Dans ses yeux, Juan José Campanella (2009)

Bull’s Eye

Dans ses yeux

El secreto de sus ojos

Note : 4 sur 5.

Titre original : El secreto de sus ojos

Année : 2009

Réalisation : Juan José Campanella

Avec : Ricardo Darín, Soledad Villamil, Pablo Rago

— TOP FILMS

Voilà un film pas commun. D’abord il est assez rare de voir des films argentins. Mais aussi dans la structure, il y a quelque chose qui fait qu’on met un peu de temps à rentrer dans le rythme, à comprendre le ton, ou plutôt les tons du film. Finalement on s’amuse, on s’émeut, jusqu’à cette fin parfaitement menée.

Cette fin, c’est toute l’idée qu’on peut se faire de la mise en scène (ou du récit filmé). Mettre en scène, c’est faire le choix des bonnes proportions, du bon ton, contrôler ses effets… Elle aurait pu être grotesque, et au contraire, elle est si bien menée qu’elle apparaît comme une évidence. Certains diront bien sûr, et ils n’auront rien compris, que c’est prévisible…

Oui, c’est le but que ce soit prévisible. Le récit aurait pu révéler très tôt ce dénouement dès que Benjamin arrive dans la maison de campagne de Morales. Mais ça aurait été un effet de surprise. Au contraire, le récit étire au maximum. On sait que si on est là, c’est qu’il va se passer quelque chose, et cette chose tarde à venir, on est presque chez Hitchcock… Pas compliqué donc de faire semblant d’avoir tout compris, parce qu’il nous y prépare à cette fin. Tout est bon à être un indice, donc on est à l’affût du moindre détail. Ainsi, quand Benjamin repart avec sa voiture, on a la sensation que ce n’est pas fini. On sent la révélation venir, et pour la plupart des spectateurs, on a déjà compris. Le plaisir n’en est que plus intense (et il ne servira à rien d’ajouter une musique grotesque quand la “révélation” arrivera, car ce ne sera pas une surprise, juste une confirmation).

Benjamin revoit les événements dans sa voiture, repère tout ce qui ne colle pas. C’est un peu comme si le récit montrait ses cartes pour demander au spectateur s’il les connaissait tous. Carte par carte. On a cette fois la certitude de ce dénouement, on finit par tout comprendre en même temps que lui, c’est comme un brouillard qui se dissipe, exactement comme l’effet de révélation d’Usual Suspects quand le policier remarque sur le mur tout ce qui avait éveillé l’imagination du véritable Keyser Sose. On voit avant de voir.

Le cinéma, ce n’est pas seulement des histoires. C’est surtout la manière de les raconter, et il y avait dix mille manières de procéder avec cette fin. C’est amené comme il fallait. Comme une chose qui devient évidente, plutôt qu’une surprise.

En dehors de cette fin remarquable, il faut aussi signaler tout au long du film le plaisir qu’on a à voir les personnages principaux se taquiner. Que ce soit Benjamin et son collègue alcoolique qui forment tous deux un duo comique hilarant et absurde (« Allô ? La banque du sperme, service des prêts, que puis-je faire pour vous ? — Pas moyen d’être tranquille dans cette baraque »… Et on est dans le bureau d’un juge). Ou que ce soit entre Benjamin et sa patronne, juge diplômée à “Harvard”, qui n’arrêtent pas de se dévorer des yeux, de flirter, de se taquiner tout au long du film… sans jamais rien ne s’avouer…

Oscar du meilleur film étranger bien mérité.

