Bacurau, Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho (2017)

Note : 3 sur 5.

Bacurau

Année : 2017

Réalisation : Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho

Avec : Bárbara Colen, Thomas Aquino, Silvero Pereira

Western futuriste avec des accents dystopiques qui s’affirment petit à petit au fil du récit. Pas sûr d’avoir compris le sens de l’allégorie : une petite ville perdue au cœur du Brésil, habitée par une communauté débrouillarde et nourrie à l’acide, vendu à une bande de touristes américains par le maire corrompu de la ville afin d’y venir faire un carnage… Ambiance Westworld et zoo humain : les politiques brésiliens qui vendent le saint Brésil au mal américain.

C’est plutôt bien construit dans son introduction, on apprend tout ça au fil de l’eau, mais la morale qui en ressort reste assez suspecte. D’autant plus que si le message, c’est que le Brésil est colonisé par l’Amérique (ou son esprit, ses valeurs), le film en montre un bon exemple en étant lui-même une sorte de sous-produits obéissants à tous les codes des films de genre… américains. Ç’aurait sans doute été plus efficace, moins grossier, en ne donnant pas de nationalité spécifique aux « touristes »… Pourquoi les films stupides ont-ils toujours besoin de s’encombrer d’un message trop lourd pour eux ? Tu aimes les films de genre, fais un film de genre. Tu veux y glisser un message ? Fais-le le plus discrètement possible…

Vite vu, vite oublié.


Bacurau, Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho 2017 |CinemaScópio Produções, SBS Films, Globo Filmes


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Top des meilleurs films de science-fiction (non inclus)

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La Ballade de Buster Scruggs, les frères Coen (2018)

Note : 4 sur 5.

La Ballade de Buster Scruggs

Titre original : The Ballad of Buster Scruggs

Année : 2018

Réalisation : Les frères Coen

TOP FILMS

Format particulièrement bien adapté à la télévision, même s’il semble que les frères Coen avaient en tête d’en faire au départ une série pour Netflix. Le format à sketches, c’est comme lire un recueil de nouvelles ou se retrouver dans un duplex à quatre ou cinq dans un TGV : ce n’est jamais uniforme, alors on garde le meilleur.

De mon côté, deux nouvelles suffisent à mon bonheur. Dans un style opposé : le burlesque de la première qui donne son titre au film et qui propose en quelques minutes quelques-unes des meilleures idées pour réveiller le genre plongé dans une quasi-retraite depuis des décennies ; et celle sur le convoi de pionniers, sublime hommage, centré d’abord sur les relations entre un pisteur et une jeune fille venant de perdre son frère (rarement vue autant de tendresse dans un western et probablement un des meilleurs rendus psychologiques des relations homme-femme de l’époque) et qui s’achève sur une attaque d’Indiens avec, là encore, deux ou trois idées originales.

Les frères Coen sont avant tout de formidables raconteurs d’histoire : le dernier volet, par exemple, a beau être ennuyeux et statique, il est la preuve que ces deux-là ont une écriture à part.

Ma réserve principale concerne la réalisation : tout paraît toujours trop propre, trop neuf, trop faux. On renifle pas mal d’images conçues numériquement, avec des lumières par exemple qui n’ont rien de naturelles. La pellicule est morte, encore plus que le western sans doute, et il va falloir s’y habituer. Mais pour ce qui n’est qu’un film de télévision, il faut s’en satisfaire.



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Barbarosa, Fred Schepisi (1982)

Note : 4 sur 5.

Barbarosa

Titre français : La Vengeance mexicaine

Année : 1982

Réalisation : Fred Schepisi

Avec : Willie Nelson, Gary Busey

Si le western est mort dans les années 70 en même temps que le road movie prenait son essor, et le Nouvel Hollywood avec lui, les modèles du genre, du western s’entend, depuis maintenant quarante ans sont plutôt rares. Barbarosa fera donc ici office d’exception, d’autres films, en particulier chez le bon Clint ne m’ayant jamais bien convaincu.

Celui-ci m’a étrangement rappelé Sierra Torride de Don Siegel, et Willie Nelson m’a plutôt fait penser (on range le revolver à la ceinture)… à Pan-Pan dans Bambie (j’ai vu le film sobre). Nelson est de toute évidence, comme une curiosité, le meilleur atout du film. Son partenaire, Gary Busey est impressionnant (principalement dans la construction et de l’évolution de son personnage), mais peut-être trop paradoxalement, avec son mélange de jeu naturaliste et comique (la sobriété actorstudioesque étant plutôt préférable dans le registre du western, ce qui n’interdit pas par ailleurs un peu de lyrisme ou de grandiloquence théâtrale). Busey est ainsi brillant tout du long du film, mais sa composition paraît parfois étrange et plutôt inhabituelle dans ce type d’environnement. C’est pourtant le ton général du film, si la reconstitution de l’ouest mexicain paraît crédible, Gary Busey semble toujours en faire trop au milieu de tous ces aspects « authentiques ». À côté de lui, Willie Nelson est plus hiératique, plus sobre, et pourtant drôle par certains aspects ; signe que Busey aurait pu ne pas en faire autant. Juste une question d’alchimie (l’un n’étant pas le pendant de l’autre), car l’ensemble, ou le duo, et le film initiatique, sur la filiation, marche comme il faut.

