Fish Tank, Andrea Arnold (2009)

Note : 4 sur 5.

Fish Tank

Année : 2009

Réalisation : Andrea Arnold

Avec : Katie Jarvis, Michael Fassbender, Kierston Wareing

Billy Elliot meets Lilya 4-ever

Depuis Sans toit ni loi ou Rosetta, on sait que les portraits d’adolescentes en marge, réalisés avec la caméra sur l’épaule pour suivre les déambulations souvent pédestres du personnage principal ont du potentiel. Existe-t-il des exemples de films notables qui se situeraient entre Doisnel et le Sandrine Bonnaire/Agnès Varda, voire entre le Varda et le Dardenne, avec le même modèle féminin de l’ado écorché vif dans le cinéma naturaliste ? Je garde en mémoire un très bon court-métrage de Lynne Ramsay, mais le résumé semble me contredire… La Vie rêvée des anges, mais mes souvenirs, là encore, s’évaporent… Et si l’on prend par exemple Insiang, sans être un apôtre du « male gaze » (j’en parle dans ma critique du film), on remarque assez aisément ce qui distingue l’approche de Brocka et celle d’Andrea Arnold : le personnage d’Insiang est victime des agissements des hommes et peut ainsi être perçu comme un objet plus que comme un sujet (d’où l’argument qui consisterait à dire, et qui vaudrait pour tous les films japonais de l’âge d’or centrés sur des protagonistes féminins — j’évoque cette question dans mon article sur les films de femmes indépendantes et célibataires —, que le regard posé sur le personnage est forcément masculin). Mia, en revanche, est pleinement maîtresse de son destin (ou essaie tout du moins de l’être), ce qu’illustre son besoin constant de bouger (je pars, j’arrive, je me déplace, je réagis, etc.). Elle ne subit pas comme Insiang, elle agit (là où un « male gaze » aurait une tendance supposée à faire de ses personnages féminins des rôles passifs, attentistes — et cela ne produit jamais du bon cinéma).

Quoi qu’il en soit, Andrea Arnold façonne une histoire exactement là où l’on pouvait l’attendre une fois les dix premières minutes du film amorcées (et c’est très bien).

Rien de bien original donc : une ligne dramatique principale (la chronique d’une famille pauvre uniquement composée de rôles féminins — une mère et ses deux gamines — alors qu’elles font mine de se détester, que la mère s’est trouvé un nouveau petit ami, et que le récit adopte le point de vue de la fille aînée) et deux ou trois « actions d’ambiance » comme je les qualifiais à une époque (l’axe jument/amour gitan, l’axe de la danse/audition, l’axe services sociaux/école/amis). Mais une exécution sans fausses notes et une efficacité au rendez-vous. La fermeture du volet sur l’audition de danse m’a semblé un peu trop entendue, pour le coup, mais jusque-là, Andrea Arnold parvenait à surprendre avec des passages obligés et un type de récit désormais plutôt bien formaté.

Le sens de tout ça, je n’en ai aucune idée. Je garde ma préférence pour Lilya-4-ever et Ayka. Plus radicaux dans leurs propositions, ils tirent sur la corde sensible sans pour autant provoquer l’effondrement du décor à forcer de manquer de finesse. Ils tiennent aussi de la tragédie contemporaine plus que de l’exploration des limites de la société. Et dans un style plus antonionien (mutique donc, mais avec le même motif, presque symbolique, de la marche censée illustrer une forme d’action vaine et désespérée), récemment, citons le chef-d’œuvre de Hu Bo, An Elephant Sitting Still. Bref, en tant que simple chronique sociale d’une époque, Fish Tank tient… la corde.

On pourra noter surtout l’extrême habilité de la cinéaste à produire sur la toile ce que l’on attend de l’art : qu’il dévoile les limites des principes, des règles, des lois d’une société. Je pointe souvent du doigt ici le manque d’ambiguïté de certains films qui enfoncent les portes ouvertes et qui n’ont rien d’autre à proposer que leur exposition brutale des évidences (Hope, Les Chatouilles…). Fish Tank joue au contraire toujours sur les frontières, les limites, il parvient à évoluer sur la… corde raide. Connor prend ainsi plaisir à séduire les deux adolescentes, mais on ne peut alors savoir s’il le fait par jeu malsain, pour se faire accepter, ou s’il s’agit d’une manipulation pour arriver à ses fins. Le spectateur n’en sait rien parce qu’Andrea Arnold prend bien soin d’éviter les explications et la psychologie.

