Vautrin, Pierre Billon (1943)

Vautrin

Vautrin Année : 1943

7/10 iCM IMDb

Réalisation :

Pierre Billon

Avec :

Michel Simon, Madeleine Sologne, Renée Albouy

Liste sur IMDb :

Une histoire du cinéma français

Adaptation assez inégale de Balzac avec Michel Simon dans le rôle titre.

Un gros coup de mou se fait ressentir à l’heure où, habituellement, on croit voir apparaître le générique de fin : après le suicide de la belle, tout le monde se fait attraper, et on croit que c’est fini. Le meilleur vient pourtant dans ces dernières minutes où on sent l’incroyable cynisme de Balzac (ou d’un autre) dénonçant les petits accords entre gens de la haute (qu’on parle de l’aristocratie ou de la bourgeoisie).

Il y a un moment fabuleux, par exemple, où un juge d’instruction annonce fièrement à sa femme que le procureur général lui a promis un avancement en échange d’un non-lieu ; à quoi réplique aussitôt sa femme en lui disant qu’elle venait justement d’avoir une autre proposition de la part du garde des sceaux en échange d’une accusation certaine. Perdue, la femme demande alors à son mari ce qu’il fera. Le juge d’instruction répond alors : « Mon devoir, mon devoir ! Je n’ai guère plus le choix. » C’est beau, on pourrait presque reconnaître dans cette anecdote quelque chose de contemporain.



Rose-France, Marcel L’Herbier (1919)

Rose-France

Rose-France Année : 1919

2/10 IMDb
Réalisation :

Marcel L’Herbier


Une histoire du cinéma français
Roman-photo impressionniste sans grand génie. Plusieurs mois après la fin de la guerre, L’Herbier en est encore à faire un film de propagande en l’honneur de la patrie. La direction d’acteurs est à pleurer : pantomime qui prend la pose, roulement dans les herbes… tout sonne faux. Le choix de l’acteur principal est plutôt idiot : il semble avoir vingt ans de moins que la femme qu’il est censé aimer. Le sujet est navrant : un homme tombe sur des poèmes de sa bien-aimée et pense qu’elle le trompe, alors que ces écrits sont dédiés… à la France. La touche exotique est assurée par un chef indien qui n’a aucune fonction dramatique. Les intertitres sont idiots, trop nombreux, et pour rendre tout ça créatif, L’Herbier s’amuse à trouver à chaque panneau un arrière-plan particulier censé symboliser la situation en cours comme les illustrations dans les beaux livres ; sauf qu’on serait malgré l’époque plus proche d’un exposé PowerPoint avec des collages faussement savants, des illustrations sorties dont ne sait où, et des lettrages bourrés d’excentricités typographiques. Alors certes, on sent poindre les recherches de l’impressionnisme, notamment au niveau des surimpressions, mais la cohérence dramatique de l’ensemble ferait presque plus penser à un film expérimental. Sauf que là encore, les intertitres sont là pour nous rappeler qu’il y a une ligne narrative à suivre, et qu’à tous les niveaux tout sonne piteusement amateur.
 

Les Parents terribles, Jean Cocteau (1948)

Note : 4 sur 5.

Les Parents terribles

Année : 1948

Réalisation : Jean Cocteau

Avec : Jean Marais, Gabrielle Dorziat, Josette Day, Yvonne de Bray

— TOP FILMS

Il y en a encore qui utilise l’adjectif théâtral comme péjoratif (sans y être probablement jamais allé au théâtre), quand on n’aurait pas idée de dire d’une adaptation de roman qu’elle est romanesque… Qu’est-ce que le cinéma ? (Bazin ©) Faire un gros plan de « Sophie » quand son fils tombe dans les bras de sa Madeleine chérie. Au cinéma, on monte, on découpe, on choisit. Même dans un espace grand comme un dé à coudre, c’est le hors-champ qu’il faut faire exister. Parce que certes, c’est très bavard, mais le découpage de Cocteau est remarquable (nombre de raccords dans le mouvement, de panoramiques ou de travellings d’accompagnement, très importants, sans qu’on voie quoi que ce soit ; le bonhomme fait même des plongées, bien avant que certains voient Scorsese l’utiliser pour la première fois en criant au génie).

