John M. Stahl

John M. Stahl

Classement :

8/10

  • Péché mortel (1945)
  • Images de la vie (1934)
  • Une nuit seulement (1933)

7/10

  • Memory Lane (1926) 

6/10

  • Veillée d’amour (1939)
  • Le Secret magnifique (1935)

5/10

4/10

  • Les Clés du royaume (1944)

3/10

Simples notes : 

Les Clés du royaume (1944)

Dans un vieux grimoire sur la dramaturgie, il est inscrit que chaque ligne du canevas du récit doit trouver une conclusion. Comme exemple de ligne inopportunément laissée ouverte, l’auteur prenait Les Clés du royaume et le chapitre était intitulé « Où est Anna ? ». En réalité, une brève séquence permet au récit de donner une conclusion au destin d’Anna, mais pendant plus d’une heure, le spectateur n’a aucune idée de ce qu’a pu devenir la petite Anna. Anna, c’est la petite Chinoise que le père Francis accepte de recueillir au début de son installation en Chine. Le film était tellement laborieux jusque-là qu’on se réjouissait du spectacle d’une gamine de trois ou quatre ans sur la toile. Et puis, plus rien. Pendant tout le film, lors de la première du film, on raconte que chaque spectateur se penchait vers son voisin avec la question : « Où est Anna ? ». Certains qui étaient sortis avant la fin du film donnaient l’impression aux passants qu’ils cherchaient Anna jusque dans la rue. Et quand les autres spectateurs sortirent à leur tour, ils expliquèrent qu’on retrouvait Anna pour le retour du père en Écosse. C’était une étrangère.

Bref, tout ça est faux bien entendu. Presque autant que la bonne foi de tous ces apôtres du colonialisme. Ce n’était pas assez d’avoir saccagé la Chine, de l’avoir ruinée, empoisonnée, il fallait en plus que des missionnaires viennent prêcher la bonne parole à tous ces culs terreux du bout du monde. Beaucoup d’acteurs et d’actrices asiatiques dans la distribution alors qu’au moment du tournage, me semble-t-il, les Américains d’origine japonaise étaient internés… Ce n’est pas pour autant qu’on échappe aux clichés (postures, mimiques, sournoiserie). Le pire reste encore toutes ces bondieuseries ridicules présentées comme de grandes valeurs universelles inculquées à un peuple arriéré… Il n’y a que les cons qui osent tout… (Une fois n’est pas coutume chez Stahl, les acteurs sont lamentables.)

Une nuit seulement (1933)

Adaptation de Lettre d’une inconnue précédent celle d’Ophüls. Quelques longueurs, deux ou trois décors intérieurs passables, un ou deux plans à la mauvaise distance, mais décidément, comme les deux précédents films du réalisateur que je viens de découvrir, une excellente direction d’acteurs. Et une fois n’est pas coutume, je trouve la distribution masculine largement supérieure à la féminine. John Boles, qui apparaîtra dans L’Obsession de madame Craig, est excellent et semble mieux s’accorder que ses partenaires féminines au style simple, presque susurré, du réalisateur. Margaret Sullavan, dans son premier rôle au cinéma, a beaucoup de tempérament et de présence, un charme assez singulier avec cette voix rauque qui soupire ou qui miaule, mais de mémoire, son style plus volubile, lumineux et mélancolique lui servira davantage dans des comédies que dans des drames (elle est paradoxalement beaucoup plus expressive quand elle se tait et que Stahl s’attarde sur elle). Elle parle un peu fort et en perd en justesse quand Boles respire la simplicité. La première séquence, dans laquelle il apparaît ruiné lors de la crise de 29, donne parfaitement le ton, et Stahl le lance en lui mettant dans les pattes un second rôle excellentissime. La simplicité dans la mélo, un genre qui a souvent manqué de réserve, c’est bien la clé. Les longueurs du film s’expliquent aussi par cette nécessité de laisser les acteurs donner le rythme de la scène et surtout se laisser submerger par l’émotion sans que ce soit illustré par des effets certes plus expressifs et plus rapides, mais aussi moins juste. La justesse ne s’acquiert pas autrement qu’à travers l’écoute, l’attention, le doute, l’absence même de réaction (le spectateur attend une émotion qui devrait logiquement venir, mais que l’acteur retient, dissimule avant d’en lâcher juste assez : le spectateur a déjà tout imaginé, inutile de surexprimer l’évidence). Il faut aussi signaler la dernière séquence quand le fils pleure dans les bras de celui qu’il ne sait pas encore être son père : n’importe quel acteur (ou mauvais directeur d’acteurs) serait tombé dans l’excès. Or, le môme en fait le minimum, et c’est bien la raison pour laquelle la séquence est touchante et juste. Excellent film.

Memory Lane (1926)

La vertu préservée de la mariée, la chambre à double lit, Gibbons qui se régale aux décors grâce aux fleurs qu’il peut placer un peu partout pendant le mariage, réalisation d’un classicisme irréprochable, mélange des genres… Le trio John M. Stahl/Louis B. Mayer/Cedric Gibbons arrive à respecter le code Hays avant la mise en application du code…

À mettre au crédit de la réussite du film, surtout, l’exceptionnelle direction d’acteurs qui arrive à donner de la profondeur tout en restant simple à une histoire sans grande envergure.

Images de la vie (1934)

Légèrement en deçà du remake de 1959. Bien que plus long, le film de Sirk ne semblait pas si redondant. Certaines séquences s’éternisent sans raison et Stahl n’est pas vraiment le prince des enchaînements permettant de marquer les différentes avancées dramatiques à l’intérieur d’une même séquence. D’où cette impression parfois de lenteur et d’essoufflement.

Paradoxalement, cette lenteur servira le dernier acte en évitant les mauvais effets tirant vers le mélodrame racoleur. La lenteur permet alors de ne pas trop en faire et de laisser l’émotion se faire sans trop d’artifices.

Quelques différences notables avec le remake dont l’aspect romantique apparaît dès le début du film quand ici, il sert à redonner un nouvel élan au récit une fois l’ascension sociale des personnages assurée.

Un autre paradoxe du film : traitant de féminisme et de racisme, on mesure parfois et avec un certain étonnement combien le féminisme des années 30 n’est pas celui des années 70 ou celui d’aujourd’hui. Même chose concernant le racisme. Il y a une forme d’esclavage volontaire de la part de Delilah, ainsi qu’une manière assumée de s’estimer inférieure, moins capable et plus bête alors que la richesse de sa « patronne » lui doit tout, qui interpelle aujourd’hui (même si c’était sans doute représentatif de nombreuses personnes noires à l’époque). Quant au féminisme, certes, les deux mères sont indépendantes et monoparentales, mais les valeurs qu’elles inculquent chacune à leur fille restent très conservatrices (et les filles sont loin d’être plus « libérales » que leur mère).

Un petit plus très années 30 de cette version par rapport au chef-d’œuvre de Sirk : la présence comique et pince-sans-rire du génial Ned Sparks. Le charme de Warren William ne faisant pas forcément son effet (l’acteur est bon, mais le personnage arrive donc tardivement et le réalisateur échoue à le mettre sur un pied… de Stahl), sa présence sert de parfait contrepoint à l’assemblage romantico-dramatique.