Dans la grande tradition des films qui mettent à l’épreuve sociétés, environnements et époques, la cinéaste pose un constat et démontre que même en assistant aux événements, il n’est pas simple de juger une situation, un comportement, un acte. La cinéaste ne se limite pas qu’aux motivations troubles de Connor. L’âge du personnage et de l’actrice n’est sans doute pas choisi au hasard. Le spectateur apprend, explicitement, et un peu sur le tard, que l’adolescente a quinze ans, l’âge justement auquel les lois établissent les limites du consentement éclairé. L’actrice, elle, avait dix-sept ans lors du tournage (au-delà de l’âge du consentement, mais toujours mineure). Quand les deux personnages passent à l’acte (préparé de longue date), peu d’éléments vont dans le sens d’une prise par surprise ou d’une sidération. La question du viol ne se pose alors qu’en fonction de l’âge réel du personnage, et tout le film s’appuie sur l’opposition entre l’éveil du désir (et la jalousie de l’adolescente envers sa mère) et l’autorité effective qu’il exerce, par sa position d’homme majeur, sur la fille mineure de son éphémère petite amie : elle souhaitait clairement cette relation interdite lorsque cela reste flou pour lui. Mais, au regard de la loi, lui est responsable de ses actes, tandis qu’elle est à la limite de l’âge du consentement (à la limite, mais théoriquement en deçà). Qu’importent les circonstances (désir réel et exprimé de l’adolescente, excuse de l’ivresse), pour la loi, il serait qualifié d’agresseur.

Andrea Arnold met donc parfaitement en scène les limites que la société fixe pour protéger les victimes. Chaque spectateur prendra alors parti pour une interprétation plus que pour une autre, et il le fera, influencé par ses propres biais (sauf s’il est conscient que le but de l’expérience peut aussi consister à suspendre son jugement). Dans d’autres films moins réussis, le personnage féminin aurait été plus franchement en deçà de l’âge limite, n’aurait pas été consentant ; l’homme aurait très tôt manifesté, à travers des allusions et des expressions, son désir d’avoir un rapport sexuel et aurait nié toute responsabilité ou faute. Fish Tank rejoint ainsi quelques films qui interrogent avec habilité ces limites, non pas pour les dénoncer, mais pour les mettre à l’épreuve, comme La Rumeur ou Les Dimanches de Ville-d’Avray par exemple.

Un film réussi peut rarement faire l’économie d’une bonne direction d’acteurs et de jolies répliques. La palme des meilleurs dialogues revient à la cadette. Arnold semble s’être amusée à lui réserver les insultes les plus colorées dont la pique finale qui résume la sororité contrariée des deux adolescentes, et dont le jeu de mot intraduisible (« baleines »/« Pays de Galles ») a joliment été traduit en français par « Et n’oublie pas de saluer ces lépreux de Gallois pour moi ». Excuse my French, mais, il y a, en effet, un côté « je t’aime moi non plus » typiquement français.


Fish Tank, Andrea Arnold (2009) | BBC FilmUK , Film Council, Limelight Communication


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Linda Linda Linda, Nobuhiro Yamashita (2005)

Note : 4 sur 5.

Linda Linda Linda

Titre original : リンダ リンダ リンダ

Année : 2005

Réalisation : Nobuhiro Yamashita

Avec : Bae Doona, Aki Maeda, Yû Kashii, Shiori Sekine

— TOP FILMS

Formidable comédie estudiantine et musicale dans laquelle un groupe se constitue autour de la dernière venue choisie comme un défi lancé au hasard, un coup de tête mélancolique et superstitieux : « La prochaine qui passe devant nous sera la chanteuse du groupe. » Après un premier refus (« c’est nous qui posons les conditions »), le sort désigne une Coréenne en échange « interculturelle » dans leur classe. On sait à peine si la lycéenne comprend ce que ses camarades lui demandent et voilà maintenant ce groupe qui semble sortir d’une parodie de film d’Antonioni (les joies de l’incommunicabilité) se préparer pour jouer un morceau à la fête de l’école.

