Réflexions sur l’écriture
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De l’usage du point-virgule, du style et du rapport entre l’auteur et le correcteur
(échange bref sur Twitter)
Un correcteur partage un court texte dans lequel l’auteur explique les atouts de l’usage du point-virgule. Je réponds d’abord que, pour moi : « l’atout maître du point-virgule, c’est aussi et surtout… l’espace insécable. Parce que si les points-virgules sont des poils de mémé sur une joue en anglais ; en français, ce sont des soupirs. » Puis, je demande ce qu’il entend par dynamitage des tics de phrases sans verbe chez certains auteurs. Son exemple m’interpelle :
« L’assassin revint. Dès le lendemain. » Qui devient donc : « L’assassin revint ; dès le lendemain. »
Je réponds que, personnellement, je préfère « Dès le lendemain, l’assassin revint. », mais c’est surtout l’occasion d’évoquer pour moi le rapport au style entre l’auteur et le correcteur :
Il est intéressant, cet exemple, finalement. Je me demande si ça n’amène pas le correcteur à aller trop loin et à forcer le propre style d’un auteur. Les phrases pronominales ou sans verbe, on peut en faire un style. C’est le style nouveau roman. Celui de Duras par exemple.
Et chaque auteur devrait avoir sa propre conception de l’usage du point-virgule dans les limites de ce qui reste correct. On peut même imaginer un auteur avec un usage très spécifique, mais incorrect, qui aurait une cohérence dans son style, sa « graphie ».
Le correcteur devrait à mon sens aider l’auteur à trouver cette cohérence, lui rappeler ce qui est correct ou non. Là, j’ai peur qu’un auteur puisse par exemple chercher à imposer sa patte « graphique » parce qu’il aurait ou non une appétence pour tel ou tel signe de ponctuation.
Dans « L’assassin revint ; dès le lendemain. » Moi, c’est d’abord sur le plan grammatical que ça me pose problème. J’utilise le point-virgule pour les énumérations, les mises en parallèle ou les longues démonstrations pleines d’atténuations ou de précisions.
Ensuite, c’est la respiration de la phrase qui est problématique. Quand je dis que pour moi les points-virgules, comme les virgules, sont des soupirs, c’est bien parce que, en tant que dyslexique, mais aussi en tant qu’ancien acteur, un texte, j’ai besoin de le subvocaliser.
Sa cohérence est d’abord orale. La ponctuation, comme l’acteur, doit éclairer le sens. Duras, elle a beau utiliser abondamment des phrases sans verbe, ses textes sont très oraux. Il suffit de l’écouter lire ses textes. C’est un style qui traduit sa pensée « syncopée » et poétique.
On ne peut pas imaginer Duras sans ce style comme on ne peut pas imaginer Proust sans ses longues arabesques à la recherche d’un point. Duras, c’est du Boulez ; Proust, c’est du Rachmaninov. Ils auraient eu le même correcteur que son rôle aurait été de s’adapter à leur style.
(Il me rassure en m’affirmant que les corrections font l’objet de consensus, mais aussi que les auteurs ne sont pas si pointus sur la typographie.)
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