La mise en scène, le montage, la photo, tout ça est pas mal du tout. J’émettrai une seule réserve concernant l’histoire qui manque d’un je-ne-sais-quoi indéfinissable (un sens de l’urgence peut-être, ou au contraire, de la contemplation, un entre-deux, là encore naturaliste qui apparaît parfois plus souvent comme une incapacité à prendre des choix tranchés dans sa composition). (J’ai certainement raté quelques subtilités de l’intrigue aussi, vu sans disposer de sous-titres.)


Barbarosa, Fred Schepisi 1982 | Incorporated Television Company


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Les 365 westerns à voir avant de tomber de sa selle

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The Proposition, John Hillcoat (2005)

Ze Western is Quite Dead

The Proposition

Note : 2.5 sur 5.

Année : 2005

Réalisation : John Hillcoat

Avec : Ray Winstone, Guy Pearce, Emily Watson, Richard Wilson, John Hurt

Un camarade chinois cite Peckinpah, Pollack et Altman en référence à ce film, et je comprends mieux pourquoi je ferais mieux de retourner à mes classiques. En voulant moderniser le western, le rendre réaliste, voire naturaliste, violent, ils n’ont fait que le démoder, parce que oui, un western, c’est toujours mieux quand c’est épique, quand on y montre des mythes. Parce que tout l’intérêt d’une balade dans le passé, c’est bien d’y voir les origines d’un monde. Pour cela, pas la peine d’y montrer les mouches voler ou de nous faire croire que seize heures par jour, c’est le crépuscule. Le western, encore plus que n’importe quel autre genre, n’aime pas les effets. On tombe facilement dans le ton sur ton. Seul le western spaghetti peut se permettre des excès, justement parce que ce n’est plus déjà un western, c’est une farce, un opéra-bouffe.

Si le western n’est plus à la page, c’est bien parce que le classicisme est démodé. La première scène donne le ton. Un assaut de la police dans une sombre bicoque éclairée par les rais de lumière perçant à travers les planches et les trous laissés par les balles. Non seulement la scène est inutile, elle est excessive, mais en plus de ça la mise en scène est dégueu avec sa caméra qui bouge façon Urgences ou Breaking the Waves. C’est vrai quoi ? qu’est-ce qu’il peut y avoir à faire de plus après Sam Peckinpah ? Eh bien la réponse est dans la question. Il ne s’agit pas de faire plus, mais moins. Encore, quand la tension d’une histoire permet de tels excès, pourquoi pas. Mais commencer ainsi, à la Star Wars ou comme un mauvais roman de gare pour faire spectaculaire, tout en s’en excusant ensuite en faisant semblant d’y renoncer en prenant le temps de s’attarder sur des scènes chiantes à mourir, ce n’est pas justifié.

Sur la longueur d’une série, je ne dis pas, on s’installe, on rentre dans un monde, on prend plaisir à découvrir lentement les personnages, leur histoire. Mais c’est bien le problème. C’est écrit et réalisé comme un épisode d’une série de HBO. C’est bien HBO, mais ce n’est pas du cinéma. Et là on a affaire à un film de deux heures, pas une histoire sur la longueur. Les techniques d’écriture sont identiques, les techniques de mise en scène et le jeu des acteurs aussi. On donne de l’importance à tout alors que tout est anodin. Les ambiances manquent d’unité : chaque personnage, jouant parfaitement des stéréotypes avec une implication totale des acteurs est dans son registre, dans ses excès, ce qui donne un ensemble bien trop contrasté. Le policier est dévoué, la femme est douce, le méchant est méchant, le frère est tourmenté, l’autre est mystique et le petit est idiot… Alors, au lieu de fixer son attention sur les enjeux d’une histoire, on s’attarde sur des scènes inutiles et statiques où ça bavarde, où ça regarde les couchers de soleil en philosophant sur la cruauté de la vie (ou en vociférant des poncifs avec les accents d’un acteur de la Shakespeare Compagny). Quand les personnages sont déjà des stéréotypes, c’est un peu vain de chercher à rattraper le tir en foutant des scènes bavardes et en ajoutant des enjeux personnels qui détournent le spectateur de la quête initiale.