L’histoire ne propose rien de bien original. On prend un peu de Jeunes Filles en uniforme, de Typhoon Club, de Sunny (Kang Hyeong-Cheol, 2011), de Whiplash, et de je ne sais quoi, avec un enjeu couru (connu) d’avance et un crescendo parfaitement familier avec tous ses passages obligés : premières répétitions, découragement, entraînement solitaire au milieu de son environnement familial, conseils extérieurs, jalousie ou circonspection des camarades, rencontres amoureuses, progrès stimulants, deniers écueils et finale en apothéose. Une forme d’exercice de style en somme. Et qu’est-ce qui produit la réussite d’un exercice de style ? L’exécution, l’atmosphère, l’interprétation. Contrat rempli : on ressort du film avec la banane et la larme à l’œil.

C’est surtout dans les détails que Yamashita vise juste : les plans de coupe sur les lycéennes offrent toujours un spectacle tendre, complice et réjouissant, les gestes ou petites attentions sans dialogues illustrent cette idée (assez japonaise) que le langage non verbal, les non-dits importent plus que les vaines paroles (comme les plans sur le prof que l’on devine vivre seul et solitaire, mais qui autorise les filles à venir répéter la nuit ou à laisser les élèves — lui-même peut-être un peu envieux — s’accorder en harmonie sans trop y mettre son grain de sel). La fantaisie douce-amère, presque ozuéenne, joue également son rôle (le choix superstitieux du début, la séquence du rêve, celle de la déclaration d’amour), signe souvent d’un bon film quand les effets sont bien dosés entre comédie et drame. Distance et équilibre parfaits : cette mise à distance ironique, absurde aiguise la curiosité du spectateur. Jean qui pleure et Jean qui rit. L’incertitude profite toujours au récit.

Le montage, déjà bluffant au sein des séquences (en relevant le meilleur des regards, des attitudes et des mimiques des actrices), à l’échelle plus globale de l’écriture (tout en montage alterné et en montage-séquence), nous permet de suivre le parcours du quatuor vers le finale attendu, entre académisme d’un récit sans surprises et juste prise de risque qui vous évite de tomber dans l’effet tape-à-l’œil.

La grande idée du film consiste bien sûr à faire d’une Coréenne avec qui la communication n’est pas facile le moteur du groupe et l’élément épicé qui donne en réalité tout le sens de cette quête initiatique. On n’assiste pas seulement à la naissance d’un groupe cherchant à tirer le meilleur de lui-même pour répondre aux attentes, mais à une rencontre de l’altérité, à l’altérité vue comme un atout. On réussit ensemble, avec nos différences, nos différends. Une idée lumineuse et universelle, mais les relations Japon/Corée étant ce qu’elles sont, cette promotion de la différence exogène, de la singularité (contraire aux principes d’unité de l’esprit japonais, que ce soit au sein de la nation, de l’entreprise ou du lycée), doit avoir une saveur particulière pour les spectateurs des deux pays. Depuis 2005, l’industrie de la Kpop et des dramas a inondé l’archipel (du moins dans les jeunes générations).

(Je suis en train de lire Claudine à l’école, le ton se fait plus mélancolique, plus réservé, là où le caractère vif et rebelle du personnage principal anime le récit de Colette, mais l’un, chez moi, a sans aucun doute infusé dans l’autre…)

On y retrouve ici une interprète qui participera à pas mal de films coréens ou internationaux du début du siècle (des navets surtout) : Bae Doona (Sympathy for Mr. Vengeance, Cloud Atlas, The Host, A Girl at My Door, Je suis là, avec Alain Chabat). À mon sens, c’est de loin la meilleure performance de l’actrice (même si dans le film de July Jung, dans un registre opposé à celui qu’elle tient ici, elle était déjà remarquable malgré la faiblesse du film) : le handicap de la langue l’a sans doute obligé à s’exprimer davantage à travers les yeux et le corps. N’en faisons pas pour autant une spécificité : toutes les actrices du groupe (et les acteurs du film) semblent communiquer davantage de cette manière qu’à travers la parole. L’actrice nous dévoile par exemple son sens comique dans la scène dans laquelle un adolescent lui déclare sa flamme (à la japonaise, de manière très formelle, assez peu subtile) : d’un côté, on sent le gouffre culturel qui sépare les deux lycéens, un ou deux détails absurdes accentuent le ridicule de son aveu (il la croise près des poubelles, et elle n’a jamais prêté attention à lui) ; d’un autre, elle n’a qu’une envie, aller retrouver ses copines pour répéter (rock sororité, mec, n’encombre pas le passage).

