilleusement bien. Son jeu est contenu tout en restant expressif, et ça, ce n’est pas rien quand il aurait été si facile de se rouler par terre en pleurant ou, au contraire, de se dire qu’on aurait mieux fait de jouer tellement “contenue” qu’on exprimerait au final plus grand-chose. Chapeau donc. Parce que si certaines scènes sont compliquées à jouer par leurs excès intrinsèques, la difficulté est alors de trouver un juste milieu vers le “moins” qui fera qu’on parviendra à rester crédible. Je n’ai pas non plus vu d’effets trop tire-larmes ou d’appels trop évidents au pathos : même si on y a un peu recours, on échappe bien au pire.

On peut même dire la même chose au sujet du môme. Non seulement il est crédible, mais il arrive à ne pas trop taper sur le système comme c’est bien trop souvent le cas des acteurs en herbe si dévoués et “professionnels” au point de perdre toute spontanéité, fantaisie ou bêtise propres à leur âge. C’est d’ailleurs à travers lui que passe un des effets narratifs peut-être les plus lourds, “américains”, et forcément un peu inutiles, du film : on suit le film à travers le regard (en passant par la voix off) de son personnage. Le récit n’insiste pas trop sur le procédé, on échappe donc encore là au pire…

J’ai pu lire çà et là que le récit comptait trop d’incohérences. De mon côté, j’ai vite mis ces incohérences sur le compte du “naturalisme”. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le sujet se rapportait tellement à des faits divers connus que tout en échappant au rebutant « d’après une histoire vraie », on sait par expérience que dans la réalité, les gens ne réagissent pas forcément comme attendu, et que les détails les plus invraisemblables sont parfois les plus “réels” (combien de fois s’est-on entendu dire « ce serait dans un film on n’y croirait pas ? »). Alors, il ne faut pas multiplier les facilités ou les raccourcis (la mansuétude dont il m’arrive de faire part à l’égard de certains objets filmiques ayant ses propres limites), mais justement, je crois qu’on y échappe pas mal, et je pense même que certains détours ont réellement été choisis pour leur légère incohérence, et pour l’incrédulité qu’ils pouvaient susciter chez le public (vous êtes terriblement incrédule face à cet argument, n’est-ce pas ?). Un risque à prendre parfois : il faut alors faire appel à l’expérience et à la confiance du spectateur, à sa bienveillance aussi, afin d’éviter qu’il ne vous accorde plus aucun crédit face à de nouvelles incohérences qui seraient pour lui de trop (c’est un peu comme faire le pari de se foutre sous une guillotine et de faire confiance au public pour qu’il ne l’actionne pas…).

Écueil après écueil, c’est donc surprenant d’être passé à travers tout ça. Sans être brillant, le film me paraît maîtrisé, et je crois qu’on peut même dire qu’il arrive à changer en or ce qui se présentait à première vue comme du plomb.

Reste un dernier écueil. À quoi bon ? Et là, on retourne au piège du film écrit d’après un « fait divers ». Un fait divers vaut pour lui seul. On le raconte sur la longueur, et ça perd pas mal de son sens. Un fait divers qui s’étale sur la durée, c’est rare, et c’est presque toujours lié à une situation inchangée qui s’étale dans le temps. Faire le récit d’un événement assimilable à un fait divers et poursuivre sur autre chose, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a malgré tout là quelque chose de bancal ou d’injustifié (paradoxale, puisque c’est aussi un atout du film). Un peu comme il y a aucun intérêt à étaler une blague Carambar sur un film de deux heures. L’angle choisi qui est de se concentrer sur l’après est intéressant, assez bien exploité, mais si ce n’est ni divertissant, ni révélateur de ce que nous sommes, ni puissamment émouvant ou dépaysant, à quoi bon ? Certains y trouveraient en fait, je suppose, un certain attrait émotif, mais ma petite idée qu’ils se seraient en fait beaucoup plus portés par le sujet et que le reste aurait été le seul fruit de leur imagination (si dans la vraie vie, à l’écoute de tels événements, on est assez prompts à nous faire tout un film derrière les seuls faits entendus, on en est encore plus capables sur la longueur de tout un film). Parce que je n’ai justement pas l’impression que le film tombe dans les excès de pathos. Je le trouve même, sur la forme, assez froid et discret. Manque le génie, mais après tout, pour avoir échappé à une cascade de problèmes, il est peut-être là le génie. Et il faut sans doute s’en contenter.


