La Bonne Année, Claude Lelouch (1973)

Un homme, une femme, un pote, une bijouterie

Note : 4 sur 5.

La Bonne Année

Année : 1973

Réalisation : Claude Lelouch

Avec : Lino Ventura, Françoise Fabian, Charles Gérard

Probablement le meilleur Lelouch, mais je ne m’infligerais certainement pas le reste pour m’en convaincre. Tout Lelouch est là, le meilleur, sans les excès. Du moins, il faut reconnaître certaines bonnes idées bien exploitées, et une distribution, un trio surtout, qui marche comme rarement.

Lelouch, c’est quoi ? Les femmes, les copains, le cinéma, la technique, les voitures, les histoires de hasard… Et surtout, trop souvent, des poncifs à l’œil, des bons sentiments dans des magasins de porcelaine… Bref, c’est lisse et sans consistance. On attend là où ça gratte un peu, et ça vient jamais. Ça ne gratte pas plus ici, mais il faut savoir accepter de temps en temps les petits défauts d’un cinéaste plein de bonnes intentions. Et en dehors de quelques leloucheries qui parsèment le film, on prend d’abord plaisir à voir Lino Ventura et Françoise Fabian se tourner autour, ou encore le même Ventura et Charles Gérard se chambrer. Parce que Lelouch, c’est aussi ça, les face-à-face. Tout semble toujours affaire de séduction chez lui, même entre potes. De mémoire, dans Un homme et une femme, l’expérience tournait à vide parce que ça manquait de personnages : l’intimité, ou l’exclusivité, la frontalité, d’un face-à-face confine parfois à l’ennui, alors qu’ici Lelouch use de quelques artifices pour au moins servir de prétexte à revenir à ce qui l’intéresse. Plus tard, ce sera le contraire, on verra « défiler des stars pour Lelouch ». Ici, le juste milieu est parfait à tous les niveaux, et c’est parfois tellement compliqué à structurer un film autour de ces rapports qui peuvent paraître évidents alors que quand ça manque et que par exemple ces « stars » ont peu de scènes en commun, ça saute aux yeux, on peut donc bien lui reconnaître cette réussite dans La Bonne Année.

On oubliera aussi un certain maniérisme dans la narration. Chose qui passera toujours chez un Godard parce qu’il a du génie. Lelouch n’aura au mieux que des coups de génie. Le petit péché mignon dans son cinéma, c’est sa trop grande confiance aux séquences qu’il écrit. Au théâtre, on dirait qu’il s’installe. Or si au théâtre, c’est aux acteurs de faire avancer le rythme, au cinéma, c’est à travers le montage (le découpage) qu’on avance. Son trop grand amour sans doute pour ses acteurs, qu’il se plaît à mettre en situation. Seulement Lelouch pense à ces situations pour elles seules au lieu de chercher à les intégrer dans une logique d’ensemble. Ce qui produit chez lui un rythme lent, ou creux, vide, mou, lisse, stagnant. Impression confirmée par ailleurs par le manque d’intérêt qu’on peut avoir pour les personnages décrits : la bienveillance permanente que porte Lelouch pour ses acteurs, voire ses personnages, avec pas une once de vice (sinon des vices réels montrés comme des vertus : libertinage, goût du vol et de l’escroquerie). Ça fait peser sur ses films une forme de positivisme naïf, posé là comme une évidence, mais que les spectateurs prendront plus volontiers pour une injure à leur goût, eux, pour des personnages plus torturés, plus malades, plus fous ou malsains. Le désamour ou l’agacement des films de Lelouch à mon avis vient pour une bonne part à cette naïveté un peu pesante et systématique. Lelouch mettrait en scène un meurtrier qu’il finirait par être tellement fasciné par lui qu’il en ferait un personnage positif. Et ça c’est louche, Claude. Les évidences, les facilités, et le positivisme, le public il a horreur de ça. Les questions, il veut que ce soit lui qui se les pose. Pour ça, il faut éviter les poncifs, les leçons de morale, et surtout nuancer à la fois les personnages et la morale que le spectateur pourrait en tirer. Pourrait, parce que tout doit être suggéré. Et Lelouch, à la suggestion, il ne connaît rien. Il dit tout, il montre tout. C’est un obsédé des évidences, et il veut en plus que chacun assiste à ses grandes découvertes. « Ce matin, j’ai enfoncé une porte qui était déjà ouverte ! » Merci Claude. Et sinon, le hors-champ ? est-ce que tu nous laisses de temps en temps nous questionner sur ce qu’on voit, réfléchir, faire appel à notre propre imagination, Claude ? Non. Tout est là. On a des stars, on a son œil derrière la caméra, et on doit s’en contenter parce que rien que ça… c’est formidable.

