Meantime, Mike Leigh (1983)

Note : 3 sur 5.

Meantime

Année : 1983

Réalisation : Mike Leigh

Avec : Marion Bailey, Tim Roth, Phil Daniels, Gary Oldman, Pam Ferris, Alfred Molina

Je vais finir par penser que Leigh est bien meilleur cinéaste quand il tend vers le registre de la comédie que quand il tire vers le social factice, parfois, comme ici, à la limite du misérabilisme et de la faute de goût.

Son dispositif permet à de formidables acteurs de se mettre en valeur, mais si chacun peut démontrer ses talents de composition en jouant des tarés, des imbéciles ou des cas sociaux, on y perd en authenticité.

Leigh procède ainsi depuis les années 60. Cela pouvait se concevoir à l’époque, mais depuis, quand les cinéastes veulent décrire une réalité sociale difficile et spécifique, ils dirigent directement des acteurs amateurs de ces milieux. Même pour des comédies.

Et c’est d’autant moins justifié pour Leigh de faire appel à des professionnels qu’il passe par l’improvisation. En plus d’un demi-siècle à réaliser des films, j’ai du mal à croire qu’il n’ait jamais pensé à modifier son dispositif en y intégrant des amateurs ou y généralisant les improvisations. Même en gardant ce dispositif, il devrait y avoir moyen de trouver plus d’authenticité que des acteurs professionnels en pleine démonstration de l’étendue de leur talent.

Pour le reste, comme d’habitude, le résultat d’un tel dispositif produit le meilleur et le pire.

Chronique décevante, style qui s’appuie sur une poignée de séquences tendues et trop longues là où le genre s’appuie davantage, généralement, sur un rythme plus soutenu. La part belle est faite aux acteurs, certes, mais le récit patine et souffre de ces « exploits ». Quelques éclats, dépendants des inventions et propositions des acteurs pendant les répétitions : rien qui ne puisse servir un sujet. Pas sûr que ces représentations issues d’exploits d’acteurs professionnels soient réellement représentatives des populations censées apparaître dans le film.

On frôle la caricature. Or, la caricature doit toujours se faire du bas vers le haut. Mike Leigh serait plus pertinent à représenter les milieux qu’il connaît et fréquente.

Tom Stoppard réunira Tim Roth et Gary Oldman pour son chef-d’œuvre, Rosencrantz et Guildenstern sont morts.


Meantime, Mike Leigh (1983 ) | Central Production, Mostpoint, Channel 4 Television Corporation


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Mank, David Fincher (2020)

41, noir et blanc, mank et père, rien ne va plus

Note : 3.5 sur 5.

Mank

Année : 2020

Réalisation : David Fincher

Avec : Gary Oldman, Amanda Seyfried, Lily Collins, Charles Dance

Le père d’un cinéaste connu qui écrit un scénario sur le frère d’un cinéaste connu écrivant le chef-d’œuvre d’un autre cinéaste connu. Étonnante faculté du cinéma parfois à ne parler rien d’autre que de lui-même. Ça pourrait être aussi un résumé de la logique toute particulière de la politique des auteurs où les cinéastes finissent toujours par être crédités comme les auteurs des films qu’ils réalisent au détriment de ceux qui le plus souvent les écrivent pour eux… les scénaristes. Une politique née précisément dans les années 50 dans la bouche de futurs aspirants cinéastes aux connaissances techniques inexistantes et écrivant rarement le scénario de leurs films, vantant, notamment, le génie de Welles (puisqu’il est un peu question de lui) qui sera d’autant plus génial qu’il sera rejeté et devenu un « auteur » maudit forcément incompris de tous sauf de ceux capables de louer les qualités assumées par d’autres. Si Mank revient sur le scénariste de Citizen Kane, aura-t-on un jour un film sur son directeur photo, Gregg Toland, ou faut-il nécessairement être un artiste maudit pour avoir du talent ? Bref. Reste à savoir à quel Fincher le public donnera du crédit pour vanter ou critiquer le film… Louez, louez les héros de l’ombre, il en restera toujours… pas grand-chose. Le cinéma est un sport d’incommunicabilité.

Je suppose qu’il faut être cinéphile pour apprécier toutes les références et le contexte évoqués par le film. Le moindre personnage qui fait une apparition peut être un chef décorateur, nommé par un simple prénom (Cedric Gibbons ?), le plus respecté et le plus crédité sans doute d’un studio, et je doute de l’intérêt de jouer ainsi des références même pour les plus avertis des cinéphiles. C’est au fond tout le problème des biopics, et on n’échappe pas par ailleurs à tous les poncifs du genre, à commencer par le commentaire final pour évoquer l’épilogue de ce qu’on nous montre dans le film…

J’attends la phrase qui clôturera un jour un film en disant : « Ce film est issu d’une histoire vraie, mais tout ce que vous y avez vu est faux et tout ce qui s’y est passé après est laissé à votre imagination. » Ou bientôt peut-être : « Ce film n’a pas été écrit et imaginé par une intelligence artificielle, les acteurs qui sont apparus à l’écran sont réels, leur voix n’a pas été trafiquée. Seuls les arrière-plans ont été composés par des outils de retouche contrôlés par des ordinateurs. Tous les éléments subversifs que vous auriez pu y rencontrer ont été développés à des seules fins illustratives ; la production décline toute responsabilité et s’excuse d’avance si certains propos, comportements ou actions exercés ou proférés par des personnages ont heurté la sensibilité des spectateurs. »