 


 

 

 

 

 

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Le Fils de Saul, László Nemes (2015)

Enterrement de vie de garçon

Note : 3.5 sur 5.

Le Fils de Saul

Titre original : Saul fia

Année : 2015

Réalisation : László Nemes

J’imagine mal un meilleur dispositif pour mettre en scène l’horreur des chambres à gaz. Ç’a toujours été un écueil difficile à surmonter au cinéma, et Nemes semble avoir trouvé l’angle idéal : tout est histoire de hors-champ. D’abord, si les camps, c’est le décor du film, ce n’en est paradoxalement pas le sujet. Un peu comme un patient atteint de DMLA affectant le centre de sa vision, il faut apprendre à regarder en périphérie. Ainsi, pour mieux comprendre la réalité des camps, on se détourne de lui pour s’intéresser à une idée fixe qui ne quitte jamais le personnage principal : enterrer son fils et trouver un rabbin pour officier au moment de sa mise en terre. Son obstination paraît ainsi étrange vu ce qu’on perçoit, entend ou devine en périphérie de l’image, à l’arrière-plan flou ou en hors-champ. Rien ne nous est épargné, pourtant on ne voit rien. Et surtout, ce personnage, qu’on ne quitte que rarement des yeux, semble s’être accommodé des horreurs qui rythment ses journées, remplissent l’espace à peine perceptible mais audible autour de lui : il ne vit plus que pour offrir à son fils une dernière marque de respect et d’humanité dans un monde qui en est totalement dépourvu. Toute dérisoire qu’elle soit, sa quête a ainsi un sens au milieu d’un enfer avec lequel il doit composer à chaque instant pour la mener à son terme.

Film hongrois, on pourrait songer aux plans-séquences de Miklós Jancsó (ou à Alexei Guerman chez ses contemporains, par exemple), mais je trouve que Nemes utilise le procédé avec beaucoup moins de systématisme que son aîné. C’est surtout un moyen pour lui de coller à son personnage principal et à se détourner (faussement) du reste. Les cuts, raccords ou champs-contrechamps ne sont pas pour autant bannis de son cinéma. Une manière de mettre un procédé qu’il a choisi pour sa pertinence compte rendu du sujet sans jamais s’en rendre esclave et sans la moindre volonté apparente de vouloir en faire une performance technique de chaque instant.

Ensuite, il faut reconnaître, que dramatiquement parlant, se focaliser sur un tel sujet durant tout un film, c’est aussi s’emprisonner, cette fois non plus dans la technique, mais dans les maigres possibilités narratives qu’il nous offre. Aussi étrange cette quête soit-elle, Nemes ne parvient pas vraiment à renouveler l’intérêt au-delà de la répétitivité des situations. Et dans ce contexte, seule la fin lui permet de trouver une porte de sortie (poétique et mystérieuse) à son récit cadenassé (seulement une fois justement que cette quête aura trouvé, elle, sa conclusion, forcément dérisoire, absurde et décevante pour celui qui l’avait menée jusque-là avec tant d’obstination).


 

 

 

 


 

 

 

 

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Ant-Man, Payton Reed (2015)

Ant-Man, l’homme qui rétrécit les Gilets Jaunes

Ant-Man Année : 2015

7/10 iCM  IMDb

Réalisation :

Payton Reed

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SF préférés

On sent fortement la filiation avec X-Men, Spider-Man et Iron-Man (plus qu’avec Avengers d’ailleurs). Et c’est pas pour me déplaire.

Les entames de séries sont toujours intéressantes quand elles sont réussies, et celle-ci l’est plutôt. Les enjeux dramatiques dans ce genre de compositions n’ont pas grand-intérêt tant ils évoluent quasiment jamais d’un héros à un autre (un psychopathe assoiffé de pouvoir déclare la guerre au genre humain, et c’est là que le héros arrive…), il faut donc se concentrer sur les origines et les fils dramatiques utilisés pour varier (très légèrement chaque fois) l’identité et les ressorts dramatiques (souvent initiatiques) du nouveau venu parmi la jolie brochette de super-héros affiliés à une peluche customisable. Et dans la veine des héros (tous) imparfaits, celui-ci a un parcours particulièrement réussi (le gendre idéal, papa absent, dévoré par une passion plutôt contraignante : le cambriolage de haut vol). Et comme l’acteur principal est une perle, ça me suffit.