Quelques astuces de scénario révèlent également un petit brun d’humanité (ou d’humilité) qui va bien. Après avoir répété toute la nuit, les adolescentes tombent de sommeil juste avant de passer leur chanson. Et pour couronner le tout, il pleut à verse. Dans un film américain, on aurait placé la réussite au cœur de tout. Ce qu’on honore ici au contraire, ce sont plus les clubs de musique (et tous les autres) auxquels les Japonais participent l’après-midi et les événements auxquels ils doivent prendre part tout au long de l’année dans un esprit à mille lieues de l’individualisme occidental. Le public suivait ainsi très sporadiquement les performances musicales qui se tenaient sur scène (c’est une kermesse, chaque « club » propose des activités différentes au public dans l’ensemble du lycée). Puis, avec la pluie, les visiteurs s’abritent dans la salle/gymnase. Se succèdent alors deux filles à la guitare et a cappella en attendant le groupe. Après un premier groupe de rock capté sur le tard (avec l’effet chez nous de les faire passer pour des nuls hurleurs), les deux adolescentes (que l’on avait déjà brièvement croisées au cours du récit) se pointent sur scène, et c’est dans leur simplicité qu’elles sont émouvantes. Quand le quatuor arrive enfin, le public s’est massé devant la scène, prêt à les écouter. Après une intro tranquille, le rythme s’accélère d’un coup et les spectateurs deviennent bouillants. L’art du contrepoint et de la douche écossaise (c’est le cas de le dire). La fin attendue, en apothéose. L’humanité en plus. Ce n’est pas la réussite d’un groupe, mais la réussite du vivre ensemble. Avec un brin de nostalgie : l’amour attendra.

Parmi tous les films cités, dans sa tendresse, sa simplicité, sa description des amitiés féminines, c’est encore à Sunny que le film ressemble le plus (Sunny, étant un film d’époque, il jouait davantage encore sur la fibre nostalgique).


Linda Linda Linda, Nobuhiro Yamashita 2005 | Bitters End, Covers & Co, Vap/Cave


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Baby It’s You, John Sayles (1983)

Baby It’s You

Note : 4 sur 5.

Baby It’s You

Année : 1983

Réalisation : John Sayles

Avec : Rosanna Arquette, Vincent Spano

 

Sayles semble avoir adapté un scénario original, c’est assez rare pour le signaler. Aucune idée s’il s’agit d’un script qu’on lui aurait confié ou une commande (ça reste un film indépendant, mais à visée commerciale, puisqu’il est question d’un film pour ado, ou presque). Quoi qu’il en soit, lui qui se sera essayé à tous les genres, s’en sort sans accrocs dans cet exercice de style si spécifique qu’est le teen movie. L’intrigue est une variation du thème de Roméo et Juliette avec un accent plus social, voire dramatique, que comique. Loin de certaines horreurs populaires dans les années 80 (Ferris Bueller ou Fatal Games pour nommer les pires).

La mise en scène, propre et dynamique, n’a pas le génie, la petite idée, qui arrive parfois à élever un sujet, une performance ou une situation. Mais vu les audaces pas toujours bienvenues que se permettra Sayles l’année suivante dans Brother, ce serait plutôt un bon point.

On peut remarquer toutefois dans l’écriture un trou d’air aux trois cinquièmes après le bal de promo parce qu’on s’imaginait sans doute suivre le type de récit habituel, à savoir voir le film ne jamais aller au-delà de la soirée tant attendue.