Dans ses yeux, Juan José Campanella 2009 El secreto de sus ojos | Tornasol Films, Haddock Films, 100 Bares

Rapt, Lucas Belvaux (2009)

Rapt

Rapt Année : 2009

Réalisation :

Lucas Belvaux

5/10  IMDb

C’est quoi le sujet du film ? Belvaux veut traiter un fait divers ? Décrire toutes les faces d’un rapt en le décrivant point par point ? Ce n’est pas très clair… Parce que si c’est le fait divers, ça n’a de sens que si on s’attache à l’après rapt et surtout si on maintient l’ambiguïté sur le personnage principal, à savoir si oui ou non il a commandité son propre enlèvement comme les médias ou la culture populaire finira par le penser. Aucun doute possible ici : on suit tout, on sait tout (en fait rien parce qu’il n’y a rien à savoir : ça ne va pas plus loin que l’enlèvement crapuleux, ça ne vole donc pas très haut, et on ne nous laisse même pas l’occasion de nous imaginer autre chose, le pire…). L’angle intéressant du film, il était là, l’après : le mec qui se retrouve tout seul après son enlèvement, croyant avoir l’appui de sa famille, ou du moins retrouver normalement son job et ne pas être lynché dans les médias. Ça aurait été intéressant : un sujet à la Fritz Lang, sur l’injustice de se faire juger après un tel drame ; une sorte de double peine. On a ça que pendant vingt minutes à la fin…

Il faut bien dire aussi que les acteurs, en dehors d’Yvan Attal et d’Anne Consigny, sont très mauvais. Comment ne pas l’être avec des répliques aussi creuses ou des personnages aussi mal définis et stéréotypés…


La nuit nous appartient, James Gray (2007)

La nuit nous appartient

We Own the Night Année : 2007

Réalisation :

James Gray

8/10  IMDb

Listes sur IMDb :

MyMovies: A-C+

Avec :

Joaquin Phoenix, Mark Wahlberg, Robert Duvall, Eva Mendes

On reste dans les mêmes ambiances que ces deux précédents films. C’est lent, obscur et sacrément bien filmé.

On retrouve les deux acteurs de The Yards (Wahlberg et Phoenix) et il continue de choper un acteur de Coppola (après James Caan, voici Robert Duvall).

C’est vrai que c’est assez ressemblant au Parrain… Là, le film est très bien, mais il passe sept ans pour écrire un scénario et il y a je ne sais combien d’approximations dans celui-ci. Pas sérieux ça James. Fais-toi aider, mince ! Ton truc, c’est la mise en scène.

Wahlberg, il a tout de même une chance incroyable. Ce n’est pas le meilleur acteur dont on puisse rêver et au bout du compte, le voilà qui aura tourné avec deux des cinéastes les plus exigeants actuellement : Gray donc mais aussi Paul Thomas Anderson. Pour un petit nouveau gars du quartier, c’est plutôt pas mal…


La nuit nous appartient, James Gray 2007 | Columbia Pictures, 2929 Productions, Industry Entertainment


Hunted, Susan Montford (2008)

Kim jong him

Hunted

Note : 2 sur 5.

Titre original : While She Was Out

Année : 2008

Réalisation : Susan Montford

Avec : Kim Basinger

Kim Basinger en desperate housewife qui en a marre de devoir faire la popote à son mari, qui en a marre de jouer les parfaites ménagères… et qui n’aime rien d’autre que ces gamins — tout le reste, elle n’en a rien à foutre, c’est une louve…

OK, message passé, en avant le film féministe qui prend un (très) vulgaire thriller pour faire passer son message de l’anti american woman way of life. Kim n’aime pas son connard de mari ; Kim n’aime pas aller faire les courses le soir de Noël ; Kim emmerde les petits cons qui garent leur bagnole à cheval sur deux places au parking du centre commercial ; et Kim est une sacrée rebelle féministe qui leur fait bien savoir.

Ça lui attire des emmerdes, parce que les petits cons en question la poursuivent en voiture puis dans les bois. (D’où le titre français du film : Hunted… — C’est nouveau ça, on change le titre en anglais pour le changer par un autre en anglais… certainement que notre niveau en anglais ne permet pas de comprendre une phrase-titre, ou peut-être comme on le sait déjà que les distributeurs en France sont juste à la fois très cons et parfaitement irrespectueux de l’œuvre originale… Là, le titre original au moins est conforme à l’univers du film, alors que le français le fait passer pour un vulgaire thriller de plus… sauf que non, c’est un thriller féministe, mon frère ! faut pas dénaturer ça).