Et pour cette fois, il n’a pas tout à fait tort.

Parce que ses acteurs sont formidables, c’est vrai. Parce que son intrigue sent bon le petit polar sans prétention, un peu comme un Bob le flambeur revisité par un étudiant en cinéma. Ah, les casses à la française… Dans lesquels, on prend plus plaisir à cuisiner qu’à déguster. Melville, le rythme, il l’a. C’est un rythme lent, pesant, qui intrigue et fascine. Lelouch, c’est le rythme zéro, celui de la vraie vie, celui des bavardages, celui des dragues un peu lourdes mais polies des types maladroits qui ne savent pas y faire et qu’on laisse faire parce qu’ils se rêvent en romantiques. Comme Ventura dans le film. Lelouch aime quand ça pétille, eh ben là, l’effet nounours de Ventura, mêler aux échanges croquignolets avec son acolyte, c’est l’alchimie parfaite. On accepte le faux rythme parce que le reste est beau.

Lelouch fait donc confiance aux acteurs (parfois trop jusqu’à s’en rendre esclave), et ça marche. Françoise Fabian explique la méthode : Lelouch filmait d’abord la séquence telle qu’elle était écrite, ensuite il leur demandait d’improviser et de s’amuser. Au montage, Lelouch n’aurait jamais gardé la première prise. L’un des trucs de Lelouch, il est là. Il aime les acteurs, et il trouve moyen de les mettre dans des bonnes conditions quand ils sont bons. Ce n’est rien de plus ni moins que de l’improvisation dirigée (il aura recours à d’autres artifices, de mémoire, pour diriger les acteurs plus tard, et arriver à leur faire dire ce qu’il souhaite). Lino Ventura aurait ainsi été l’auteur de certains poncifs qui seraient peut-être plus efficaces si on ne sentait pas la volonté permanente d’en trouver. Mais l’improvisation, ça limite tout de même les possibilités de trop en faire dans ce domaine. Et on ne s’improvise pas Audiard ou Jeanson.

Autre aspect positif du film, la technique. On refuse parfois de l’admettre parce que Lelouch ne fait pas sérieux et qu’il a un petit côté délégué de la classe dans une classe de casse-pieds géniaux dont l’enthousiasme peut irriter, mais oui, Lelouch, c’est aussi la nouvelle vague, autrement dit, aussi, la capacité de filmer avec des dispositifs légers sans pour autant faire artie ou expérimental. La technique au service de l’acteur… et de l’amour. Dans l’imaginaire, il y a l’avant, quand les cinéastes, c’était des types avec un cigare, assis sur une chaise aux côtés de mille techniciens et dirigeant de loin les acteurs, et l’après. L’après, ça pourrait être Godard dans un chariot filmant un travelling pour À bout de souffle ; ou ça pourrait être Lelouch à l’œilleton dans toutes les positions. Le génie technologique français n’a pas seulement inventé le Minitel ou le Bi-Bop, mais la caméra mobile (enfin réinventé). Kubrick et Pollack auraient été très impressionnés par les gesticulations du cinéaste sur ce film. Et pas seulement je serais tenté de dire. Dans l’emploi de certains objectifs en intérieur, jusqu’au traitement des couleurs en intérieur, on y retrouve un petit quelque chose de kubrickien, c’est vrai (notamment lors du repas de réveillon chez Françoise Fabian).

