Les Plaisirs de l’enfer, Mark Robson (1957)

No dolls, no valley

Peyton Place
 Peyton PlaceAnnée : 1957

Réalisation :

Mark Robson

Avec :

Lana Turner
Lee Philips
Lloyd Nolan
Arthur Kennedy
Russ Tamblyn
Terry Moore

8/10 IMDb iCM

Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1957

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Brillant. On retrouve paradoxalement pas mal d’éléments de La Vallée des poupées (un paradoxe parce que La Vallée est une torture). La fine couche qui sépare parfois ce qui est subversif et ce qui est vulgaire…

C’est osé pour 1957 (viol, inceste, suicide, avortement illégal, éducation sexuelle, désir sexuel des célibataires, etc.), mais c’est toujours traité de manière très juste. C’est bien la notion d’auteur qui explose, parce que tout ça on ne le doit pas à Robson (les risques du classicisme), mais au sujet, à l’intrigue initiale adaptée d’un roman, à l’excellent casting (peut-être vu une des scènes les plus justes jouées par des « jeunes premiers » entre Russ Tamblyn et Diane Varsi), tout ce qui était déjà probablement bien vulgaire dans le roman initial de… La Vallée des poupées

De la flamboyance des années 50 à la vulgarité de la décennie suivante.


Les Plaisirs de l’enfer, Mark Robson 1957 Peyton Place | Twentieth Century-Fox, Jerry Wald Productions


Sabotage à Berlin, Raoul Walsh (1942)

Sabotage à Berlin

Desperate journey Année : 1942

Réalisation :

Raoul Walsh

7/10  IMDb

De l’action et encore de l’action. Ça n’arrête pas.

Un groupe d’aviateurs part d’Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale pour lancer une bombe sur une voie ferrée à l’est de l’Allemagne. Ils se font repérer et leur avion se crashe. S’ensuit alors une longue course-poursuite avec les Allemands. Au fil des aventures, ils perdent leurs amis et rencontre « une bonne allemande ». Seuls arrivent à s’échapper en héros Errol Flynn, Ronald Reagan (excellent acteur franchement, en tout cas, son personnage l’est), et Arthur Kennedy (acteur de western et le reporter bien plus tard dans Lawrence d’Arabie).

Vraiment divertissant.


Sabotage à Berlin, Raoul Walsh 1942 | Warner Bros.


La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941)

L’Odyssée fantastique

They Died with Their Boots On They Died with Their Boots On  Année : 1941

6/10

IMDb   iCM

Sur La Saveur des goûts amers :

Les Indispensables du cinéma 1941

Les 365 westerns à voir avant de tomber de sa selle

Réalisation :

Raoul Walsh

Avec :

Errol Flynn
Olivia de Havilland
Arthur Kennedy
Anthony Quinn


Journal d’un cinéphile prépubère : 16 mars 97

Une mise en scène admirable. Du rythme, de la densité dans les séquences. Une direction d’acteur intelligente créant (et laissant suggérer) une certaine profondeur chez les personnages. Une structure narrative excellente : on suit les personnages à travers les années. Le choix des scènes est astucieux, et en particulier dans les scènes intimistes, sans rapport avec la trame militaire qui sert de base contextuelle à l’histoire. Le propre du drame classique hollywoodien, universel : la grande et la petite histoire.

Fantasme de cinéphile.

Me vient alors à rêver de ce qu’un tel principe pourrait donner avec une trame tout aussi épique, mais à la sauce SF. Et à pousser le délire un peu plus loin, on peut même imaginer Richard III dans les sables de Tatooine. Custer, c’est Glocester apaisé par Walsh. Il est où Raoul que je lui propose cette histoire fantastique ?

