
A Bill of Divorcement
Titre français : Héritage
Année : 1932
Réalisation : George Cukor
Avec : John Barrymore, Katharine Hepburn, Billie Burke, Elizabeth Patterson, Henry Stephenson
Notons la remarquable aptitude chez Cukor à découper son film dans un espace défini et à diriger des acteurs enfin faits pour l’écran : il semble avoir retenu la leçon de l’épouvantable The Royal Family of Broadway en soignant sa distribution.
John Barrymore vient ici en vedette et reconnaissons-lui un certain génie. Sa première apparition devrait être montrée dans toutes les écoles de théâtre : à peine entré dans la pièce et, en quelques secondes, sans dire un mot, seul, on saisit à travers son attitude toute la puissance de la situation. Pas sûr qu’on joue beaucoup ici sur une forme d’effet Koulechov appliqué à une entrée en matière (les autres protagonistes ont déjà évoqué son cas), parce que si la situation est immédiatement comprise par le spectateur, c’est à mon sens ici grâce à son jeu, son attitude, à sa manière de prendre connaissance de l’environnement qu’il vient de pénétrer. On découvre un homme familier des lieux, un peu émerveillé de retrouver son foyer, mais aussi curieux de voir le temps passé en remarquant quelques détails insolites. À ça s’ajoute une composition parfaitement en ligne avec l’histoire et la condition psychique de son personnage. L’entrée en scène sert même parfois d’exercice proposé à de jeunes acteurs : entrer simplement en scène avec un état d’esprit, un objectif. D’autres fois même, il est demandé aux élèves d’entrer sur scène pour voir si spontanément ils vont s’appuyer sur une situation pour inventer de toute pièce une attitude. La suite n’en est pas moins épatante pour John Barrymore : quelques résurgences du Docteur Jekyll et M. Hyde avec un personnage dont il parvient à suggérer le trouble, la fragilité, la vulnérabilité (aucun côté obscur pour le coup, l’acteur lui donnant surtout des allures d’enfant) sans jamais surjouer la chose.
(Je vais l’ajouter dans mes exercices de théâtre pour la peine.)
Pourtant, le plus étrange dans l’histoire, c’est que tout épatant qu’il puisse être, on sent déjà Barrymore dépassé par une actrice jouant ici son premier rôle. Le film se montre incapable de se hisser au niveau de ses interprètes et de sa mise en scène, mais même si j’ai vu Katharine Hepburn dans de nombreux films, elle ne m’est jamais apparue aussi impressionnante, tirant à la fois vers la simplicité, la retenue, la grâce, la classe et l’intelligence. Chaque geste repose sur un calcul ; chaque regard démontre la parfaite maîtrise et le contrôle de l’actrice ; la voix est portée à la hauteur juste. Hepburn semble survoler les débats comme d’autres actrices avaient pu le faire avant elle, mais rarement avec autant de légèreté et d’acuité. Elle héritera très vite de personnages plus volontaires, plus forts, plus affirmés que celui-ci qui sacrifie son amour et son avenir pour aider son père. À se demander si le public n’a pas perdu quelque chose à la voir offrir sa présence naturelle, forte, à des personnages dont c’est déjà la caractéristique. Une fois devenue star, elle ne composera plus beaucoup, et c’est souvent Hepburn, la star, qui apparaîtra à l’écran. Les studios nous privent au fond de voir une actrice apporter son talent, son autorité, son intelligence, sans forcer, en laissant le rôle venir à elle, à des personnages qui auraient gagné en nuances.
Dommage en revanche que l’histoire ait si peu d’intérêt. Il y a là-dedans comme un souffle des années 20 très mélodramatique dans ce qui est vraisemblablement l’adaptation d’une pièce de théâtre. Jamais je n’aurais cru pouvoir assister à un duo aussi singulier et aussi remarquable dans un film si soporifique. On mesure d’autant plus le chemin parcouru après The Royal Family of Broadway, car l’on n’y bouge pas beaucoup plus. Huis clos garanti.
A Bill of Divorcement, George Cukor (1932 | RKO Radio Pictures







Année : 1948







Année : 1952