Un dernier mot sur un procédé de montage, presque expérimental, audacieux (comme peut l’être Lelouch, c’est-à-dire mêlé d’un enthousiasme un peu fou), mais pas forcément exploité jusqu’au bout. Lelouch nous propose deux ou trois fois des bribes de scènes qui se révèlent être des possibilités non pas narratives (ou quantiques…) mais personnelles : ce qui pourrait ou aurait pu se produire si Ventura agissait autrement. Toutes ces séquences sont bien intégrées au montage, sauf la première, celle dans la prison. Peut-être parce qu’on ne comprend pas tout de suite… (Un autre procédé est une leloucherie typique : la fausse bonne idée d’employer le noir et blanc pour les séquences au « présent », et les autres en couleurs pour le cœur du film.)


La Bonne Année, Claude Lelouch 1973 | Les Films 13, Rizzoli Film


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Les Indispensables du cinéma 1973

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Invasión, Hugo Santiago (1969)

Note : 4.5 sur 5.

Invasión

Année : 1969

Réalisation : Hugo Santiago

Histoire : Jorge Luis Borges

— TOP FILMS

Thriller paranoïaque opposant une organisation secrète de résistance et des envahisseurs déjà trop bien acceptés par une population amorphe.

Film quasi muet dans lequel les dialogues ne servent qu’à brouiller les pistes et interdisent toute contextualisation possible avec une situation géopolitique définie. Approche singulière, mais sans doute forcée par la peur de la censure (la dictature en Argentine a commencé en 66, et le film est de 69) ou par le style de son auteur, Jorge Luis Borges (la cité présentée est fictive, mais fait évidemment penser à Buenos Aires).

Tous les passages obligés du film d’espionnage sont réunis : filature, rencontre furtive entre agents, le boss de l’ombre, le conjoint qui cache ses activités, la voiture piégée, le dépôt d’armes, le guet-apens, l’assassinat, la femme-hameçon, l’interrogatoire, la course-poursuite… Tout ça dans une forme quasi miraculeuse entre Melville et Costa-Gavras (voire Matrix), puisque tout y est puissamment cinématographique. Un film d’action et d’ambiance tout du long. Et des acteurs remarquables. Un chef-d’œuvre.


Invasión, Hugo Santiago (1969) | Proartel S.A.

Le film :


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IMDb iCM


Meurtres dans la 110e rue, Barry Shear (1972)

Meurtres dans la 110ᵉ rue

Across 110th Street
Année : 1972

Réalisation :

Barry Shear

Avec :

Anthony Quinn
Yaphet Kotto
Anthony Franciosa

8/10 IMDb

Listes sur IMDb :

L’obscurité de Lim

MyMovies: A-C+

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Les Indispensables du cinéma 1972

Polar sale et méchant avec un parti pris très en faveur des Noirs against ze rest of ze world. Qu’ils soient flics ou criminels, les Noirs sont toujours ou presque présentés de manière positive. Ce n’est pas que c’est particulièrement bien finaud (peut-être même un peu opportuniste quelques mois après les révoltes raciales dont il est question dans le film), mais le pari, il faut le reconnaître est très bien tenu, parce que les séquences entre les criminels ayant pour but de les rendre plus humains (c’est la faute de la misère, de la société, etc., loin des monstres sans relief de nombreux films) sont de loin les meilleures séquences du film.

Direction d’acteurs et interprètes impeccables, un peu comme si une même classe d’acteurs de Cassavetes s’immisçait dans un même polar. Difficile sans doute aujourd’hui de s’en satisfaire, mais ça devait être à l’époque un petit exploit (puisque ces acteurs sont noirs, je le rappelle) et on n’est pas encore (ou pas tout à fait) dans la blaxploitation. De leur côté, Yaphet Kotto et Anthony Quinn sont parfaits dans leur rôle respectif mais leurs chamailleries sont trop répétitives. L’intérêt, paradoxalement est ailleurs.


Meurtres dans la 110e rue, Barry Shear 1972 Across 110th Street Film | Guarantors


Rapport confidentiel, Milton Katselas (1975)

Rapport confidentiel

Report to the Commissioner Année : 1975

Réalisation :

Milton Katselas

7/10 IMDb

Avec :

Michael Moriarty, Yaphet Kotto, Susan Blakely

On sent le film adapté d’un roman à succès où chacun fait parfaitement son job dans une production de grand studio, mais dans laquelle il manque l’essentiel : un chef d’orchestre capable de relever les petites failles et cohérences du scénario (adaptation plus précisément). C’est parfois pénalisant et on lève le sourcil, mais en dehors de ça le film est très réussi.