Hunted, Susan Montford 2008 While She Was Out Insight | Film Studios, Angry Films, Victoria Filmproduktion

Seulement la Kim, elle a des couilles et elle se bat telle Predatorette dans l’obscurité de la nuit. Quand elle se barre dans les bois, la femme du XXIᵉ siècle, au lieu de prendre son sac à main pour se repoudrer le nez, elle prend sa boîte à outils… C’est qu’elle est mécanicienne la femme du XXIᵉ siècle. Et voilà Kim qui se débarrasse de ses petits cons sans cervelle (mais où est leur maman ?!) un à un, à l’aide de sa précieuse trousse à outils. Gros symbole (« Oh ! My gode ! »).

Kimy retourne chez elle (« on peut savoir d’où tu sors ?! »), ne s’essuie pas les pieds sur le paillasson, va border ses précieux louveteaux, pis va buter son con de mari affalé dans son canapé (peut pas faire le ménage le con ?!).

Les hommes, c’est tout juste bon à nous engrosser nous les femmes, il faudrait les buter aussitôt après. Marre d’être une femme de ménage, marre d’être la potiche du Président, marre de faire les courses pour Monsieur.

Le message est clair, et il est très intelligent… Après Katy Bigelow, voici Susan Montford… et elles revendiquent l’idée d’être aussi connes que les mecs. Merci, ça fait avancer le monde.



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Dans la vallée d’Elah, Paul Haggis (2007)

Crise améroïdaire

Dans la vallée d’Elah

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : In the Valley of Elah

Année : 2007

Réalisation : Paul Haggis

Avec : Tommy Lee Jones, Charlize Theron, Jonathan Tucker, Susan Sarandon, James Franco, Josh Brolin, Jason Patric

Un militaire est porté disparu dans une caserne américaine. Son père, lui-même ancien militaire, est prévenu et part à sa recherche. Le corps de son fils, ou ce qu’il en reste (il a été découpé en morceaux, puis brûlé dans une vaine tentative de dissimulation du corps), est retrouvé près d’une route sur un terrain appartenant à l’armée. L’enquête est disputée par la police locale (une femme flic au grand cœur, interprétée par Charlize Theron) et par la police militaire américaine. Le père (Tommy Lee Jone) poursuit sa propre enquête.

Le film suit alors le schéma d’un film policier banal : les doutes des enquêteurs, les fausses pistes, les revirements intempestifs… Mais ce n’est pas tant le cadre d’une simple enquête à résoudre qui importe. Le film dépasse sa nature première et nous dévoile un malaise profond. Le malaise de l’Amérique tout entière, comme l’illustre symboliquement la dernière image du film avec un drapeau américain hissé à l’envers pour signifier la détresse d’une nation en péril. Et plus particulièrement, le malaise de l’armée US, l’armée censée apporter la liberté et la démocratie dans le monde, en Irak, et qui se révèle être une immense usine à fabriquer des psychopathes, comme l’avait déjà démontrée par le passé la Guerre du Vietnam.

Dans la vallée d’Elah, Paul Haggis (2007) In the Valley of Elah | Warner Independent Pictures (WIP), NALA Films, Summit Entertainment

Une œuvre antimilitariste sans doute, qui échappe surtout au manichéisme et aux certitudes toutes faites. L’armée américaine n’est pas présentée comme un démon ; la politique de Bush n’est pas plus évoquée ; même si on prend connaissance des exactions pratiquées par les soldats américains en Irak, ce n’est pas le sujet, l’accent n’est pas porté là-dessus et le film évite l’écueil d’une indignation facile et stérile. Tout est mis en œuvre pour traduire la réalité des exactions en temps de guerre : elles sont inévitables. Une guerre n’est pas propre. Mais cruelle. L’occupation d’un territoire ennemi n’est évoquée que pour rappeler sa futilité et les dégâts qu’elle engendre malgré elle. Malgré l’histoire qui se répète, les occupants voient toujours comme légitime cette présence. Au lieu de résoudre les problèmes, elle ne fait qu’en produire d’autres, plus imprévisibles et plus sournois. Les militaires qui sont pris dans un conflit qui dure et dont ils ne comprennent pas le sens, perdent pied. Il n’y a alors plus que deux issues pour eux : la dépression ou la folie. Et dans tous les cas, le constat est le même, terrible et implacable : la guerre participe à la destruction de ceux qui la font. Il n’y a pas de gagnant ; la guerre profite à ceux qui ne la font pas.