Quand les ingrédients sont bons, il peut arriver qu’on s’en contente. Tout le reste, ultra-formaté, viendra alors rarement me poser problème. Et puis, pour les yeux, les scènes d’action donnent un ballet plutôt réussi. Ce n’est pas toujours le cas.


 


Tout en haut du monde, Rémi Chayé (2015)

Tout en haut du monde

3/10  

Réalisation : Rémi Chayé

Film d’animation mal embouché, scolaire, naïf, anachronique, sexiste, pénible et laid.

Aucun problème avec ce type d’animation avec des contours volontairement unis, en revanche les bouches piccassiettes défiant l’anatomie et la perspective, c’est franchement pénible à voir. Les dessins perdent leur pouvoir expressif voire suggestif. C’est un peu comme regarder un film en 3D sans lunettes ou écouter un chanteur qui zozote.

Je sais aussi que c’est pour les enfants, mais le découpage est stéréotypé, sans inventivité et sans rythme. Les dialogues sont souvent stupides et écrits hors contextualisation, du genre « Vous z’êtes vraiment qu’un sale type ! » ou « Sa blessure s’est rouverte, il a besoin de repos ». Sans compter que le personnage principal est censé être une princesse, alors certes rebelle, mais non, une princesse, ça ne parle pas comme une fille des banlieues.

Le plus compliqué quand on décide de planter son histoire dans un univers qui a réellement existé, passé et lointain comme la Russie de la fin du XIXᵉ, et que de par l’intrigue on est amenés à contextualiser tout ça à la lumière des connaissances ou des technologies d’alors, c’est qu’on flirte sans arrêt avec les incohérences historiques. Comme souvent ici, le plus grave ce n’est pas de faire des recherches et de se dire « c’est bon, ça existait, on peut le mettre à l’écran », c’est juste qu’on ne peut y croire, et qu’en permanence on lève un sourcil à l’apparition d’un nouveau détail suspect. La question de la vraisemblance historique elle n’est pas de dire « c’est possible, je l’ai lu », mais de ne pas interpeller la méfiance du spectateur qui en l’occurrence n’en sait probablement pas plus que ce qu’on voit dans le film. C’est peut-être bien pourquoi dans leur immense globalité les histoires pour enfant s’inscrivent dans un univers que l’auteur connaît bien, et qui va ou non prendre une tangente merveilleuse où tout est possible. Que ce soit d’adopter les bons usages dans un bal ou de décrire la vie à bord d’un brise-glace de cette époque, il y aura toujours une suspicion qui s’éveille au moindre élément étrange.

Ce qui peut être encore plus agaçant, c’est le sexisme déguisé en féminisme de petite fille. On laisse entendre en plaçant un personnage féminin dans un univers d’hommes qu’on invente une histoire moderne dans laquelle il saura à la longue casser tous les stéréotypes de ces messieurs et prouver qu’il est tout aussi capable qu’eux… Au-delà du nouvel anachronisme, une fois posé cette merveilleuse et bien-pensante ambition, on ne s’embarrasse pas de cohérence et de nuances justement pour éviter de tomber dans d’autres travers et stéréotypes sexistes. Qu’une expéditrice ait pu se faire une place dans un tel univers à l’époque, ça ne me paraîtrait pas impossible en fait, mais pas ainsi : on pourrait trouver de nombreux cas exceptionnels, réels, qui à la même époque, prouveraient que c’était possible. Mais on trouverait, je pense, toujours la même constance pour que cela ait pu être possible : le travail acharné d’une femme. Comment croire qu’une adolescente qui n’a jamais quitté les palais puisse ainsi du jour au lendemain faire sa place dans une expédition en Arctique ? L’a-t-on vue suivre son grand-père sur les mers, le voir seulement lui faire la leçon dans des flashbacks ? La voit-on rêver seulement de l’univers qu’elle découvrira par la suite ? Non. Elle trouve un feuillet sur lequel elle croit deviner la route prise par son grand-père disparu, le montre à je ne sais quel bonhomme antipathique, et il lui rit au nez. Pardon, mais il a bien raison, parce qu’on ne peut y croire. Mais soit, imaginons que cette gamine puisse s’adapter à la vie sur un brise-glace au milieu des hommes, est-ce qu’on la verrait en rebelle au milieu des palais, aussi jolie avec ses précieuses boucles ? Non, elle serait plus vraisemblablement rendue laide, assez peu apprêtée à force de traîner dans les bibliothèques (à défaut de se faire la main, je ne sais pas moi, sur la Néva gelée).