Direction d’acteurs parfaite, une intrigue fouillée, parfois confuse et donc incohérente dans certaines situations, et un spectacle plaisant.

Il faut voir une course-poursuite formidable entre un cul-de-jatte et un taxi, ou celle d’un mac en slip sur les toits de la ville. Yaphet Kotto est, comme à son habitude, excellent, tout comme Susan Blakely.

Ça sent bon la crasse et l’humidité des années 70.


Rapport confidentiel, Milton Katselas 1975 Report to the Commissioner | Frankovich Productions


Les Copains d’Eddie Coyle, Peter Yates (1973)

Les Copains d’Eddie Coyle

The Friends of Eddie Coyle 


Année : 1973

Réalisation :

Peter Yates

Les Indispensables du cinéma 1973

7/10 IMDb

Gros problème de rythme tout de même dans la direction d’acteurs… Avec des textes très écrits et des situations statiques, il faudrait jouer plus vite et forcer des situations par le geste et les oppositions tendues, visuelles entre les personnages…

Cela aurait été un style de rythme et de jeu typiques pour la nouvelle génération d’acteurs apparaissant dans le film (même si Peter Boyle y est extrêmement mauvais), mais pas franchement la tasse de thé de Robert Mitchum qui n’est guère convaincant dans l’exercice et qui ne l’est que dans sa première scène dans laquelle il peut encore jouer sur la tonalité feutrée du film noir et des répliques a minima.

Après ça prend complètement l’eau. Mais difficile de trouver un ton juste pour une écriture aussi singulière. Une autre possibilité aurait été de jouer pleinement sur la longueur des séquences et la futilité de certains dialogues. C’est une forme de polars us qu’on verra plus certainement apparaître dans les années 80 ou 90, le meilleur exemple étant peut-être Glengarry.

Tout le reste, thriller, ambiances, action, tout ça est mal rendu. Et apparemment les dialogues originaux du bouquin ont été passablement charcutés.


Les Copains d’Eddie Coyle, Peter Yates 1973 The Friends of Eddie Coyle | Paramount


Police sur la ville, Don Siegel (1968)

Police sur la ville

Madigan

Année : 1968

Réalisation :

Don Siegel

8/10 IMDb

Policier plutôt hybride entre deux époques, donc aux accents un peu vieillots, mais la thématique de l’honnêteté est au cœur du film et parfaitement gérée. Le vieux commissaire droit et inflexible, sans enfant (la famille corrompt, parce qu’on le devient toujours quand on protège quelqu’un, c’est bien vu), devant gérer les déboires de son seul pote ; et en face de lui le flic roublard mais pas trop (tout le film consiste à rattraper une de ses bourdes) devant gérer une vie de couple presque de jeune marié en cherchant à rester honnête et fidèle à sa femme.

Rien n’est simple, et plus que l’intrigue, ce sont ces interrogations sur la probité qui passionnent. Faut voir la bagnole du Richard Widmark aller tout droit et ignorer une intersection « one way » après que Henry Fonda, interrogé sur la marche à suivre, dit : « There’s only one way… ». La rencontre fortuite entre les deux hommes est magnifique : Widmark, tout impressionné, comme un petit enfant face à la stature de l’homme honnête incarné par Fonda…

(Le design est moche : sous les projos, la mort des chapeaux au cinéma, des intérieurs comme des extérieurs tous aussi laids les uns que les autres, et des personnages féminins comme dans les westerns qui font tapisserie.)


Police sur la ville, Don Siegel 1968 Madigan | Universal Pictures


Les flics ne dorment pas la nuit, Richard Fleischer (1972)

Les flics ne dorment pas la nuit

The New Centurions
Année : 1972

Réalisation :

Richard Fleischer

Avec :

George C. Scott
Stacy Keach
Jane Alexander

9/10 IMDb

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Les Indispensables du cinéma 1972

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Limguela top films

L’obscurité de Lim

MyMovies: A-C+

Carnet sociologique d’une justesse de ton remarquable. Film qui devrait figurer dans le catalogue du National Film Registry : culturellement, historiquement et esthétiquement significatif d’une époque et d’un certain milieu…

Sympa de débuter la rétrospective bad cop, good cop à la Cinémathèque avec un film aussi remarquable…

On se croirait presque parfois dans du Wiseman, avec la bonne distance et en permanence ce refus des clichés, la bienveillance à l’égard des petites gens, voire des connards.

