
Affiche supprimée de La France insoumise pour appeler à manifester
Toute la gauche s’émeut donc d’une affiche et accuse le parti de gauche (comme s’il en avait encore besoin) de propagande antisémite avec comme unique argument que l’affiche ressemble aux campagnes antisémites d’avant-guerre.
Je vois la polémique (puisque c’en est une) à travers des publications d’une des rares personnes que je suis sur les réseaux sociaux : Daniel Schneidermann. Il se trouve qu’il s’y connaît en histoire du nazisme (ce qui n’est pas l’assurance d’avoir raison sur tout, ce qui peut même provoquer certains biais, celui précisément de tout ramener au nazisme et à sa petite sœur, l’antisémitisme). Le créateur d’Arrêt sur image avait par ailleurs effectué un excellent et mouvementé entretien dans lequel il recevait Guillaume Erner pour son essai Judéobsessions (mais pas que). C’est dire s’il est concerné et si je prends au sérieux son indignation (traduction : je lui donne beaucoup de crédit, toujours, a priori).
Il écrit : « Bonjour @lfi.bsky.social, après la publication sur l’autre réseau d’un visuel de Cyril Hanouna frôlant de très très près l’imagerie antisémite, vous l’avez retiré, et remplacé par un autre, plus neutre. En DM, Manuel Bompard m’a remercié de mon “alerte”. De rien ! Pour couper court à toute ambiguïté, il serait bon que les personnes à l’origine de ce premier visuel expliquent publiquement leur démarche, et d’ailleurs dévoilent son origine. »
Je ne suis pas d’accord.
L’usage « partisan » d’expressions du visage favorables ou non, c’est une constante dans TOUTES les illustrations de presse ou d’opinion. On peut le voir actuellement avec Trump.
Sans tricher, voici les dernières illustrations choisies par le compte Republicans Against Trumpism :

Toutes les illustrations visent à le moquer. On regarderait dans le camp de Trump, toutes les illustrations seraient au contraire mélioratives. Rien d’exceptionnel là-dedans.
L’expression du visage de Cyril Hanouna, si elle n’est pas trafiquée, n’est en rien antisémite. Ce qu’il faut regarder ici, c’est la légende. Un slogan, une affiche, une caricature ne prend son sens qu’à travers sa légende. Toutes les caricatures antisémites, si elles n’utilisent pas déjà des symboles antisémites (ce n’est pas le cas ici), évoquent l’origine juive du personnage caricaturé.
Quelques exemples :




On marche tellement sur des œufs quand il est question d’antisémitisme (et on aurait raison de l’être pour un antisémitisme avéré, or, ce serait laisser entendre qu’une suspicion d’antisémitisme à l’encontre de la France insoumise serait légitime puisque le parti a une histoire avec l’antisémitisme : oui, de fausses accusations et aucune condamnation) qu’on accuse tout et n’importe quoi d’antisémitisme. Comme assez souvent avec ce genre de postures (on remarque les mêmes accusations d’antiféminisme, de masculinisme, de faux gauchistes), on multiplie les procès en pureté, et c’est loin d’être bon signe.
La suspicion d’antisémitisme, ce n’est pas de l’antisémitisme. Vous accusez quelqu’un d’antisémitisme ? Ou de tout autre chose. Prouvez-le. La charge de la preuve. Et une suspicion n’est pas une preuve.
Vous voyez l’ironie de prêter autant de crédit à une accusation sans preuve et de baser uniquement vos accusations sur des suspicions ? Sur des « ça ressemble » ? La suspicion, c’est un début de complotisme, et c’est ça qui a des relents d’antiféminisme. Pas le contraire.
Prouvez-le donc cet antisémitisme.
Où est donc le lettrage faisant référence à la judéité (supposée ou non) d’Hanouna ? Où est le symbole visuel évoquant sa judéité ? J’en vois aucun. À la limite, ce qui pourrait interroger, c’est l’arrière-plan noir. Or, c’est un code visuel évoquant… le fascisme.
Le fascisme, c’est exactement ce que dénonce la légende.
Donc bon. Je veux bien lire des avis contraires, mais là, on fait totalement un contresens en voulant voir l’inverse de ce que l’affiche « exprime ».
On me précise ensuite que « ça saute aux yeux ». Eh bien, je répondrais qu’il faut toujours se méfier de ce que nos yeux vous montrent et qu’il faut apprendre à décrypter les images que l’on voit sans présumer des intentions de celui qui s’exprime. De la même manière qu’on peut juger qu’Elon Musk a bel et bien fait un salut nazi ou fasciste (et cela me semble alors faire l’objet de moins de discussions possibles), on ne peut pas savoir si l’intention de Musk était d’en faire un. Et on s’en fout. Parce que ce qui compte, c’est ce qu’il dit et partage : et tout, dans son discours, transpire le fascisme. Je n’aime pas LFI, mais est-ce que j’irais dire que les accusations habituelles d’antisémitisme dont ses membres font l’objet sont légitimes ? Non.
Certains veulent voir de l’antisémitisme partout parce que ça les fait passer pour de gentils chevaliers blancs. Tiens, comme certains, toujours prompts à sortir l’insulte de « masculiniste » ou de « droitard » pour se donner le beau rôle. Le purisme.
Est-ce que je réduis tout au texte et est-ce que j’ignore volontairement l’histoire de l’usage des images ?
Je ne vois pas beaucoup de monde, parmi ceux qui dénoncent cette campagne comme étant antisémite, donner des éléments de comparaison. Moi je l’ai fait. Et étrangement, si, le texte est primordial. La grande majorité des caricatures, qu’elles soient antisémites ou non, produisent un texte pour légender une image, toutes les illustrations de presse sont légendées, et tous les slogans, par principe, s’appuient sur du texte. De quoi parle le texte ? Des relais de l’extrême droite. Aucune référence même caché à la judéité. Il est donc question ici non pas de rappeler l’histoire iconographique, mais de juger d’une intention. Or, comme je l’ai déjà dit, on ne peut pas juger d’une intention. Au mieux, on peut juger d’un cadre, d’une habitude. Et ce serait alors donner du crédit à l’idée fausse que LFI est un parti antisémite. Une attaque qui serait compréhensible de la part de la droite (et de l’extrême droite historiquement antisémite), moins de la gauche.
Est-ce du dogwhistling ?
Eh bien, toujours pas. Quand Musk utilise des symboles nazis, ce sont des appels du pied, des clins d’œil à sa communauté qui n’ont bien souvent pas besoin de cacher leur antisémitisme. LFI aurait-elle un intérêt à évoquer dans une telle campagne des « soutiens antisémites » ? Non. Parce que l’affiche à un cadre, et que ce cadre, c’est l’extrême droite et les médias. Par ailleurs, l’antisémitisme est historiquement à droite (il n’est pas pour autant inexistant à gauche, mais il faudra plus que des soupçons ou des faux procès pour me convaincre qu’une telle affiche puisse être qualifiée d’antisémite).
Enfin, puisque l’affiche ne « doit pas être sortie de son contexte », rappelons qu’elle est issue d’une campagne usant de la même charte graphique.