L’atout surprenant du film (à l’image de Nicole Kidman dans Calme blanc), c’est son actrice principale : Rosanna Arquette. D’une spontanéité et d’une précision rare, elle donne en permanence à voir (elle « donne à voir » ce qu’elle pense ou ressent sans que cela paraisse préparé ou réfléchi), et est chou comme tout. Malheureusement, on voit déjà ce qui clochera dans la suite de sa carrière dès cette seconde partie du film dans laquelle son personnage est censé étudier à l’université. La spontanéité, la fraîcheur, c’est parfait pour jouer les ingénues, ça l’est encore pour jouer les adultes immatures, mais jouer les adultes immatures à quarante ans, on aurait plutôt tendance à s’en agacer. (D’un autre côté, l’autorité naturelle, l’intensité et l’intelligence d’une Nicole Kidman par exemple, même dans des navets, feront la différence pour décrocher des rôles dans des superproductions.)

À côté d’elle, le bellâtre de service, sorte de Rudolph Valentino à la mode 60’s (son nom de Sheik n’est pas qu’une coïncidence), Vincent Spano, convient parfaitement dans un type de personnages extrêmement délicat. On pourrait même penser que c’est au contraire John Sayles qui semble avoir un peu trop chargé son personnage au lieu de le défendre (en particulier dans la dernière partie où il est loin d’égaler son lointain condisciple de La La Land qui au plus bas de sa renommée n’était que pianiste dans un bar d’ambiance, puisque le personnage de Sheik connaîtra le même destin, mais « en chantant » en playback). La même année, Vincent Spano tourne dans Rusty James de Coppola.

Somme toute une jolie réussite.

Baby It’s You, John Sayles 1983 | Double Play


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L’obscurité de Lim

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Heathers, Michael Lehmann (1988)

Tueurs nés

Note : 2.5 sur 5.

Fatal Games

Titre original : Heathers

Année : 1988

Réalisation : Michael Lehmann

Avec : Winona Ryder, Christian Slater, Shannen Doherty

Affligeant. Rarement vu un film avec autant de personnages antipathiques. Le côté faussement cathartique sert de prétexte à tuer en série les personnages soi-disant insupportables de nos lycées. Or si j’en ai vu des cons, j’en ai rarement vu autant que dans les films et les séries américaines où il était toujours questions de « popularité ». Si le film voulait se moquer de ça, c’est plutôt mal fait. La comédie (la satire, la parodie ou je ne sais quoi), c’est toujours une question de connivence avec le spectateur. Sans aucun personnage à qui se rattacher, ça paraît difficile d’entrer dans le jeu. Ces petits cons peuvent bien s’entre-tuer, ils sont bien trop irréels pour que j’y attache la moindre importance. S’il s’agit là d’une pure comédie, elle n’a rien de drôle, ou d’attachant ; si c’est une satire de l’adolescence, ou des films pour adolescents, on tombe dans les excès non maîtrisés d’un Tueurs nés par exemple.

Les acteurs sont insupportables. Celle qui s’en tire le mieux (qui trouve le ton juste, entre le trop et le pas assez, mais aussi simplement dans le phrasé), c’est Shannen Doherty, futures vedettes de la série Beverly Hills. Winona Ryder a ses fulgurances mais semble mal dirigée, quant à Christian Slater, il est atroce à miauler avec une voix qui n’est pas la sienne et à multiplier les œillades…

À noter aussi la fin pathétique censée donner un sens, ou une morale au film. Veronica, après avoir vu une bonne partie de ses amis « populaires » se faire tuer ou que sais-je, décide d’inviter la grosse freak du lycée, et celles-là peuvent alors partir au loin dans le soleil couchant scellant leur amitié naissante… Oui, ben, c’est le freak qui parle : quelqu’un qui se serait acoquiné avec autant de connasses et de connards et qui déciderait de faire ami-ami le lendemain d’une apocalypse nous laissant seuls survivants, je l’envoie balader sur l’autre hémisphère. La morale : « ouais, en fait, les freaks, il faut être gentils avec eux, parce que, au fond, on est tous des freaks », moi j’y réponds d’aller se faire foutre. Ça me fait penser à ce personnage « populaire » qui a toujours cinquante choses à faire par jour, qui vient, on ne sait trop pourquoi, s’asseoir sur le banc où le freak solitaire se pose tous les jours, et qui lui sort : « Ah, tu sais, moi aussi je suis un grand solitaire ». Ta gueule. Là, c’est mon banc, c’est mon ami, et on est très occupés. Adieu.

