Les pilleurs de tombes, ou de la possibilité d’une suite à Blade Runner

commentaire écrit entre 2014 et 2016

On ne parle même pas de suite. C’est le viol d’une marque. Celle de Ridley Scott. Donc autorisé.

Même plus besoin de piocher dans la littérature. Piocher dans ses vieux succès, c’est de la même manière piller des marques pour inciter le public à se ruer sur ce qu’il connaît. Le cinéma n’est pas fait d’histoires, comme la littérature n’est pas faite d’histoires. La fable n’est qu’un élément parmi d’autres dans un film. On peut raconter n’importe quelle histoire, ce qui compte, c’est la manière de la mettre en œuvre, le savoir-faire, l’alchimie qui échappe souvent même à la production concernant certains chefs-d’œuvre qui se font sur un malentendu. Adapter Philip K. Dick après Blade Runner, c’était tout autant de la facilité. Et au fond, tu pourrais adapter n’importe quel inventeur d’histoires amateur, il y aura toujours matière à être mis en scène. Et parfaitement. Parce que le manque de savoir-faire littéraire d’un écrivain, on peut tout à fait s’en passer, ne prendre de lui que ses idées, son imagination, et user cette fois de son propre savoir-faire pour en faire un film.

Tous ces types sont donc des pilleurs de tombes oui, des profiteurs, des corrompus et des arnaqueurs.

Et même si parfois de bons films apparaissent à la suite de ces films originaux… ça ne fait que dénaturer les œuvres dont ils s’inspirent. Comme Lucas avait délibérément dénaturé sa première trilogie.

Qui est le plus fautif ? Les arnaqueurs ou ceux qui se laissent arnaquer avec joie ? Regarder certains films, ce n’est pas être une recherche d’excellence, c’est participer à la médiocrité du monde, s’en faire le relais. Si Ridley Scott n’a pas à piller Blade Runner, c’est aussi à nous de nous en désintéresser. Perso, j’en ai rien à faire de Blade Runner 2. (On me réveillera juste si par hasard, c’est un bon film.)

Quand tu regardes, parmi les rares grands films de SF, c’est souvent plus des films de mise en scène que des films d’idées ou d’histoires. Tu pourrais même avoir la meilleure histoire possible, SF ou non, si tu n’as pas derrière un réal performant, ça ne passera jamais la rampe. Parce que la gageure permanente d’un film de SF, c’est de rendre crédible un univers. Alors qu’un grand metteur en scène avec une histoire un peu bidon pourra faire un grand film. La SF permet de poser un contexte, une sorte d’exotisme qui force la comparaison avec le monde contemporain, alors que les sujets SF sont souvent très lourds en SF, parce que trop évidents, trop prétentieux. Tu allies SF à poésie, et là, tu les as les grands films. Si c’est pour dire quelque chose, être plus dans l’anticipation, la dystopie un peu lourde, tu tombes réellement dans le film de genre grotesque.

Solaris, tu as deux films, avec la même « histoire », l’un est un chef-d’œuvre, l’autre n’a aucun intérêt. Et l’original est déjà assez éloigné du roman dont il s’inspire. En théorie, tu pourrais donc refaire à chaque fois des chefs-d’œuvre avec la même histoire ou en recyclant les mêmes idées, parce que seul compte le traitement qu’en fera le metteur en scène.

Les grands réalisateurs ayant touché au genre SF sont rares. Est-ce qu’il y aurait des metteurs en scène, des bons, comme il en existe dans les autres genres, n’ayant fait que ça ? Non. Pourtant les auteurs SF, souvent, n’écrivent que ça. C’est encore un genre étonnement mineur dont les grands films tirent leurs qualités probablement plus en zieutant vers d’autres genres (le noir pour Blade Runner et Gattaca, l’horreur pour Alien, Tarko a fait du Tarko pour Solaris, Cameron a fait deux films, le premier est un film de poursuite, un thriller, l’autre un film d’action, etc.). C’est donc moins une question d’idées que de savoir-faire, je pense. Même si c’est vrai qu’ils pourraient prendre plus de risques, mais ça c’est le propre des productions, studios, et réalisateurs qui ont déjà eu du succès et qui suivent le filon, c’est compréhensible.

Le plus inquiétant, c’est que le genre n’ait jamais vu venir ces « auteurs » ou ces petits films (comme Terminator ou Alien) parce que ce serait davantage vers eux qu’il faudrait attendre un peu d’invention. Avec trois fois rien, tu peux en faire des films SF (parfois même avec aucun effet spécial, comme avec The Man From Earth — mais bon, même si j’adore le film, difficile de la cataloguer pleinement dans la SF et surtout d’en faire un grand film pouvant laisser penser à autre chose… surtout quand là pour le coup, le film tient uniquement à son scénario et à ses dialogues, le reste n’a aucun intérêt — l’histoire avait été écrite il y a plus de vingt ans, c’est dire).

En revanche, je ne crois pas que le « pillage » ou la facilité soient propres à notre époque. Les reprises, les feuilletons, les remakes, ça existe depuis le début du cinéma. Qui se soucie par exemple qu’il y ait eu une suite à 2001 ? Pourtant écrite par Clarke (preuve encore que ce sont les réalisateurs qui ont la main sur la qualité finale des films). Ces films, on finit par les oublier pour ne garder que les classiques. Raison de plus pour ne pas regarder ces films (à part dans le cas assez rare d’une suite de qualité, et auquel cas, le bouche-à-oreille ferait rapidement son effet). Les films par exemple où j’ai vu apparemment le plus de films c’est les années 90. Planté devant la TV, j’en ai vu des daubes… et j’ai très peu de films des années 90 dans mes tops. Donc autant de temps perdus à regarder des films sans intérêt…

Comme ce Blade Runner 2. Autant s’enfiler des classiques avec lesquels on a moins de chance de se tromper.