On enfonce donc les stéréotypes sexistes : non seulement la princesse est belle comme un cœur, mais je trouve son lien et son obstination avec son grand-père foutrement sexiste, comme si la passion interdite d’une femme ne pouvait être liée qu’à son amour pour un patriarche quelconque. Une petite fille rebelle, ça n’a rien d’un personnage révolutionnaire ou féministe compatible, surtout quand on le fait savoir avec autant d’insistance. Rebelle pour faire quoi ? Est-ce que Marie Curie ou d’autres se foutaient d’adopter une posture de rebelle ou est-ce que c’était les autres qui les décriraient ainsi ? Est-ce que seulement cette forme de posture puérile ne serait pas totalement inefficace alors que le but est non pas de lutter pour le girl power, mais bien de s’intégrer et de s’affirmer dans un monde d’hommes ? L’ambition de réussir n’imposerait-il pas beaucoup plus une certaine capacité à intégrer certains codes plutôt qu’à les combattre… ? La marginalité, l’ambition ou la passion, n’ont rien à voir avec la rébellion. La rébellion a même un petit côté paternaliste dans le sens où ça rappelle d’autres stéréotypes féminins, celui du caractère capricieux de certaines jeunes filles qui n’en font qu’à leur tête. Ces filles-là seraient incapables de réussir dans des domaines réservés aux hommes.

Alors c’est un dessin animé, peut-être, on joue toujours avec des stéréotypes, mais ce que ça peut être pénible de voir qualifié de féministe d’un extrême à l’autre soit un récit criant un peu fort qu’il cherche à l’être tout en montrant le contraire soit un autre d’une tendance plutôt misandre…


Tout en haut du monde, Rémi Chayé 2015 | Sacrebleu Productions, Maybe Movies, France 3 Cinéma


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Senses / Happy Hour, Ryūsuke Hamaguchi (2015)

Note : 3 sur 5.

Senses / Happy Hour

Titre original : Happî awâ

Année : 2015

Réalisation : Ryūsuke Hamaguchi

Gentille petite chronique qui vaut surtout pour sa peinture nuancée de personnages essentiellement féminins.

Tout repose en fait sur le scénario, c’est d’ailleurs foutrement bavard malgré la lenteur et les… longueurs (d’un film de plus de cinq heures). Son auteur doit apprécier ce qui en a été fait de la part de ses promoteurs français qui, certes peuvent avoir le mérite de programmer (à l’aveugle…, apprend-on) une œuvre sans grande originalité ni réel génie, mais qui s’autorisent surtout son massacre en en faisant une publicité ridicule en rien conforme au film. Quoi qu’il en soit, nouvelle preuve que le cinéma japonais n’a pas grand-chose à proposer depuis des années. C’est en effet très télévisuel (les cinq heures en question sont proposées sous forme d’épisodes), et ç’aurait mérité de ne pas de sortir de ce cadre. Il n’y a rien de particulièrement cinématographique là-dedans.

Le pire des massacres du film étant ce découpage idiot et artificiel qui ne le sert absolument pas. En plus de sortir un slogan débile pour promouvoir le film d’étrange manière (quelque chose comme « le premier serial au cinéma »), les producteurs/distributeurs se permettent de scinder le film en morceaux en leur attribuant des titres gadgets qui n’ont rien à voir avec le sujet et dont on cherche le lien pendant des heures durant (à tort donc). Un poison, on appelle ça. Distillé au choix, soit par des incompétents, soit par des gens malhonnêtes (les mêmes qui en début de programmation nous susurrent à l’oreille que le film est très émouvant et a même fait pleurer le public de divers festivals… ah).

