Journal d’une femme en blanc, Claude Autant-Lara (1965)

Note : 4 sur 5.

Journal d’une femme en blanc

Année : 1965

Réalisation : Claude Autant-Lara

Avec : Marie-José Nat

— TOP FILMS —

Quatre ans après son film en faveur des objecteurs de conscience, Tu ne tueras point, Claude Autant-Lara s’attaque à un autre sujet engagé et « clivant », voire impopulaire : l’avortement. Un avortement qui se pratique largement dans le pays, mais qui, pour être encore clandestin, a des conséquences sanitaires graves. En filigrane, c’est donc plus largement la condition de la femme (que ce soit celle de la femme médecin ou encore de la femme enceinte qu’elle soit mariée ou non, qu’elle l’ait choisi ou non) qu’aborde le film. Il le fait à travers le récit d’une interne en gynécologie racontant parallèlement sa propre découverte de sa grossesse, les implications sociales que cela entraîne, et la mort tragique d’une de ses patientes décédée à la suite des complications survenues après un avortement (et après un défaut d’information).

J’ai loué par le passé les qualités de direction d’acteurs d’Autant-Lara, ici, il faut se coltiner un acteur franchement pénible et mauvais aux côtés de l’excellente Marie-José Nat (le réalisateur doit avoir sa part de responsabilité : il ne semble pas avoir accordé la même attention au travail de préparation qu’implique l’interprétation d’un personnage aux pratiques médicales spécifiques avec l’actrice qui devra par exemple reproduire un accouchement difficile et un acteur qui se contente de foutre ses mains sur les hanches et de faire le beau). Une fois passé l’agacement (qui se mêle d’ailleurs assez vite à son personnage de Don Juan salopard), on est pris par le sujet du film. Et c’est du brutal. Du très brutal.

Le film, inspiré du roman d’un écrivain lui-même médecin, a une visée parfois presque plus clinique que morale, politique, sociale ou philosophique. Avant de se prononcer sur la condition de la femme, sur le droit à l’avortement, sur la contraception, autant montrer ce que cela signifie pour une femme en 1960, soit de n’être considérée que comme une pondeuse pour la société et un mari, soit de se faire avorter clandestinement (avec les conséquences sociales, sanitaires, voire pénales, que cela implique). Quand on parle de quelque chose, il faut montrer de quoi on parle. Frontalement. Et l’idée de dévoiler la réalité des femmes à travers deux destins (l’une sur la voie de l’émancipation, l’autre sur celui d’un chemin de croix) est tout indiquée pour illustrer la question de la condition de la femme au milieu du siècle dernier.

On réfléchit aujourd’hui à l’idée de mettre l’avortement dans la constitution, en dehors du fait que c’est surtout une énième manœuvre de Macron pour détourner l’attention quand il flirte en réalité avec l’extrême droite, je doute que cela ait un grand intérêt politique. Ce qui en aurait un, en revanche, ce serait de diffuser ce film tous les ans sur le service public, histoire de nous rappeler ce qu’étaient les conditions sanitaires et la place des femmes dans la société dans les années 60. Parce que si, aujourd’hui, il y a encore des antivax (avant même la pandémie) qui pensent que c’est inutile de se vacciner avant d’attraper un truc et d’aller le refiler, au hasard, dans des pays ne disposant pas d’une couverture vaccinale suffisante, s’il y a encore des gens pour penser qu’un passage à l’hôpital est anodin, s’il y en a encore qui pensent que, bof, avant la contraception, on devait bien s’arranger d’une manière ou d’une autre…, eh bien, oui, le film montre à tous ceux-là de manière très clinique la brutalité que c’était en 1960 de ne pas recevoir de conseils contraceptifs, de pratiquer un avortement clandestin, de devoir faire face aux risques hémorragiques ou infectieux, même pris en charge par la médecine de l’époque. Le tout, avec la peur de se faire dénoncer, ou le risque de voir un flic débarquer sur votre lit de mort pour interroger les médecins sur les raisons des complications qui vous ont tiré vers la tombe.

Quelle chance a-t-on : juste avant de foutre le feu à la planète entière, on aura résolu pas mal de problèmes de santé, on aura fait de gros progrès en matière de droits humains, et on aura baisé sans compter dans la joie et la bonne humeur avec l’étrange sentiment qu’hommes et femmes peuvent être égaux.