Au-delà de ça, le nœud tendu par Cocteau au milieu de ses personnages, sorte de mélodrame vaudevillesque tournant à la tragédie (et finissant au fond comme un Cocteau, par une morale certes élégante mais un peu chiante), c’est tout de même quelque chose. Et toujours cette idée qu’on retrouve souvent chez lui autour de la question du mensonge (j’aime la vérité, mais la vérité ne m’aime pas, etc.) : le plus réussi ici étant que Madeleine est peut-être la seule à se refuser au mensonge, et qu’elle s’y trouve prise malgré elle. La moralité d’ailleurs de la vérité absolue dans laquelle toutes les vérités se font face n’est pas celle de Cocteau. On peut ne pas être d’accord, mais il est au moins fidèle à la sienne de morale. La vieille crève et un autre amour peut maintenant commencer, pour que les roues de la charrette de l’amour continuent de tourner…


Les Parents terribles, Jean Cocteau 1948 | Les Films Ariane

Martin Roumagnac, Georges Lacombe (1946)

Note : 3 sur 5.

Martin Roumagnac

Année : 1946

Réalisation : Georges Lacombe

Avec : Marlene Dietrich, Jean Gabin, Daniel Gélin

On est parfois si bien à travailler avec des amis qu’on en oublie que l’étincelle chez le public, elle brille de l’incertitude, des petits silences qui se toisent et des flirts entre amants. Manque la tension, quoi. Entre Gabin et Dietrich surtout. Lacombe ne semble pas flairer le problème parce qu’il les laisse aller comme deux vieux amants qui n’ont plus l’air que des frères et sœurs. Comme c’est affreusement bavard, s’appuyer sur le texte peut paraître pour tout le monde un appui assez pratique, or c’est souvent un piège. Résultat, tous les moments forts sont ratés, car vite expédiés, ou mal exploités. Ce n’est pas tant que c’est bavard, mais bien que le jeu de la jalousie et de la pute éperdue ne prenne jamais. Si ce n’était par les dialogues, ça devait passer par les gestes, les attitudes, les regards. Mais rien ne se passe.

Il y a aussi comme un creux, ou un détour, qui prend mal sur la fin, celui de la judiciarisation de l’affaire si on peut dire. Laisser Dietrich pour morte alors qu’on la sent si engagée à gommer jusque-là tout ce qui pourrait rester d’accent allemand, c’en est bien triste, et on se sent comme orphelins, laissés avec un homme devenu un vulgaire connard. Il y a quelque chose, là encore, qui prend jamais : les remords de Gabin. On l’imagine déjà mal jaloux au point de tuer sa belle, mais jouer les filous et culpabiliser sur le tard, ce n’est pas trop dans le registre du bonhomme. Suffit parfois d’un plan pour remédier à ça, mais Lacombe ne semble être bon qu’à suivre une partition dictée pour lui par des lignes de dialogues et des situations romancées.

En revanche, l’interprétation est remarquable. Peut-être trop justement, car à force de chercher à être juste, nature, simple, on passe à côté de la situation, et de la logique de mise sous tension d’une intrigue. Dans un cinéma naturaliste pourquoi pas, mais justement là, on est dans autre chose, d’un peu baroque certes, passant de la romance au film de prétoire, mais pas grand-chose à voir avec un petit réalisme à La Belle Équipe (dont le finale « fait divertissant » souffrait justement déjà d’un mélange de genres impossible et tournait là encore à l’impasse). Faut voir Dietrich en français pour voir son talent, et ce malgré un haut de visage dessiné à la Playmobil.


Martin Roumagnac, Georges Lacombe 1946 | Alcina


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Les jeux sont faits, Jean Delannoy (1947)

L’existence est une fumisterie

Note : 3 sur 5.

Les jeux sont faits

Année : 1947

Réalisation : Jean Delannoy

Avec : Micheline Presle, Marcello Pagliero, Marguerite Moreno, Charles Dullin

Une fantaisie sans conséquences qui pourrait être du Cocteau. Un film de morts-vivants amoureux rythmé comme le souffle agonisant d’un mort.

Difficile d’aimer un tel film tant il ne fait qu’effleurer les choses ; difficile d’en être agacé pour les mêmes raisons. Parfaitement indolore. L’histoire de fantôme est amusante, les histoires de revenants font les beaux jours du cinéma depuis La vie est belle jusqu’à Ghost… Comme dans la vie, son tragique tient à la peur de la mort, quand celle-ci est déjà là et qu’on n’est plus un fantôme. Le reste ne peut être que fantaisiste.