Le jeu est robotique et lourd. Ce n’est pas forcément, et toujours, négatif, en tout cas pour tous les acteurs et toutes les situations. Et ça n’a rien à voir avec la “justesse” des acteurs. Celui qui a le jeu le plus robotique, c’est sans doute celui également qui est le plus juste, le mari biologiste. Malheureusement, son interprétation, et/ou consignes du directeur, vient assez peu nuancer l’écriture du personnage lui-même assez rigide, or la nuance dans l’écriture des personnages c’est ce que j’ai trouvé particulièrement bien réussi dans le film (il y a tout un jeu pour apporter des contradictions entre la manière dont les personnages se définissent eux-mêmes, comment ils sont perçus par les autres, et celle dont ils vont agir ; ça c’est fascinant et bien écrit, apportant donc du relief aux personnages mais aussi en permanence une forme de suspense et d’incertitude quant aux agissements de ces mêmes personnages). Il y a des cinéastes qui réclament à leurs acteurs de jouer de manière robotique, dans le sens inexpressif, parfois pour le meilleur : Antonioni, Bresson, Ozu, parfois Kubrick, ou pour le pire comme chez Rohmer (chez qui on confond incompétence et absence de direction d’acteurs). Ce qui pose surtout problème dans cette gestion des acteurs, c’est le manque d’homogénéité. Quand on a un texte et des personnages aussi bien nuancés, le plus dur c’est de proposer, un style homogène, un même tempo, une même logique, au lieu de donner l’impression de jouer à la lettre tels qu’ils sont définis par l’auteur. Il y a une trop grande différence entre les coups de mou dans l’interprétation (difficile d’être juste avec autant de situations et probablement peu de prises et de possibilités de recommencer) et les réels moments où dans la simplicité les acteurs sont impeccables. (Impression pas mal laissée aussi par les nombreuses séquences dialoguées et mises en scène dans des “cafés” qui font parfois plus penser à des réfectoires d’hôpital. On peut avoir les meilleurs acteurs au monde, si on les met autour d’une table et qu’ils ont tous un maintien de petite fille sage, ça paraîtra toujours froid et sans vie. Peut-être une volonté maladroite du cinéaste à chercher, comme son contemporain Koreeda — sauf quand il dirigeait des mômes —, à faire comme Ozu…) Mais à la différence du jeu chez Ozu, là ça fait ton sur ton : les personnages froids tendent à être interprétés pour souligner cette distance et cette rigidité, tandis que l’infirmière par exemple est sur une tout autre tonalité (par exemple le biologiste, dans les séquences de café, ça ne marche pas parce que ça fait trop : situation statique pour personnage froid et interprétation qui en rajoute… alors que quand il vient dans l’appartement de sa femme et qu’elle lui renverse du thé sur la tête, là, c’est réussi parce qu’il est à contre-jour, assis sur le rebord de la fenêtre dans une position de vulnérabilité ; sa femme elle aussi est à ce moment tout en nuances : toujours aussi aimable, avec ce sourire permanent et doux, mais menteuse).

Dans une chronique, c’est mal foutu d’avoir affaire à tant de situations et de personnages secondaires abandonnés en route (et pas que secondaires, le devenir de l’amie disparue et dont on ne sait rien, laissant ainsi une fin plus qu’ouverte, ça déconcerte un peu trop). Il y aurait eu matière à un bien meilleur film avec un montage plus resserré sur les personnages principaux et une meilleure exécution, ne serait-ce seulement que dans la direction d’acteurs.


Senses / Happy Hour, Ryūsuke Hamaguchi 2015 Happî awâ | Fictive, Kobe Workshop, Cinema Project, NEOPA

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L’Étreinte du serpent, Ciro Guerra (2015)

L’Étreinte du serpent

El abrazo de la serpiente Année : 2015

6/10 IMDb

Réalisation :

Ciro Guerra


Vu le : 3 décembre 2017

Pas sans rappeler l’esthétisant et creux Tabou. Il y a une forme de sacrilège à vouloir proposer des images d’Amazonie en noir et blanc, surtout avec un thème comme ça. Qu’est-ce que fait le noir et blanc sinon dénaturer les couleurs de la jungle ? Un choix esthétique qui sert, comme bien trop souvent, à combler le manque de maîtrise d’un cinéaste.