Parce qu’en 1960, c’était loin d’être gagné. Si les femmes pouvaient plus mourir à la suite d’un avortement qu’à la suite d’un accident de voiture, nous dit-on dans le film, sur le plan plus sociétal, la condition de la femme est à des kilomètres de ce qu’on pouvait nous montrer par ailleurs au cinéma. Même chez les voisins de la Nouvelle Vague pourtant bien égratignés ici (Godard semble avoir apprécié le film, moins rancunier qu’Autant-Lara en tout cas) chez qui l’image de la femme émancipée n’est que rarement en prise avec la réalité. C’est l’autre aspect « clinique » du film. Le personnage d’interne en gynécologie qu’interprète Marie-José Nat aurait voulu être un homme parce que « c’est tellement plus compliqué d’être une femme » (accessoirement, on la suppose aussi un peu homosexuelle : son histoire avec sa patiente, ce n’est pas seulement l’histoire d’un raté, mais aussi une histoire d’amour qui commence dans un ascenseur et deux mains qui se trouvent). L’interne n’est pas la seule femme dans les parages, mais on se demande si les autres femmes qu’elle croise dans son internat ne sont pas uniquement celles que ses collègues masculins traînent dans leur lit. Les autres femmes, au travail, comme les sages-femmes, ne semblent pas particulièrement apprécier sa présence (l’autorité, l’expérience d’un homme, tu comprends). Ce n’est pas le cas des patientes qui voient sans doute d’un meilleur œil de se faire ausculter par une femme. C’est que les hommes, pères, médecins, internes ou policiers, sont tous uniformément odieux. La réputation des internats et des hôpitaux ne semble pas avoir beaucoup changé aujourd’hui, mais au moins, on en voit ici une triste illustration. L’occasion manquée qui provoquera le décès de la jeune mariée après les complications d’un avortement clandestin, c’est bien le résultat d’un commentaire assassin, machiste du Don Juan interne qui considère qu’ils ne sont pas là pour informer les patientes sur des moyens contraceptifs. Et puis quoi encore ! (On serait au tout début du planning familial et si on rêve d’une « nouvelle vague en médecine », on n’y est pas encore « parce qu’ici, on respecte les anciens, pas comme dans le cinéma. ») Claude (le personnage interprété par Marie-José Nat) se reproche de ne pas avoir conseillé de trouver un diaphragme en pharmacie à la future mariée qui s’inquiétait de ne pas savoir comment éviter de tomber enceinte. Ce sont donc les commentaires stupides d’un sale type qui causera la mort de cette femme de 18 ans.

Et évidemment, parce que c’est toujours comme ça, qui Claude invitera-t-elle dans son lit ? Le sale type. Remarque, pas beaucoup le choix. Il n’y a que des sales types. Jour et nuit, on sauve des vies. Et entre les deux, on se fout de la gueule des patients qu’on a reçus ; et on se tape l’infirmière ou la petite interne. L’élite.

Du brutal, je vous dis.

Le film a donc une valeur documentaire historique indéniable en plus d’être un mélo assez bien réussi (à moins que ce soit un film d’horreur : je ne conseille à personne de voir comment on essaie de récupérer un patient atteint du tétanos, ce n’est pas beau à voir). Il montre la réalité brutale des conditions sanitaires avant la pilule et bien avant le droit à l’avortement. On se demande même comment Claude a pu mener ses études : même majeure, elle est forcément encore liée à ses parents (son père, du moins) ; or, il n’est jamais question de ses liens familiaux. On ne peut pas tout montrer dans un film, mais justement, voit-on cette réalité-là, mettons, dans les films de la Nouvelle Vague ? Il y a deux manières d’être émancipée : l’être sexuellement dans un film de Godard ou de Truffaut où, comme dans n’importe quel film de « la qualité française », on baise comme dans « les films », sans rien montrer, sans parler du comment ni des conséquences, simplement en montrant une scène heureuse au petit matin ; et l’être (émancipée) juridiquement, dans le monde vrai. Le film est sorti en 1965 (le roman au début des années 60), c’est précisément l’année où les femmes gagnent leur émancipation. Dit autrement : elles ne sont plus considérées comme des mineures et rattachées soit à leur mari soit à leur père. Heureusement que les hommes peuvent encore foutre des mains sur les roploplos des collègues, comme ça, pour rire, quoi…

Autre réalité illustrée dans le film : la présence d’une infirmière noire et d’une concierge asiatique. Les sales boulots. Une réalité rare à l’époque, et l’occasion pour Claude (l’interne, pas le cinéaste), en visitant la chambre de ses jeunes mariés, de s’en rendre compte : il y a plus grand malheur que d’être une femme médecin dans un monde d’homme. Être une femme pauvre. Pas le temps d’être heureux dans une chambre de bonne. La promiscuité vous fait vite des petits.