Le problème, c’est bien que Cocteau, pardon, Sartre (j’avais réussi à me convaincre que c’était le premier jusqu’à ce qu’on vienne me réveiller de mon rêve), fait intervenir dans cette histoire de fantôme des considérations politiques lourdes. On est deux ans après la fin de la guerre, dans une France imaginaire dirigée par un dandy fasciste. À le voir à l’œuvre, on n’y croit pas une seconde. Marguerite Moreno qui joue ici la secrétaire de Pierre (ou presque) aurait tout aussi bien pu faire l’affaire. Les révolutionnaires (camarades), dont notre héros zombie aux yeux amoureux (enfin pas beaucoup) est le courageux initiateur, ne valent pas un kopeck de crédibilité : ils sont aussi consistants que leur tyran d’opérette. Ça pourrait être drôle, ça ne l’est pas, et comme ce n’est pas non plus tragique, on se trouve un peu confus. Tout est bien qui finit bien parce que les deux amoureux ne s’aiment pas vraiment (on avait nous-mêmes un peu de mal à y croire, et c’était un peu pénible), et ils meurent (ouf) à nouveau à la fin. « Bon, en fait, on préfère crever et laisser tout choir dans la misère derrière nous. » Pas de mariage blanc chez les morts. C’est optimiste comme film ! D’un titre sentencieux à l’autre, La vie est belle se termine en glorifiant la vie, Les jeux sont faits verse plus dans le nihilisme sans conviction. Si vous voulez tuer votre mère dépressive, nul doute que lui passer ce Delannoy après La vie est belle fera son petit effet.

Une seule tache ectoplasmique illumine ce triste tableau : la présence radieuse, de Micheline Presle. Un phrasé génial, plein de simplicité et de spontanéité. De la poésie, de la classe… On aurait bien voulu l’y voir plonger ses yeux amoureux dans ceux d’un autre plus charmant, ou plus impliqué, ou plus menteur… Mais la chandelle est morte, ils n’ont plus de feu. Même elle finit par s’essouffler face à l’inconsistance paresseuse d’une telle fantaisie. (À noter encore la présence bouffonne de Charles Dullin et celle de Mouloudji jouant encore un salaud malgré lui.)

(Aux dernières nouvelles, la petite Astruc dont devait s’occuper Eve et Pierre, vend des allumettes aux morts dans les rues vides du Paris occupé… Devait être content le père en les voyant revenir tous deux. La parole des morts ne vaut pas un rond.)


Les jeux sont faits, Jean Delannoy 1947 | Les Films Gibé


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L’Amour l’après-midi, Éric Rohmer (1972)

Note : 4 sur 5.

L’Amour l’après-midi

Année : 1972

Réalisation : Éric Rohmer

Avec : Bernard Verley, Zouzou, Françoise Verley

Catalogue La Redoute Automne-Hiver 1971. Pages sous-pulls et robes à fleurs.

Rohmer nous dirait presque que chaque homme devrait commencer par balayer devant sa porte, et que toutes les autres (portes), ne sont que des mirages. Voir Rohmer en boute-en-train, s’imaginant sonner à toutes ces portes (et une en partie commune, peut-être pour pallier toutes les autres) avant de s’avancer le balai entre les jambes, c’est amusant. Bref, je ne crois pas avoir jamais vu un Rohmer aussi drôle. On s’amuse avec les secrétaires des écarts supposés, rêvés ou peut-être réels de Frédéric, on se demande comme lui en riant un peu moins si sa femme n’en ferait peut-être pas autant, et si elle ne serait pas passée à l’acte. Dans ce finale pompidolien (antonyme bourgeois du sexy poupoupidooïen), c’est tout la crainte, la jalousie confuse et timide qui s’évapore quand Frédéric, un temps toqué pour une autre, vient taper à sa porte…

Cette collection de sous-pulls, de cols roulés, de chemise à rayures, si ce n’est pas magnifique.

Et puis, drôle, Rohmer, pas seulement. Le garçon arrive avec une subtilité que je ne lui connaissais pas, en suggérant assez fortement un hors-champ, en jouant de ce qu’on sait et de ce qu’on ne sait pas, de ce que les personnages désirent, disent désirer, et pourraient en réalité désirer, ou de ce qu’ils font même (on ne sait rien des journées et des relations de la femme de Frédéric, et quand Chloé quitte Paris, ou rejoint ses amants, on ne sait rien de tout cela, et on pourrait se demander si tout ça est “vrai”).

Le début, tout en montage-séquence* et voix off (globalement toutes les séquences introspectives, narratives et rêveuses de Frédéric) est magnifique.

Amusant encore, au milieu de toutes ces filles magnifiques, je trouve cette Zouzou particulièrement laide et vulgaire. L’alchimie, si improbable avec Frédéric, en est peut-être plus belle et réussie. Une relation pas forcément évidente, dont on ne sait au juste si eux-mêmes pourraient y croire, mais que Rohmer s’acharnerait, là encore avec amusement (ou comme un Dieu masochiste, voire réaliste, parce que c’est si commun), à poursuivre pour voir ce qui en découlerait. Comme deux aimants qu’on s’acharnerait à vouloir rapprocher sur la mauvaise face.