Il répond pas Raoul. Je m’en vais donc y trouver une petite note négative à son film. C’est dense, d’accord, ça foisonne dans l’imagination, c’est brillant, ça scintille, ça miroite, ça plane, ça vole, ça glisse, ça ventile et ça brasse de l’air chaud, tout est fait pour notre confort, on se pose, on se délasse, on laisse son cerveau suinter dans sa bière, on a les yeux révulsés de plaisir, tic-tac, tac au tac, mais…, mais justement, le propre des films de studio, c’est que dans leur rapidité, c’est nous qu’on fond, pas la pellicule. Il y a du bon à prendre, parfois, son temps, ou plutôt à alterner le tempo de son métronome. Hollywood, ça file comme un train dans la nuit, tac tac, tac tac, tac tac. Par principe la réalisation de films classiques prend la pause entre les séquences, JR Ewing en rêve encore : plan d’ensemble, plan moyen, on repose son verre, et quand c’est les yeux qu’on repose sur l’écran, il est censé se passer quelque chose à nouveau, et c’est parti pour 45 secondes de brossage ou trois minutes s’il faut sauver la princesse. Le petit train-train bien huilé des studios.

La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941) | Warner Bros.

Sauf qu’il faudrait parfois prendre le risque de s’appesantir pour porter son attention sur un détail qui gagne en arrière-goût circonflexe. Tout est jouissance, mais est-ce que tu peux t’arrêter deux secondes, produire un effet de distanciation qui permettra de nous rallumer le cerveau, le temps seulement de nous dire « Oh ! », l’étincelle qui permet la réflexion, le regard sur l’autre, sur soi ? L’ambiance, Raoul ! Cette part de mystère qui là mènerait réellement ce style classique vers un « universel ». Un peu de distanciation ne nuit pas à l’identification, bien au contraire. C’est comme une respiration. Les « oh ! » introspectifs renforcent les « ah ! » d’extase. Je parierais même qu’en gardant le systématisme du découpage classique, sa rigueur des bonnes distances (Leone saura plus tard utiliser les gros plans paradoxalement pour distendre la distance et freiner le métronome), il serait possible de profiter de ces transitions chères à JR Ewing pour y apporter, imperceptiblement, quelques nuances de rythme, et donc, de distance, voire de son. Un petit côté opératique. Ce n’est pas le tout d’avoir Max Steiner sous la main, encore faudrait-il avoir l’audace de lui laisser un peu d’espace, et de lui offrir une matière visuelle « d’ambiance ». Sinon, c’est à prévoir que le public finisse par se lasser du western classique. Je te laisse encore quelques années de réflexions pour corriger le tir, Raoul.

Pour le spectateur, il lui apparaît que seule compte la trame. Le reste lui échappe comme l’intérieur d’une pièce montée. Il met donc l’anecdote, la fable, au centre de tout, le reste est décor. Mais si le parfait artisan sait concevoir son canevas selon les formes et les conventions, être pratique, tout en respectant le quota de rondeurs syndicales, le génie, lui, casse ces conventions, propose et prend des risques, surtout, il guette le mystère. La mise en scène n’a pas les outils de l’écrivain pour suggérer la psychologie, évoquer le passé, mais il peut ralentir, se poser, et baigner l’atmosphère dans un mystère imprévu qui, tout à coup, met en doute le regard, porte l’attention vers un espace vide que le spectateur se chargera de remplir.

Peut-on avoir un film épique, un film d’action, qui tout à coup prend la pause ? Découvrez ce mois-ci en avant-première La Charge fantastique, le nouvel opus de Michelangelo Antonioni ! Suivi très vite par la version de David Lynch ! Ces deux-là poussent certainement le mystère un peu loin, et on pourrait croire en effet qu’ils se refusent à toute idée dramatique. Pourquoi ne pas alors tenter une adaptation avec Charles Laughton ou avec Kieslowski ? Voilà un juste milieu, tiens. Sacrifier un peu de densité dramatique pour travailler ses ambiances et sa « pesanteur ». Cette jolie scène de la lettre ici, est, si j’osais, vite expédiée. Un peu de relief, d’attention, d’empathie même dans les moments graves, Raoul ! Tout est juste et précis, c’est vrai, c’est parfait, rien ne dépasse, du grand classique. Doit-on nous en contenter ? Ni tension ni attention, et par conséquent, aucune prétention sinon celle de l’élève à rendre la meilleure copie possible…

La force du classicisme, c’est aussi sa plus grande faiblesse.