Au-delà de ces aspects « véristes » autosuffisants et un peu pénibles du film, il faut noter quelques touches d’intérêt : le père de Fincher est mort au début du siècle, je ne sais donc pas à quelle époque il a écrit le script, mais il y aurait presque quelque chose de visionnaire. Si au milieu des années 40, raconter la vie de Hearst à travers une “fantaisie” avait quelque chose d’encore bien contemporain, force est de constater que l’évocation d’un monde en crise dans lequel les leaders se serviraient des médias pour influencer le peuple aurait presque quelque chose de prémonitoire. En 2020, cette critique du pouvoir se révèle encore plus juste qu’à l’époque où Fincher père a écrit le scénario. Peut-être que c’est le fils d’ailleurs qui a appuyé cet élément et qu’on n’en saura jamais rien parce qu’il a eu la délicatesse (contrairement à ce que l’on apprend du Welles du film) de laisser son père comme seul “auteur” crédité du film. Malheureusement, son scénario est peut-être un peu trop éclaté (à la Citizen Kane) pour qu’on s’attache réellement à son histoire : papa Fincher n’a pas songé peut-être que dans un film, les personnages étaient parfois plus importants que la manière dont on les met en scène. Il est cent fois plus intéressant de voir les personnages de Don Quichotte dans leur élément premier qu’évoqués simplement par leur auteur cloué au lit. Kane mourait en laissant échapper la bulle à neige qui allait bientôt prendre une forme narrative, rétrospective et en tout cas plus vivante que lui dans le film ; Mank aurait plutôt un côté Citizen… Kean ou Désordre et génie (1924) dans lequel le personnage passe deux heures à agoniser.

Dernière chose : les reconstitutions en extérieur, que je suppose en réalité tournées en studio, sont assez laides. On pourra dire ce qu’on veut, la luminosité du soleil dans les yeux, la densité de l’air, à cause notamment de la pixellisation des raccords entre différentes profondeurs de champ ou tout simplement trahit par le jeu des acteurs (un projecteur dans les yeux ne produit pas un même type de réaction que le soleil), aucune technique numérique ne peut encore parfaitement les rendre.

Content en revanche d’avoir pu voir à nouveau Charles Dance dans un film de David Fincher.


Mank, David Fincher 2020 | Blue Light, Flying Studio, Netflix Studios


Sur La Saveur des goûts amers :

La politique des auteurs en « questions »

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Le Cinquième Élément, Luc Besson (1997)

Ligne claire

Le Cinquième Élément

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : The Fifth Element

Année : 1997

Réalisation : Luc Besson

Avec : Bruce Willis, Milla Jovovich, Gary Oldman, Ian Holm,
Chris Tucker

Je suis loin d’être un fan de Besson, mais ça doit être mon film préféré du « petit-maître » français.

L’atout du film, c’est qu’il ne se prend pas au sérieux. C’est le côté un peu vaudevillesque, le ton du film. Pourtant, on ne peut pas dire que ce soit une comédie des plus réussies. Il y a juste deux ou trois gags qui passent, mais c’est le ton général qui compte. Finalement, ça aurait pu être un film de Caro et Jeunet. Pas honte d’être désuet, pas honte de faire des effets grossiers, pas honte de mélanger les genres.

Je l’avais vu au cinéma en bande à sa sortie, et j’en ai un excellent souvenir. C’était le film qu’il fallait voir. Besson qui plante enfin sa caméra aux « staitses », avec une grosse star… On y croyait à l’époque. Et Besson passait même pour un auteur au pays des producteurs et du marché. Bien loin du cinéma de commande que fait un Letterier (je ne sais même pas comment ça s’écrit).

Parce que finalement, j’ai beau trouver Besson toujours assez soft au niveau du scénario, parfois du montage, on y retrouve une pâte bien personnelle. Le ton est nouveau (emprunté presque à Caro et Jeunet), mais on a le cinémascope et la clarté de l’image qui lui sont propres. Et la musique si particulière de Serra qui y est pour beaucoup dans la reconnaissance de ces films.

En cherchant la note que j’ai mis au film (systématiquement C), j’ai remarqué que je l’avais vu tout de même quatre ou cinq fois. Signe qu’on peut prendre du plaisir (en y jetant un œil quand ça repasse à la TV et en ratant la fin ou le milieu) en regardant des films médiocres. En fait, c’est un peu comme deux ou trois films de Tarkovski que je n’aime pas : il y a toujours un truc qui fait qu’on ne peut pas s’empêcher de le regarder, une scène le plus souvent (Tarko, c’est Nostalghia…, le film est d’un ennui asphyxiant, terriblement hermétique, mais il y a deux ou trois scènes qui sont comme des tableaux, purement formels, étranges, beaux, qui fait qu’on reste scotchés devant ; là pour le 5ᵉ élément, c’est la photo, les plans du début du film, le Blade runner clair…).


Le Cinquième Élément, Luc Besson 1997 | Columbia Pictures, Gaumont, Pinewood Studios


Sur La Saveur des goûts amers :

Top des meilleurs films de science-fiction

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