Un film vaut donc mille discours. Ou une promesse d’inscrire le droit à l’avortement dans la constitution… Par ce que : et après ? Tu l’inscris. Quelqu’un pourra toujours le supprimer à son tour. Mais t’es content, petit roi, tu auras effectué un de ces « accomplissements » symboliques dont tu es friand. Encore les belles promesses d’un sale type. Éduquer, informer, rappeler que ce n’était pas « mieux avant », tu ne l’inscris pas dans la constitution, ce n’est pas un symbole, mais une réalité, et tu l’inscris dans la mémoire des citoyens. En principe, ça s’évapore moins facilement. C’est de mémoire dont on a besoin. Pas de symboles. Et ce film pourrait participer à cela. Le service public est bien trop occupé à faire des débats entre personnalités de droite et d’extrême droite ou à faire la publicité à des charlatans qui prétendent que les vacances font diminuer le QI, plutôt qu’à montrer des films utiles capables d’entretenir cette mémoire collective.

Cela doit bien faire un demi-siècle qu’on est en vacances.

Bonne rentrée à tous. Profitez de vos libertés et de vos droits acquis. Bientôt, c’est la fin du monde.


Journal d’une femme en blanc, Claude Autant-Lara 1965 | Gaumont, Arco Film

Le Rouge et le Noir, Claude Autant-Lara (1954)

Note : 4 sur 5.

Le Rouge et le Noir

Année : 1954

Réalisation : Claude Autant-Lara

Avec : Gérard Philipe, Danielle Darrieux, Antonella Lualdi, Jean Martinelli, Antoine Balpêtré, Jean Mercure

Travail admirable de direction d’acteurs. J’avais cru longtemps que Claude Autant-Lara n’avait qu’une formation de décorateur, c’était en tout cas la réputation qui l’accompagnait. Et je viens d’apprendre que sa mère avait été à la Comédie-Française avant de se faire remarquer pour ses opinions antimilitaristes et d’en être exclue (ce qui explique beaucoup de choses, comme le sujet de Tu ne tueras point). Ce n’est évidemment pas dans des écoles d’art que le bonhomme a appris à diriger ainsi ses acteurs. La Comédie-Française, c’est peut-être la vieille école, celle du théâtre, mais c’est la mienne (mon prisme), et tous (quand ils ne sont pas doublés) sont remarquables. Je n’avais par exemple jamais vu quelques-uns des acteurs officiants dans certains rôles secondaires, Autant-Lara les a probablement dénichés au théâtre, mais bon sang qu’ils sont bons… Quant aux deux rôles principaux (je mets à part Antonella Lualdi qui joue Mathilde et qui, bien que francophone, semble doublée), c’est peut-être ce qui se fait de mieux à l’époque, même si Darrieux et Philipe ne sont pas de la même génération (au moins, la différence d’âge des protagonistes semble respectée).

Caustique comme il faut. L’église, la bourgeoisie, les arrivistes, les amoureux romantiques (même les filles à papa séduites par le seul fait de s’enticher d’un pauvre), tout le monde en prend pour son grade, et on sent que le misanthrope Autant-Lara s’en donne à cœur joie.

Faute de moyens sans doute, l’ancien spécialiste de la décoration trouve un subterfuge assez convaincant pour se passer de grandioses reconstitutions : des murs unis en gris (vous excuserez mon sens des couleurs limité) un peu partout ; et des extérieurs limités qui semblent tout droit sortir d’un film de Tati. La mode est aux décors nus au théâtre (dont Gérard Philipe est un habitué du côté du TNP, mais ne jouer qu’avec des rideaux comme seul élément scénographique n’aurait pas plu à la vedette), ce sera bientôt celle de l’espace vide, on y est presque déjà un peu. C’est esthétiquement ignoble, presque conceptuel, mais ça reflète merveilleusement bien la nature du cœur de Sorel. Juste ce qu’il faut pour refréner toutes les envolées romantiques qui pourraient encore en tromper certains. On hésite entre un gigolo avant l’heure ou un arriviste qui sera pris à son propre jeu (il y a un côté Baby Face, 1933, là encore avant l’heure : l’ascension sociale par l’entremise des femmes). On pourrait y voir également une forme plus affirmée de personnage à la Emma Bovary : cette volonté de s’affranchir de sa condition pour s’élever parmi les grands de ce monde avant de se rendre compte qu’ils ne feront jamais illusion face à une classe qui interdit et remarque tout de suite ceux qui ne sont pas de leur rang… Je crois avoir rarement aussi bien vu reproduite, d’ailleurs, l’idée des pensées en voix off dans un film. Un procédé indispensable pour illustrer l’ambivalence des personnages principaux : les errements moraux de Julien entre son ambition (ou son hypocrisie, voire son opportuniste, alors qu’il ne montre d’abord aucune volonté de séduire Mathilde) et sa naïveté (ou sa jeunesse) romantique.