Le film pourrait être résumé en deux scènes. La première, quand l’un des trois meurtriers du fils du personnage de Tommy Lee Jones révèle toute son histoire durant un interrogatoire. On apprend pourquoi son fils était surnommé Doc (il s’amusait à planter ses doigts dans les plaies des Irakiens qu’ils ramassaient) et le militaire n’éprouve aucun ressentiment par rapport à son acte. Il reste pourtant lucide : ça aurait pu être lui un autre soir. Pour eux, cette violence est simplement devenue leur lot quotidien, une routine née en Irak pour tuer les principaux ennemis du soldat : l’ennui et la peur. La seconde scène, quand Tommy Lee Jones revient à la fin du film, dans la chambre de son fils, à la caserne. Il y croise un rookie venant s’installer. Ce soldat, qui n’a encore rien vu, rien vécu, n’échappera pas au futur que les démons de la guerre ont préparé pour lui… Comme le fils de Tommy Lee Jones, comme les amis de son régiment, comme l’armée US dans sa totalité, comme les idéaux et les illusions de l’Amérique… Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort nous nous vîmes vains mille en amenant la mort…

Le film ne dénonce pas, il constate. Et il n’en est que plus efficace. Efficace, la mise en scène l’est également. Elle colle à son sujet, adopte un ton approprié, digne, se refusant les effets de style… Le ton, c’est celui, grave et morne, adopté en respect du deuil des victimes de cette guerre qui s’est officiellement achevée en 2003 : ennemis et victimes des soldats, soldats eux-mêmes. Et leur famille.

J’avais tort d’être méfiant après avoir vu Collision, qui se perdait trop vers la fin dans le pathos. Là, même si l’émotion est encore au centre de tout (à cause du personnage de Theron surtout), la mise en scène parvient à la garder contenue et à épurer ses effets.

Le cinéma américain prouve une nouvelle fois qu’il est prompt et efficace à mettre en scène ses propres démons. La qualité de la culture américaine tient aussi et surtout dans cette capacité à être honnête avec elle-même. Elle ne se cache pas, au contraire, en n’hésitant pas à démystifier la part d’ombre de son rêve (américain). On n’a peur que de ce qu’on ne connaît pas (à l’instar de ces soldats US qui sont envoyés à l’aventure dans un pays qu’ils ignorent, ne comprennent pas, et qu’ils ne peuvent appréhender que par la peur). Et si la culture us est si omniprésente, c’est qu’en dévoilant les contours de sa réalité, côtés obscurs compris, on la cerne dans son ensemble. Et la connaissant mieux, on peut s’autoriser à l’aimer. On n’apprécie que ce qu’on connaît. Difficile pour une culture qui ne sait pas faire son autocritique de se faire apprécier. Ce sentiment d’amour-répulsion que cette culture inspire dans le monde, c’est de l’amour. ─ La France elle, attend toujours un film efficace sur la Guerre d’Algérie, sur le scandale du sang contaminé, sur le scandale des banlieues, sur ses syndicats pourris, sur les magouilles financières, sur l’impuissance chronique et la puérilité de ses dirigeants, sur le fonctionnement et le mode de promotion dans les entreprises. Pour elle donc, ni amour, ni répulsion ; mais de l’indifférence.


 


Listes sur IMDb :

MyMovies: A-C+

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Funny Games U.S., Michael Haneke (2007)

Tape le replay

Funny Games U.S.

Note : 3 sur 5.

