
Un récit sur le deuil, le voyage temporel, le rêve, la perte de repères. Mélange entre Un jour sans fin, Il était temps, Retour dans le futur, Peggy Sue s’est mariée, mais en pas drôle (plutôt dans la veine étrange de The Man from Earth). Le récit pourrait ne pas suivre tous les éléments chronologiques qui vont suivre, mais être raconté par un proche du personnage principal, justement (en référence à l’unique soirée du récit de The Man from Earth) en commençant à partir de ce soir où cette femme leur a parlé pour la première fois de ce qu’elle expérimentait, chaque nuit, une fois par semaine. (Le titre Un rêve sans fin est évidemment une facilité.)
Après un drame personnel (mort d’un enfant, d’un père, d’une mère, etc.), une femme expérimente le voyage temporel une fois par semaine, toujours le jour de la semaine où elle a perdu cet être cher. Elle se réveille alors un jour de son passé, de manière aléatoire, depuis sa plus tendre enfance jusqu’à sa vie d’adulte.
Lors de ses premiers voyages, elle prend d’abord soin d’essayer de ne rien changer de ce qu’elle aurait pu faire, par crainte de modifier le temps. Mais à force de se retrouver parfois loin dans son enfance et de montrer une expérience de la vie loin d’être celle d’une enfant de son âge, elle commence à se faire remarquer, à prendre du plaisir à ce jeu étrange où l’on se montre plus expérimenté que ses camarades et en sait plus sur la marche du monde que ceux qui l’habitent, ignorant de ce qui les attend.
À sa grande surprise, pourtant, malgré ses petits jeux et le malin plaisir qu’elle prend à intervenir dans le passé, rien ne change à son retour.
Elle expérimente alors des voyages dans lesquels elle intervient de plus en plus dans l’univers ainsi investi, parfois pour s’amuser, d’autres fois pour tenter de mettre en garde face à des dangers imminents pour le monde ou pour ses proches. À chacun de ses retours, elle se réveille toujours le jour suivant et rien ne semble alors avoir été affecté par ses décisions dans ses « mois » passés.
Elle commence cependant à s’interroger parce qu’au fil de ses voyages, le monde semble modifier, non pas la marche du monde avenir, mais les prochaines époques visitées. De manière de plus en plus inexpliquée, elle se rend ainsi compte que ses proches se font toujours moins présents lors de ses voyages. Quand elle essaie de les voir, de prendre des nouvelles, d’en évoquer certains à ses proches du passé, elle se rend compte que la situation n’est pas tout à fait celle qu’elle avait connue, voire que certains de ses proches ont disparu ou semblent n’avoir jamais existé.
Pourquoi, si le présent ne change pas, les différentes périodes de son passé, elles, sont-elles ainsi perturbées par ses voyages ? Elle doute ainsi de la réalité de ces voyages : après tout, il serait normal qu’il ne s’agisse que de rêves.
À chacun de ses voyages, les choses ne font qu’empirer. Peu à peu, ses proches disparaissent de sa vie d’avant, des figures de second plan aussi. Le monde paraît se vider de ses habitants, comme une mémoire qui s’étiole.
Elle note ainsi qu’une fois seulement, lors d’un voyage, elle avait réussi à rentrer en contact avec l’être dont la mort avait tout déclenché. La disparition dans le passé de ses proches, était-ce le signe qu’ils allaient mourir dans sa vie présente ? Pourtant, non. Les disparitions concernaient autant des personnes qui étaient mortes entre-temps que d’autres, plus jeunes, dont il était peu probable qu’elles meurent aussi tôt. Pire : d’un voyage à l’autre, ces disparitions se confirmaient, comme les pièces d’un jeu de quilles tombant l’une après l’autre selon une logique temporelle propre : celle du cheminement de ses voyages oniriques.
Ces voyages finissent par affecter sa vie du présent, incapable de trouver l’issue et le sens de ces disparitions et de ces voyages, affectée par la tristesse et le vide de plus en plus palpable d’un passé qui commence à ne plus du tout être conforme à ce qu’elle avait vécu et connaissait du monde.