Au final tout ça n’est ni drôle, ni réjouissant, juste vulgaire. Est-ce que je n’ai jamais rêvé de tuer les cons avec un flingue dans mon bahut ? Eh ben, non. Parce que ni les cons, ni les autres ne sont jamais (ou rarement) venus poser leurs miches sur mon banc. Loin des yeux… La seule fois où ceux-là auraient pu prendre une fessée, c’est si je venais discrètement parler d’astronomie avec le prof de lettres et que des crétins m’attendaient à la sortie pour me chanter Au clair de la lune. Heureusement, ce n’est jamais arrivé parce que je me fous pas mal d’astronomie et parce qu’aucun prof de lettres n’a jamais su montrer d’intérêt pour autre chose que lui-même. Notons aussi que le coup du petit mot d’amour faussement délivré à mon intention, ça n’aurait pas marché avec moi. Parce que c’est moi qui les écrivais, et qu’aucune fille n’y a jamais répondu que par des rires. Faut prendre les devants, ça évite les mauvaises surprises.

Il y a la vision des freaks vue par les personnages populaires du lycée, qui tout à coup se prennent l’envie de décharger leur haine sur leurs semblables et croient pouvoir alors trouver en ces freaks un support naturel et évident. Et il y a les vrais freaks. Et les vrais freaks ne sont pas naïfs. Ceux qui sont vus comme des freaks souffriraient de leur impopularité ? Non. C’est l’histoire de l’homme « civilisé » qui rencontre un sauvage et qui lui demande s’il n’a pas honte de se balader ainsi tout nu. Les valeurs des uns ne sont pas les valeurs des autres. « Tu vois là, si je suis sur un banc, ce n’est pas parce que j’attends que la popularité me tombe du ciel, ou parce que je suis solitaire, mais parce que je n’en ai rien à faire de ta popularité. C’est aussi la pause et le seul endroit où on me laisse à peu près tranquille pour rêvasser. Cours rejoindre tes amis sauvages… freak. »


Fatal Games / Heathers, Michael Lehmann 1988 | New World Pictures, Cinemarque Entertainment


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Risky business VS La Folle journée de Ferris Bueller

Risky Business 1983 
La Folle Journée de Ferris Bueller 1986

Note : 2.5 sur 5.

Note : 3.5 sur 5.

Deux films d’ados cultes des 80’s, deux perceptions différentes.

Je préfère largement Risky business. Dans la connerie ambiante des 80’s’où la philosophie du « tout est possible » craint un peu, Risky Business va plus loin dans la logique, mais montre aussi les limites de cette volonté de s’amuser sans penser à faire du fric. Le personnage de Tom Cruise se retrouve vite submergé par les événements, il est en prise au monde réel, celui des “adultes”, des crapules, aux choix de la vie, et le ton de sa voix off est amer. Il réussit dans « son entreprise », il ne s’en sort pas trop mal, mais c’est une fausse happy end. On sent que le garçon n’est pas bien fier de lui ; il comprend que le monde réel est pourri. Beaucoup moins une comédie que ça en a l’air. Surtout, moins puéril que Ferris Bueller.

Les personnages ont le même âge, pourtant celui de Broderick semble ne pas vouloir sortir de l’enfance. Il est déjà fort à tromper son monde. John Hugues reste dans la vie d’ado et la sublime. C’était déjà le cas dans Breakfast club, avec une grande réussite, et il tombera carrément dedans avec Maman j’ai raté l’avion… D’ailleurs, on retrouve des éléments de Maman dans Farris Bueller. C’est une farce. Son regard est bienveillant sur l’adolescence, sur la mentalité de petit con.

Risky business est bien plus amer. C’est la différence entre la carrière, le jeu, de Broderick et de Tom Cruise. Broderick n’aura jamais les personnages de Cruise parce qu’il ne cessera jamais d’être un adolescent. Alors que ce personnage de Tom Cruise dans Risky Business ouvre la porte à des personnages adultes. Normal alors de le voir passer du rôle d’adolescent à celui de jeune premier dans Top Gun.


Risky Business 1983 | The Geffen Company

La Folle Journée de Ferris Bueller 1986 | Paramount Pictures