On aurait toute légitimité à dire que cette campagne est excessive (je le crois). Mais alors, ce n’est pas la seule affiche illustrant Hanouna qui pose problème, mais tous les choix d’expression. On voit bien ici que ce n’est en rien la supposée judéité d’Hanouna qui est évoqué, mais le présentateur télé d’extrême droite dans un média d’extrême droite.
C’est la légende qui compte : « Manifestations contre l’extrême droite, ses idées… et ses relais ! » Hanouna (comme Praud) est là pour illustrer le dernier mot du slogan.
Dernière chose. Faut-il changer l’affiche comme l’a rapidement fait LFI ? Probablement, oui. Parce que même si l’affiche n’est pas antisémite (selon moi, et j’attends les arguments pour me convaincre du contraire), la polémique nuit à la campagne et fait parler de tout sauf de la manifestation. Or, le principe d’une affiche, c’est de réunir autour d’une idée commune. Si cette idée est parasitée par autre chose (une accusation de ce qu’elle dénonce), mieux vaut la change. Non pas parce que l’on valide le caractère antisémite de l’affiche, mais par souci d’efficacité…
Edit: pour tous ceux qui voudraient me faire des cours d’histoire iconographique.
Le régime nazi a repris les codes visuels de la propagande antisémite longue déjà de plusieurs décennies, et ces codes se sont accentués, mais ils n’ont jamais été spécifiques à l’antisémitisme. Le nazisme n’a rien inventé visuellement. C’est un pot-pourri des techniques de propagande déjà existante. Le salut nazi est un salut fasciste, la croix gammée est un svastika. Et donc les tropes antisémites sont des tropes classiques du mal incarné déjà développé dans les caricatures ou dans le cinéma (en particulier expressionniste). Les éléments factuels visuels qui sont le visage plongé dans l’ombre, la tête baissée, grimace inquiétante, les traits du visage rappelant les longs segments corvidés, les mains crochues n’étaient en rien spécifiques à l’antisémitisme avant le nazisme. L’histoire de l’iconographie ne commence pas et ne s’arrête pas à Gobbels. Les nazis ont repris des tropes classiques pour développer leur propagande antisémite ; rien n’est spécifique à l’iconographie antisémite nazie.








Aucun de ces personnages n’est juif. Ils reprennent tous des codes visuels que les nazis et leur propagande attribueront ensuite. Et c’est justement parce que ce sont des codes déjà éprouvés qu’ils les emploient contre les juifs. Ce ne sont que des exemples tirés du cinéma ; bien d’autres exemples de cette esthétique spécifique malfaisante et non spécifique à l’antisémitisme peuvent se retrouver dans la presse ou le théâtre.
« Mais Hanouna est juif. » Certes, mais dog whistle à part, ce qui fait la spécificité d’une caricature, d’une affiche, d’un slogan, c’est la présence de lettrage. Ils ont vocation à passer un message. Le message ici est littéralement écrit en toutes lettres et n’évoque en rien la judéité supposée ou non d’Hanouna. Un dog whistle ? Comme déjà précisé, cette affiche ne vise pas spécifiquement Hanouna.
Politique et médias
Si vous appréciez le contenu du site, pensez à me soutenir !
Réaliser un don ponctuel
Réaliser un don mensuel
Réaliser un don annuel
Choisir un montant :
Ou saisir un montant personnalisé :
Merci.
(Si vous préférez faire un don par carte/PayPal, le formulaire est sur la colonne de gauche.)
Votre contribution est appréciée.
Votre contribution est appréciée.
Faire un donFaire un don mensuelFaire un don annuelCinéma en pâté d’articles :