Une des astuces du film, peut-être involontaire du film d’ailleurs, c’est, du moins ce que j’en ai perçu, l’absence chez Rohmer de vouloir nous en imposer une lecture. Un conte moral, je n’en suis pas si sûr… On aurait vite fait d’interpréter toutes ces galipettes d’élans refoulés pour une ode à la bienséance bourgeoise. La fin ne dicte pas tant que ça le film : ce qui la rend inévitable c’est peut-être moins l’intention, ou la philosophie supposée du cinéaste, que le caractère même de Frédéric qui l’impose et la rend crédible. Et même belle : un petit-bourgeois qui redécouvre sa “bourgeoise” et qui rejoue à sa manière une comédie de remariage, c’est beau ; peut-être plus que de voir un petit-bourgeois chercher à être quelqu’un d’autre, à forcer une nature qui ne serait pas la sienne et qui collerait plus à l’humeur du temps, etc. (Ce ne serait pas d’ailleurs une sorte de Nuit chez Maud éparpillé façon puzzle ? Le principe, de mémoire, est un peu le même : un gars tenté par une autre femme, et pis non, le désir se suffisant tellement lui-même, pourquoi tout gâcher en le noyant sous l’éphémère et toujours inassouvi plaisir…)

L’Amour l’après-midi ou l’anti Monika. On dirait Rohmer en train de siffler la fin de la “modernité”, de la nouvelle vague et de la révolution sexuelle. « Bon, les enfants, vous êtes bien gentils, mais moi je vais baiser ma femme. »


*article connexe : l’art du montage-séquence


L’Amour l’après-midi, Éric Rohmer 1972 | Les Films du losange

Pour une nuit d’amour, Edmond T. Gréville (1947)

Note : 3 sur 5.

Pour une nuit d’amour

Année : 1947

Réalisation : Edmond T. Gréville

Avec : Odette Joyeux , Alerme, Sylvie

Poursuite de la rétrospective cachée Christian Dior à la Cinémathèque.

Ce n’est pas loin d’être du bon, la forme est très réussie, on s’y croirait : costumes, décors, ambiances… Odette Joyeux est à « croquer ». Seule ombre au tableau, l’adaptation qui ne me semble pas tirer du roman les scènes qu’il faudrait, s’attardant sur des broutilles (comme la séquence du cadavre porté sur les épaules de Julien jusqu’à la rivière, montée alternativement avec des plans du bal afin d’accentuer l’intensité artificiellement) et expédiant vite fait les moments clés (conséquence : on a du mal à croire à l’amour de Julien pour Thérèse, alors qu’on aurait pu espérer là une petite insistance à la Brève Histoire d’amour…). La tension ne naît pas toujours du montage, mais au contraire du temps passé pour développer une même situation si elle est clé…

Des dialogues remarquables pleins d’une repartie vaudevillesque (encore la marque d’un mélange des genres pas forcément bienvenus dans cette rétrospective dédiée au cinéma français des années 40), mais c’est encore ce qu’il y a de meilleur à sauver ici, puisque précisément, ce sont les séquences sinistres, façon « thriller » ou film noir, qui piochent). Quand on a Alerme et Sylvie capables d’envoyer de telles répliques, pourquoi se priver, c’est sûr. Certains aphorismes en particulier sont savoureux, qu’ils soient de Zola ou plus vraisemblablement des dialoguistes. Ah oui, à une époque, en plus d’avoir des scénaristes, des décorateurs, des acteurs aussi, il y avait… des dialoguistes. Enfin… quand on a Odette Joyeux en vedette, on a au moins déjà la moitié d’un chef-d’œuvre.


Pour une nuit d’amour, Edmond T. Gréville 1947 | As-Film, B.C.M., Consortium International des Films


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Le Baron fantôme, Serge de Poligny (1943)

Le Baron fantôme

4/10 IMDb

Réalisation : Serge de Poligny

Avec : André Lefaur, Odette Joyeux, Alain Cuny, Alerme

Une histoire du cinéma français

Cent ans de cinéma Télérama

Mélange des genres plutôt baroque et mal fichu. On recycle les acteurs parfois géniaux des comédies des années 30, mais plus à l’aise dans le vaudeville (où prime le rythme, la situation, la tonalité, sur la justesse cinématographique), et on plante tout ce joli monde dans les pieds d’Odette Joyeux (qui s’en tire, elle, pas si mal) et d’Alain Cuny, le spectre cunéiforme de la mort incarnée…

Si on assiste peut-être avec ce Baron fantôme à une des fantaisies jamais bien sérieuses de Jean Cocteau, il faut souligner la mise en scène à la fois pompeuse et maladroite de Serge de Poligny. De belles ambitions poétiques (veine féerique), voire vaguement expressionnistes, mais aucune maîtrise de la tension, du mystère et encore du rythme (quand on mêle divers genres, ça tient souvent de l’impossible gageure).