À une ou deux reprises, le film tourne aussi parfois à la comédie, et bien sûr les dialoguistes habituels du cinéaste s’amusent autant que d’habitude à distribuer les bons mots (je doute qu’ils soient de Stendhal).

Évidemment, le film fut démoli à sa sortie par les réactionnaires des Cahiers. On est pourtant loin de la prétendue « qualité française » puisque, comme dit plus haut, la reconstitution a été passablement sabordée. De « qualité », il faudra se contenter de celle qu’eux, futurs réalisateurs, seront un jour incapables de reproduire à l’écran (et pour cause, ils n’étaient ni décorateurs ni fils d’une actrice du Français) : celle qui consiste à placer et diriger des acteurs (oui, c’est un métier qui ne s’improvise pas).

Parce que pour ce qui est de la causticité du roman de Stendhal, on est servi : le classicisme, il aurait rendu tout ça fade et se serait rangé à n’en pas douter du côté des bourgeois (ou du romantisme). Il n’y a rien de romantique dans cette histoire : c’est une fable sociale et cruelle (pour ceux qui croient en l’amour et à l’idéal qui n’était déjà plus républicain). Honte aux historiens et aux futurs critiques de ne jamais avoir réhabilité ce film (comme une large partie des films de Claude Autant-Lara — il semblerait qu’il n’y ait qu’en matière d’agressions sexuelles que certains oublient de séparer l’homme de l’artiste — on peut être un connard et avoir réalisé d’excellents films).


Le Rouge et le Noir, Claude Autant-Lara 1954 | Documento Films, Franco-London Films


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Tu ne tueras point, Claude Autant-Lara (1961)

Note : 4 sur 5.

Tu ne tueras point

Année : 1961

Réalisation : Claude Autant-Lara

Avec : Laurent Terzieff, Suzanne Flon, Horst Frank

Les films démonstratifs ont souvent (et à raison) mauvaise presse. Personne n’aime qu’on leur force la main, qu’on leur prémâche un travail moral qui devrait être réservé au spectateur. Il arrive cependant que des sujets soient tellement en phase avec ce que l’on pense, avec les questions que l’on se pose, qu’on peut accepter qu’un film tire un peu trop la ficelle en notre direction (c’est peut-être aussi le cas avec les films que je ne supporte pas, sans doute pour leur côté réactionnaire et faussement concerné par victimes, comme Hope).

C’est donc bien le cas ici. On ne peut pas dire que la structure du film ou que la mise en scène envoie du lourd, mais peut-être aussi, finalement, faut-il se placer du côté d’une lecture brechtienne du spectacle pour apprécier la démonstration.

Claude Autant-Lara et son duo de scénaristes, Jean Aurenche et Pierre Bost, seraient des disciples de Brecht ?… Bon. Peut-être pas. Et pourtant. Manquerait plus qu’une voix off qui ferait office de chœur, sinon, la construction en séquence, c’est évidemment celle des tableaux de Brecht. Plus encore, l’aspect idéologique, politique, moral, voire philosophique, ce n’est pas du tout ce qu’on réclame d’un film, d’un drame, qui se doit d’être avant tout un spectacle. Car en dehors des quelques séquences mélodramatiques avec la mère de l’objecteur de conscience (pas bien passionnantes d’ailleurs), il s’agit bien d’une démonstration, la démonstration d’une société absurde qui punit les honnêtes personnes et qui relaxe les assassins (dont le seul crime aurait été d’obéir aux ordres). La démonstration va jusqu’à opposer deux extrêmes (le catholique mais pas trop qui refuse de porter une arme ; et le curé assassin n’ayant lui pas pu faire selon sa conscience). L’Église en prend pour son grade. Et l’armée, paradoxalement (en un seul mot), pas tant que ça : lors du délibéré, des officiers du tribunal militaire posent le doigt sur les aberrations de condamner un homme qui revendique son droit à croire encore à un monde sans guerre, surtout après le jugement rendu précédent.