La direction d’acteurs est plutôt bonne, le scénario ça peut encore aller, mais la mise en image manque de poésie, de lyrisme. Boorman, Herzog, Coppola, en voilà des cinéastes qui savaient mettre en scène la forêt. Ici c’était comme si le cinéaste ignorait ce qu’il était en train de filmer, et qu’il se foutait de ce que ça représentait. Un comble quand on monte un tel sujet.

Qu’on ne me dise pas que le film est beau. Non, c’est vide. Le néant c’est tout sauf beau.


L’Étreinte du serpent, Ciro Guerra 2015 El abrazo de la serpiente | Buffalo Films, Buffalo Producciones, Caracol Televisión


Homeland (Irak année zéro), Abbas Fahdel (2015)


Homeland

Note : 4 sur 5.


Homeland

Titre original : Homeland (Iraq Year Zero)

Année : 2015

Réalisation : Abbas Fahdel

(flexion et radotriage)

Combinaison réussie de ce qui fait un bon témoignage : l’approche personnelle forcément réductrice mêlée de ce qu’il faut de distance, de pudeur et d’artifice. L’utilisation du “je” quand il est tourné vers les autres permet de raconter, et de comprendre, la grande histoire à travers la petite.

Une des leçons du film ? Comprendre, c’est ne plus voir que l’absurdité du monde. Si les petites histoires n’ont aucune cohérence, c’est que chacun a ses raisons pour agir, et si la grande histoire est là encore un assemblage de ces petites histoires, il n’y a aucune raison de penser qu’elle puisse s’affranchir des mêmes maux.

Celui qui comprend et voit une cohérence dans une situation, dans l’histoire, est un escroc ou un naïf. Il y a plus de vérités, ou de “raisons”, cachées, que de faits clairs et objectifs. On ne fait qu’errer les yeux bandés dans un monde flou parmi des fantômes ; on ne fait que prétendre comprendre ce qui n’est qu’une mosaïque d’images sans but et sans cohérence. Et il n’y a que l’angle personnel qui peut nous montrer l’impossibilité d’y voir clair. Tout prend naturellement, et faussement, de la consistance quand on prend de la hauteur. Partir en guerre, déclarer l’histoire comme on écrit une formule magique pour lui donner l’apparence d’une cohérence propre, c’est en fait prétendre pouvoir recomposer la grande jarre brisée du monde : on s’acharne depuis toujours à en recoller les morceaux, ceux-ci s’agglomèrent par une force qui n’est pas forcément celle que les hommes tentent de lui imprégner, la jarre tient tant bien que mal, et puis quelques cow-boys étranges arrivent sur les grands cheveux, remarquent que la jarre est fêlée, qu’une partie de son liquide s’en échappe, et en un coup d’œil, ils pensent pouvoir y remédier. Ceux-là ne font que mitrailler les efforts passés en réduisant la jarre en de nouveaux morceaux toujours plus épars qu’ils laisseront à d’autres, à ces forces d’agglomération silencieuses, de reconstituer.

Ce ne sont ni les bonnes ni les mauvaises intentions qui mènent au chaos, ce sont les intentions seules. Gloire au non-agir.

Sur la grande jarre rapetassée du monde, on peut lire une vieille inscription quand elle se brise encore : « Il faut que tout cela se tasse. »

Homeland, à sa manière, nous fait la leçon sur qui dirige et sur qui sont les puissants en ce monde : personne. Le contrôle est un mythe. On ne fait jamais que détruire. Agir, c’est faire la preuve de son impuissance. Déclarer, promettre, c’est appeler le chaos.

Années zéro après années zéro… Nouvel opus : L’Amérique et ses grands sabots dans un magasin de porcelaine. Faites péter les tessons, l’oncle Sam se charge de tout rafistoler.

Homeland : Irak Année Zéro, Abbas Fahdel 2015 | Stalker Production


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L’obscurité de Lim

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