C’est plus facile d’adapter Claudine à l’école.

Dans mon souvenir, ça ressemble pas mal aux films à la noix comme L’Éternel Retour (de la même année d’ailleurs). Un certain troll allemand avait dit alors : « J’ai donné des ordres clairs pour que les Français ne produisent que des films légers, vides, et si possible, stupides. » Mission remplie. Cocteau a dû se sentir comme un coq en pâte.


Le Baron fantôme, Serge de Poligny 1943 | Consortium de Productions de Films


Détective, Jean-Luc Godard (1985)

Détective

7/10 IMDb

Réalisation : Jean-Luc Godard

Un film de Godard, c’est comme une tablette de Toblerone. Un gros Toblerone. T — O — B — L — E — R — O — N — E. *

(* écrit en néon sur le toit d’un immeuble)

En gros, tu bouffes un morceau, un tableau, t’as tout vu et rien compris. Les noisettes, ce sont les références permanentes qu’il sera le seul à comprendre (on ne voit parfois même pas ce que lisent ses personnages, mais c’est sûr, voir plein de bouquins à l’écran, c’est aussi classe que des acteurs en train fumer), et le chocolat, ce sont ces éternels aphorismes visuels. Parfois c’est poétique, mais c’est vide et plein de prétention. Un boxeur qui file une gauche, puis une droite à deux nichons dont la propriétaire l’incite à travailler encore et encore ses enchaînements, c’est vrai, c’est mignon.

On peut au moins apprécier les acteurs. La théâtralité cinématographique de Laurent Terzieff face à l’autre, celle-ci non cinématographique, de Alain Cuny ; la spontanéité des Nathalie Baye, de Claude Brasseur, de Emmanuelle Seigner, ou de Julie Delpy ; et puis l’étrange et éternelle fantaisie de Jean-Pierre Léaud. Johnny quant à lui est nul, mais est-ce étonnant ? Godard de toute façon ne dirige personne, il caste et se détourne ensuite de ses acteurs pour s’intéresser aux objets : des slogans aphoriens autour de marques au sol, des jump cuts inondés de musique intempestive très pète-cul, partout des inserts beaucoup plus intelligents que tout le monde.

Même le titre sonne comme une marque de parfum. Tout chez JLG est cosmétique, publicitaire, cruciverbeux. Au mieux son cinéma est ludique, indolore.


Détective, Jean-Luc Godard 1985 | Sara Films, JLG Films


Trois Places pour le 26, Jacques Demy (1988)

Trois Places pour le 26

5/10 IMDb

Réalisation : Jacques Demy

Une histoire du cinéma français

« De Montand on pouvait niquer sa fille sans que ça pose aucun problème… »

Voilà comment pourrait être sous-titré le film. La légèreté douteuse de Jacques Demy… En somme, c’est Peau d’âne + Œdipe que Demy tente de nous faire passer pour quelque chose de fun… L’inceste est un vrai sujet de film qui ne peut être accessoire autour d’une vieille histoire d’amour et d’un film sur l’ambition (ou sur l’arrivisme). Traité par-dessus la jambe, ça devient vulgaire. Surtout quand la trame est ainsi cousue de fil blanc, quand on voit le truc consternant arriver bien avant, et quand on y fonce droit. Des petits cris quand les masques tombent, et là où commence Œdipe, Demy lui finit son spectacle d’un haussement d’épaules :

« Mais voyons, c’est pas grave : c’est fou ce que tu ressembles à ta mère. »

Sinon, (mauvais) hommage aux rehearsal movies de l’âge d’or. On n’aura finalement qu’une confrontation entre Montand et Françoise Fabian (Dieu qu’elle est belle), pas assez pour créer une tension, évoquer les souvenirs, les problèmes, se moquer de l’autre, etc. Quant à la partition purement rehearsal, c’est complètement raté : la fille remplace au pied levé la comédienne prévue, et peu alors de rebondissements suivent.

Exploitation lisse et maladroite. C’est vrai aussi que ce qui est apprécié chez Jacques Demy, c’est son amateurisme, sa naïveté. On y retrouve d’ailleurs pas mal de Golden Eighties tourné deux ans plus tôt par Chantal Akerman.


Trois Places pour le 26, Jacques Demy 1988 | Renn Productions