Du neo-noir très très sombre.

Les seules réserves que je ferais concerneraient la musique de Quincy Jones. Même si ça permet finalement aussi d’apporter un contraste dans des séquences purement d’action ou… domestiques. (« Hum, la bonne soussoupe pour son chéri ! »)


Les flics ne dorment pas la nuit, Richard Fleischer 1972 The New Centurions | Columbia Pictures, Chartoff-Winkler Productions,


Le Point de non-retour, John Boorman (1967)

Redoublement post-bac

Note : 5 sur 5.

Le Point de non-retour

Titre original : Point Blank

Année : 1967

Réalisation : John Boorman

Avec : Lee Marvin, Angie Dickinson, Keenan Wynn, Carroll O’Connor, Lloyd Bochner, John Vernon

— TOP FILMS

Mystère, je double la note. Peut-être que l’amorce lancée par John Boorman avant le film pour l’ouverture de sa rétrospective a fait tilt, un peu comme une introduction loupée et nécessaire qui m’aurait manqué au premier visionnage : « Lee Marvin a été traumatisé par son expérience de la guerre dans le Pacifique, ce film, c’est une allégorie de ce qu’il y a vécu. » Il y a tout un côté “métaphysique”, cynique, désabusé et absurde, voire parfois franchement hilare tellement le type qu’interprète Lee Marvin est buté au point de ne plus voir sa vie qu’à travers les 93 000 dollars après lesquels il court.

La construction en puzzle est adroite. Possible qu’en amoureux du classicisme de La Forêt d’émeraude, j’avais trouvé Le Point de non-retour trop « nouvelle vague » (ce ne serait pas loin d’initier plutôt le Nouvel Hollywood : on retrouve de tels procédés dans Conversation secrète).

Vu une première fois en 2005. J’en avais tellement un mauvais souvenir que je n’avais pas prévu de retourner le voir. De mémoire je voyais ça comme un polar qui décollait jamais, avec un rythme lent et bizarre ; je pense aussi que je ne comprenais pas les motivations du personnage et que son comportement était trop incohérent (pour le coup, fort possible que le côté « le type revient de la guerre » ait fait tilt pour lancer l’ambiance, mais ça, c’est peut-être aussi parce que le début du film est trop confus ; on comprend mal la situation de départ avec ses va-et-vient charcutant le récit introductif entre passé et présent. Il y a un côté Comte de Monte-Cristo, avec l’île, la trahison, la vengeance, qui ne marche pas).

John Vernon est un des meilleurs acteurs quand il est question de se faufiler dans la peau d’un méchant… jusqu’à ce que Boorman lui enlève son slip. Ça doit être l’effet Troisième Homme : les films noirs revus par l’humour imperceptible et subtil des Britanniques.

Et Angie Dickinson est parfaite. Sa première scène est compliquée, et elle aurait pu se rétamer en beauté ; elle joue à la perfection la fille qu’on oblige à se réveiller et encore sous l’emprise des somnifères… Son personnage sert de contrepoint au mutisme et à l’obsession folle de Lee Marvin, qui, lui, tel le héros classique et frigide du western, ne jettera jamais un regard sur une des plus belles femmes du monde. Il faut des aidants dans toutes les histoires (sauf peut-être dans Le Samouraï ; et encore, il doit y en avoir, j’ai en tête que certaines scènes fameuses). Si on y croit, c’est qu’elle aussi a été chahutée par la vie : elle suit Marvin ni par intérêt ni par amour absurde ; elle se rattache à quelque chose de son passé qui lui semble rassurant et familier. Rencontre de deux solitaires que tout oppose.


Le Point de non-retour, John Boorman 1967 Point Blank | Metro-Goldwyn-Mayer (MGM), Winkler Films


 


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Les Indispensables du cinéma 1967

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Vers le Nouvel Hollywood

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La mort frappe trois fois (Dead Ringer), Paul Henreid (1964)

Note : 3.5 sur 5.

