Version de Dracula non fantastique : un Dracula violeur, exorcisé par les maris

Un Dracula qui serait un agresseur sexuel, parfois un amant, dévoreur de femmes vu par les maris, et bientôt victime d’un complot sataniste visant à châtier le misérable séducteur.

Pourquoi ne pas tenter une version où Dracula serait un séducteur qui, certes, violerait ses victimes en s’introduisant dans leur chambre la nuit, en séduirait d’autres toujours avec le même profil d’épouse insatisfaite ignorant tout de l’amour. Mais un agresseur, un amant qui les troublerait d’autant plus qu’il parviendrait à les faire jouir. Les femmes ingénues découvriraient ainsi les secrets de plaisirs jamais explorés ; et Dracula les maintenant ainsi dans leur ignorance, elles assimileraient toutes leur état à une possession diabolique.

La pudibonderie se mêlerait à la chose ; la confusion s’emparerait de ces femmes (l’hystérie aurait-on dit au dix-neuvième siècle), les laissant tiraillées entre des pulsions qu’elles ne contrôlent plus et la culpabilité (des maris les auraient surprises en train d’évoquer le nom de Dracula en se masturbant). Puis viendrait le désir refoulé, la quête contrariée de ce plaisir charnel tant détesté qu’espéré et associé immédiatement à la culpabilité (de la victime). La honte de se retrouver face à une croix serait la peur de la pécheresse rappelée à ses devoirs de vertu et face au jugement de Dieu. Des témoins pourraient dire qu’ils ont vu les possédées rejeter comme des démones le signe de Dieu ! Alors que ce n’était que de la peur et de la honte…

Forcément, les hommes légitimes chercheraient à se venger : à la fois de leur femme devenue folle et impure à leurs yeux, mais aussi du coupable, l’amant démoniaque. Justifier leur crime serait alors tout simple : leur femme ayant été possédée par un monstre, seul le meurtre expiatoire de tous ces êtres infectés par le démon pourrait les sauver et empêcher que le « mâle » se répande comme une épidémie. Les processus accusatoires et de falsification ne seraient pas sans évoquer l’inquisition ou les procès en sorcellerie (Cf. Le Grand Inquisiteur.)

Voilà alors les maris complotant avec un médecin aux idées sulfureuses pour qu’ils puissent tous prétendre qu’un monstre s’est emparé de l’âme de leur femme, confondre le vampire et bientôt l’anéantir.

Problème : le médecin, Van Helsing, bien que sulfureux, prétendant croire aux forces obscures qu’il combat, il rechignerait d’abord à les aider à se débarrasser des fautives et de l’amant. Les maris arriveraient à le convaincre en lui faisant miroiter l’idée que l’exorcisme ferait honneur à la religion comme tout acte de ce type et lui assurerait une grande renommée en lui gardant le beau rôle dans leur histoire commune. Les maris savent que ses pratiques et ses idées l’ont ostracisé dans les cercles savants, ce serait ici un moyen de prendre sa revanche en s’assurant un auditoire désireux d’exorciser les mêmes « mâles » séducteurs. Pour crédibiliser leur version, les comploteurs imagineraient alors consigner par écrit leur histoire en y ajoutant ces éléments fantastiques indispensables pour que leur vengeance soit prise au sérieux. Ils mettent ensuite à exécution leur dessein, écrivent de faux journaux, recueillent des témoignages légèrement tronqués sur le passé du Don Juan inspiré par le diable, trompent leurs domestiques, car ils seront les principaux témoins des événements les plus « troublants ». Et bim, on passe à l’action. On tue, et on se débarrasse des corps des victimes pour interdire toute étude ultérieure. Seuls le feu et la disparition complète des corps « contaminés » pourraient ramener la sérénité et repousser le démon jusqu’à ce que de femmes impies se laissent envoûter par le démon…

Là, l’inspecteur Columbo débarque et finit, bien sûr, par découvrir le pot aux roses (grâce à sa femme, forcément, amatrice éclairée de bonne littérature gothique).



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