Le film aurait été plus dramatique et moins didactique, le cas de conscience du jeune homme l’aurait fait rentrer en conflit avec ses proches, des histoires se seraient liées en prison, il aurait eu peut-être une amoureuse. Rien de tout cela. Le récit est sec, et ne s’applique donc qu’à faire la démonstration des absurdités de la guerre, à démontrer la nécessité morale de disposer d’un véritable droit pour les objecteurs de conscience (condamnés de fait — du moins tel que c’est présenté dans le film — à perpétuité) et à mettre tout ça en lumière avec un cas similaire à travers lequel on nous invite à jouer au jeu des sept erreurs.

Comme c’est souvent le cas avec les films qui dérangent de l’époque, on apprend après-coup que les autorités françaises avaient encore le pouvoir de censurer la création, au point de rendre sa production d’abord impossible, puis d’en limiter l’impact dans les festivals où il figurait (Rauger, à la présentation du film, affirme que le gouvernement aurait acheté des places en demandant aux gens de ne pas s’y rendre, et on suspecte — comme c’était d’usage quand les prix se décidaient ailleurs que dans les jurys — que le film n’ait remporté ainsi qu’un prix d’interprétation à Venise). Pire encore, le film aurait été descendu par la critique, mais les saloperies de ces petits truands des Cahiers ne sont plus à démontrer (surtout quand il était question de tirer sur Claude Autant-Lara et sur ses scénaristes). On se demande qui était « Le Petit Soldat » pour le coup : le vieux qui propose un film humaniste dont le film trop subversif pour les autorités est censuré ou les petits soldats qui en disent du mal ? (Curieuse symétrie des époques où on reconnaît aujourd’hui une même presse aux ordres capables de s’offusquer de tout sauf des crimes de leurs amis.)

Ce n’est certes pas un grand film, mais c’est un film utile qui aurait encore pu poser le débat à l’époque des Dossiers de l’écran par exemple. Fort heureusement, la question ne se pose plus telle qu’elle était posée à l’époque du film et longtemps après encore : j’ai été de la génération qui a connu les 4 jours (journée de découverte avant accession au service militaire), mais qui n’a pas eu à faire son service quand Chirac a décidé de le supprimer. Cette pression, cette obligation imposée aux jeunes hommes d’une époque est peut-être dure à concevoir aujourd’hui, mais pour le coup, le film pourrait avoir une résonance particulière dans des pays où la population doit faire face à des conscriptions obligatoires ou à la guerre (Russie, Ukraine, Israël, Corée du Sud pour ne nommer que les plus évidents aujourd’hui).

Curieux hasard, j’avais fini ma précédente critique avec une évocation pleine de respect à Laurent Terzieff. Je rappelais qu’il n’avait pas eu « la chance » de tourner avec des cinéastes de la nouvelle vague qui lui aurait permis d’être plus reconnu qu’il ne l’est aujourd’hui. Vu le traitement qu’ils faisaient des films de la (prétendue) qualité française (ceux des réalisateurs dont ils voulaient prendre la place en somme), on se doute bien que Terzieff n’avait pas tiré la bonne carte (le film aurait été descendu par Douchet — peut-être le pire de tous). Tant pis pour eux, leur sectarisme leur a privé d’un des meilleurs acteurs de sa génération. Il le démontre encore ici.


Tu ne tueras point, Claude Autant-Lara 1961 | Columbia, Loveen Films, Gold Film Anstalt


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Claude Autant-Lara

crédit Claude Autant-Lara

Classement : 

10/10

9/10

  • Douce (1943)

8/10

  • L’Affaire du courrier de Lyon (1937)
  • Lettres d’amour (1942)
  • Le Diable au corps (1947)
  • Tu ne tueras point (1961)
  • Le Rouge et le Noir (1954)
  • Journal d’une femme en blanc (1965)

7/10

6/10

  • La Traversée de Paris (1956)
  • L’Auberge rouge (1951)

5/10

  • Marguerite de la nuit (1955)

4/10

  • En cas de malheur (1958)

3/10

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