La mort frappe trois fois

Titre original : Dead Ringer

Année : 1964

Réalisation : Paul Henreid

Avec : Bette Davis, Karl Malden, Peter Lawford

Belle surprise. Présenté comme un bis, le film l’est sans doute un peu une bonne partie du film “grâce” à la grosse ficelle censée nous empaqueter le morceau d’une traite (en clair, le point de départ du film, celui de voir la jumelle prendre la place de sa sœur, est très vite expédié).

Pourtant, plus on avance dans le film, plus on oublie ce point de départ grotesque. Bette Davis se révèle très sobre dans son interprétation, il faut dire qu’elle est particulièrement bien entourée (Karl Malden, pour ne citer que lui, qu’on pourrait difficilement faire passer pour un acteur de série B). Surtout, les détours par lesquels on va nous faire passer sont très bien menés. L’astuce tient sans doute ici au fait que ces révélations sont liées à des événements passés et aux rapports troubles qu’entretenait la jumelle avec son mari (et avec d’autres). L’arroseur arrosé. L’arrivée dans le dernier tiers du gigolo de service, joué magistralement par Peter Lawford, est une joyeuse boîte de Pandore qui relance parfaitement le film. Les interrogations et choix à la fin auxquels certains personnages doivent faire face n’ont aussi rien à voir avec un film de série B. On reste bien dans la continuité de nombreux thrillers psychologiques des meilleures années de Hollywood.

Je ne répéterai jamais assez combien il n’y a jamais mieux qu’un acteur pour mettre en scène d’autres acteurs. En voilà une nouvelle preuve ici. Paul Henreid, parmi d’autres talents, était acteur, avait tourné notamment dans Casablanca et avait été le partenaire de Bette Davis dans Now, Voyager tourné vingt ans plus tôt. Comme beaucoup d’artistes austro-hongrois de l’entre-deux-guerres, il a travaillé un temps avec Max Reinhardt.


(Je cite Paul Henreid dans mon billet consacré au Hollywood Rush.)



La mort frappe trois fois (Dead Ringer), Paul Henreid 1964 | Warner Bros.

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La Meurtrière diabolique, William Castle (1964)

Slash ménopause

Note : 2.5 sur 5.

La Meurtrière diabolique

Titre original : Strait Jacket

aka : La Coupeuse de tête

Année : 1964

Réalisation : William Castle

Avec : Joan Crawford, Diane Baker, Leif Erickson

Sobrement titré Strait Jacket (camisole de force, en gaulois transposé), cette curiosité révèle quelques moments d’anthologie grotesques. Le plus souvent, il faut bien le dire, on se demande si tous ces excès (ou le ridicule croissant qui en découle) sont volontaires, ou juste le signe d’une déviance tarabiscotée propre à ces années 60 que la cinémathèque dans sa rétro qualifie de “décadentes”.

Si le revirement attendu est tout ce qu’il y a de plus conventionnel (dans le genre « thriller psychologique », à quelques années de Psychose), les excès se cachent dans les détails. Il faut voir Joan Crawford dans la scène où elle drague le fiancé de sa fille… Difficile de croire que toutes ces œillades grotesques ne soient pas volontaires. Autre grand moment d’excellessence programmée, quand la même Crawford peine à faire craquer une allumette face à son psychiatre lui faisant une petite visite “amicale”, et qui ne trouve rien de mieux que de l’allumer en la craquant sur un disque microsillon en pleine vocifération (oui, il y a une forme de génie, dans les excès du grotesque). Les réflexions du père du fiancé face à sa mégère de femme sont aussi splendides (le brave bonhomme, comme les autres, verra sa tête tranchée à la hache comme dans tout bon slasher qui se respecte).

C’est vilain, c’est grotesque, on ose même plus faire des films comme ça aujourd’hui (on ferait plus des séries Z avec le sérieux d’une série A, alors qu’ici c’est une série A se prenant autant au sérieux que les pires séries Z des années 30 ou 40). Mais ça se regarde avec plaisir parce que ça ne se prend jamais au sérieux.


La Meurtrière diabolique, William Castle 1964 Strait-Jacket | William Castle Productions


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