Elle se réveillait de plus en plus, un jour de son passé dans lequel les lieux et les événements autour d’elle ne semblaient pas être affectés par sa présence ou ses précédents voyages. Jusqu’à l’absurde : un voyage la ramène un jour loin dans le passé, et enfant, elle se réveille dans une maison vide. Tout est en place, mais personne ne semble être là de son entourage. Ses camarades de classe aussi disparaissent. Et quand elle interroge les habitants de ce passé étrange, leurs réponses incompréhensibles ne l’aident pas à y voir plus clair.
Le deuil de ce passé provoque en elle une forme de rechute dépressive après la mort de son être cher. À force d’expérimenter le vide grandissant de son passé, elle se rend compte de la chance qu’elle dispose encore aujourd’hui à avoir tous ces proches dans le monde présent. C’est alors qu’elle se décide à en parler autour d’elle. Après quelques tentatives, elle réunit quelques amis et quelques membres de sa famille lors d’une soirée où elle leur raconterait tout, tout en leur demandant de l’aide.
Elle explique les voyages, la peur de modifier le temps, le fait que rien ne change dans le temps présent à son réveil (« la preuve : vous êtes là, le monde est toujours le monde chaotique dans lequel mes actions ne semblent aucunement avoir changé »). Certains s’inquiètent ; d’autres pensent à des rêves ; d’autres encore craignent un début de folie ; d’autres sont incrédules et plaisantent (« c’est Une histoire sans fin une fois par semaine et c’est Retour vers le futur sans les paradoxes temporels, adapté par Quentin Dupieux »).
Avec les derniers qui veulent bien la croire, ils essaient de mettre un protocole pour qu’elle puisse donner la preuve de la réalité de ces voyages.
Une de ses amies se rappelle qu’elle a enterré, dans son enfance, avec sa classe, une capsule temporelle dans la forêt d’une ville voisine. Elle ne sait pas où est cette capsule, mais si son amie lui indique où la trouver, elle pourra la déterrer et lui dire si ce qu’elle y trouve correspond à la réalité.
Elle profite ainsi d’un de ses voyages pour se rendre sur place et déterre la capsule. Elle y ajoute un objet pour être sûre que cet élément disparaîtra quand elle déterrera la capsule avec ses amis.
Le lendemain, tous se réunissent à nouveau, et la femme sait parfaitement indiquer à son amie ce qu’il se trouvait dans la capsule, preuve que son voyage n’était pas un rêve. Plusieurs de ses amis et elle se rendent alors dans la forêt voisine et déterrent la capsule. L’objet ajouté a disparu, signe que ses actions dans le passé n’altèrent pas le présent.
À chacun de ses voyages, la femme est accueillie par ses proches, et ils essaient ensemble de démêler le sens de ces expériences étranges. Mais la femme se réveille chaque jour un peu plus démoralisée, car ses réveils dans le passé ne ressemblent plus à rien. Elle se rend compte aussi qu’elle est projetée de plus en plus loin et de plus en plus seule. Ses journées dans ce passé étrange se font de plus en plus courtes, comme si elle s’endormait tout à coup. Souffrait-elle de narcolepsie durant son enfance ? Non. Mais à quatre ans n’est-il pas normal de faire des siestes en pleine journée ?…
Puis, elle tombe malade, le temps s’accélère pour elle, ses amis n’ont plus rien à lui proposer pour l’aider à démêler le sens de ces voyages, lesquels la ramènent toujours plus loin en enfance. Ne pouvant plus rien explorer, n’ayant plus rien à raconter à son retour, sa maladie prenant peu à peu plus de place, ses amis et elle n’évoquent plus ces épisodes et chacun finit par croire, malgré la capsule temporelle, que c’était les premiers signes de la maladie de leur ami.
Et c’est enfin elle qui disparaît : épuisée par la maladie, elle est à peine consciente quand lors de son dernier sommeil (ou voyage, car on est le jour de son voyage temporel), ses proches sont à son chevet, rappelant la manière dont elle-même et ses proches avaient suivi les derniers instants de l’être cher, disparu au début du récit.
Tous ces rêves étaient-ils les expériences de ces derniers instants sur son lit de mort ou des voyages temporels réels ?