The Proposition, John Hillcoat 2005 UK Film Council, Surefire Film Productions, Autonomous (1)_

The Proposition, John Hillcoat 2005 | UK Film Council, Surefire Film Productions, Autonomous

De cette trame initiale, il ne reste rien. Merci d’être venu. Tout est détail et grossièreté. Pour rendre intéressant ce qui est d’une banalité affligeante, il faut forcer. Il faut ajouter de la crasse à tous ces acteurs à peau de bébé, du noir pour ces dents trop parfaites, des mouches en veux-tu en voilà, mais c’est justement parce que c’est forcé qu’on ne peut pas y croire. C’est aussi propre à une époque où on n’a plus aucune pudeur et où on peut tout montrer, où les personnages disent tout et doivent être toujours dans l’émotion. Oui, les personnages et les acteurs des westerns classiques étaient impassibles. C’est pour ça qu’ils étaient efficaces. On pouvait s’identifier à eux en nous mettant à leur place, parce que c’était des livres avec des pages blanches et que l’impassibilité a ce pouvoir de suggestion qui permet au spectateur de remplir lui-même les blancs. Quand on dit tout, montre tout, et qu’on s’attache au moindre détail, on ne montre plus rien, on impose tout. Et il en est de même pour la violence. Il faut montrer qu’on sait que les armes, les criminels, la vie d’avant, bah merde, c’était violent ! Joyeux carnaval grand-guignolesque. On montre la violence, et on en montre tout de suite les conséquences, comme pour s’en excuser. En avant la musique, le sang, les excuses, les pleurs et les gémissements ! Non, ce qui est violent, c’est de montrer un homme se faire abattre et ne pas s’y attarder, c’est de ne pas montrer le sang et de se détourner de toutes ces complaintes. La froideur de la violence du western classique. Tu es abattu, tu tombes, fin de l’histoire. Le réalisme pue de la gueule. Il profère des poncifs. La violence, c’est violent. Le désert, c’est sale, crasseux, mais c’est aussi beau au soleil couchant. Ah, oui, merci d’être venu, ça enfonce les portes ouvertes aussi facilement qu’on défonce les portes d’un saloon.

Je comprends qu’on puisse s’attacher à ce genre de films, mais c’est loin de mon univers et de mes canons de beauté.



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True Grit, Joel et Ethan Coen (2010)

La chair de la terre

True Grit

Note : 4 sur 5.

Année : 2010

Réalisation : Joel et Ethan Coen

Avec : Jeff Bridges, Matt Damon, Hailee Steinfeld

Voilà un genre qu’il serait bon de revoir à la mode. Hollywood nous en pond un de temps en temps, Clint Eastwood a longtemps été le seul à en faire. Quoi qu’il en soit, celui-ci est une petite merveille. Adapté d’un roman à succès déjà porté à l’écran par Hathaway avec John Wayne (moins bon, à mon goût), le film garde pourtant le ton bien personnel des Coen. Il fallait y penser. Ils ont touché à peu près à tout sauf à la science-fiction et à la romance. Le western était assurément pour eux.

L’histoire n’a rien d’original. On en a vu des tas comme ça tout au long des décennies western. Je n’ai aucune idée si le livre original possède cet aspect décalé, ironique, rire en coin présent ici. En tout cas, les personnages s’y prêtent à merveille. Une gamine qui sait tout sur tout, bien déterminée à retrouver l’assassin de son père. Un shérif vieux et alcoolique (Jeff Bridges a souvent interprété avec classe des alcooliques, véritable problème de santé publique le Jeff…). Et un ranger texan gentil, rustique et un peu crétin (Matt Damon a toujours aimé jouer ce qu’il est dans la vie, un mec simple).

Ça aurait pu être une vraie catastrophe si la production avait mis l’accent sur l’humour (je n’avais pas accroché à O’ Brother par exemple). Là au contraire, il y a de l’humour, mais il est contenu dans une atmosphère poisseuse et réaliste qui nous replonge bien dans le Far West.

C’est probablement le meilleur western depuis longtemps (certains parlent d’Impitoyable). Les dialogues sont d’une grande justesse (on est chez les Coen quand même). La mise en scène précise comme un lanceur de couteau (l’art de l’ellipse dans certaines scènes…). Les acteurs irrésistibles : Jeff Bridges fait du Bridges, Matt Damon est assez surprenant et très convaincant dans son rôle de benêt.

Un plaisir de voir à nouveau des westerns tournés dans la boue et le froid, loin des pixels des superproductions.


True Grit, Joel et Ethan Coen 2010 | Paramount Pictures, Skydance Media, Scott Rudin Productions

 


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Les 365 westerns avoir avant de tomber de sa selle

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