Titre original : Funny Games US

Année : 2007

Réalisation : Michael Haneke

Avec : Naomi Watts, Tim Roth, Michael Pitt

La version autrichienne est un petit chef-d’œuvre de cruauté. Là, c’est pareil, puisque c’est le même film. Le Haneke il ne faut pas le faire chier. Hollywood, il n’en a rien à cirer. « Vous voulez un remake ? OK, bah, je vais le refaire à l’identique alors, avec d’autres acteurs. »

À la Psycho, version Gus van Sant, donc. Exercice de style. Sauf que là, c’est Haneke qui s’y colle. Et c’est le cas de le dire, parce qu’il colle plan par plan au film original. Quel intérêt ? Le même que celui au théâtre de voir une même pièce jouée par d’autres acteurs. Suffisant pour moi, même si l’intérêt en est certes assez limité. En dehors des bêtises « mise-en-abîmiques » (regard caméra ou retour rapide…), il doit y avoir un sens caché derrière tout ça. Pourtant, pas la peine d’une morale pour qu’on comprenne que la violence gratuite, ce n’est pas bien et que c’est la TV qui en est responsable — voire lui Haneke… Même problème et même idée que pour Benny’s Vidéo. Pas sûr que le Haneke soit jugé pour ce qu’il dénonce vraiment…

Funny Games U.S., Michael Haneke 2007 | Celluloid Dreams, Halcyon Pictures, Tartan Films

L’actrice principale, Naomi Watts, (que je ne peux pas — ou ne pouvais pas — blairer) est productrice exécutive. J’imagine donc que c’est une idée à elle de vouloir faire un remake… C’est très oscorisant d’avoir un rôle de victime, qu’on vous voit en train de pleurer pendant une heure à moitié à poil… Mais Haneke, soit ne s’est pas foulé pour la direction d’acteurs, soit les acteurs ne sont pas aussi bons que les acteurs autrichiens de l’original (en passant, ce n’est pas sympa de faire un remake sans penser à eux…, tout est pareil, sauf eux…, c’est quoi cette idée des Ricains de vouloir tout refaire eux-mêmes… Est-ce que les Vénitiens avaient comme intention de reproduire les soieries d’Orient ? un Racine qu’on remonte à envie d’accord, on ne peut pas faire autrement, mais l’intention est assez douteuse, même si au fond, je m’en moque un peu…).

J’ai rarement vu Tim Roth aussi mauvais (quoique, dans Hulk, il n’était déjà pas terrible — les metteurs en scène étrangers ne lui réussissent pas beaucoup). Et le fils est vraiment très mauvais… — je n’ai pas le souvenir que le jeune acteur autrichien était aussi insupportable.

Michael Pitt en revanche est excellent. On croirait que le rôle a été écrit pour lui… C’est vrai, il a toujours fait des rôles comme ça, des ados pervers, des détraqués.

Bref, ce n’est pas pareil, mais un peu tout de même…, donc l’histoire est là. Crue et cruelle. Un film indispensable, mais je préfère tout de même l’original.



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Trois Enterrements, Tommy Lee Jones (2005)

Droopy au Mexique

Trois Enterrements

The Three Burials of Melquiades Estrada

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : The Three Burials of Melquiades Estrada

Année : 2005

Réalisation : Tommy Lee Jones

Scénario : Guillermo Arriaga

Avec : Tommy Lee Jones, Barry Pepper, Dwight Yoakam

Le film a été primé à Cannes pour son scénario d’abord (écrit par le scénariste derrière les meilleurs films d’Alejandro G. Iñárritu, Guillermo Arriaga), puis pour son acteur principal (et réalisateur : Tommy Lee Jones). Le film méritait sans doute quelque chose, mais deux fois, le jury a ciblé à côté.

Car le film repose principalement sur une bonne mise en scène. C’est comme souvent la qualité principale d’un film d’acteur. Le scénario est bien sûr de qualité. Il repose sur une bonne idée, mais tout de même étrangement foutue. Ça commence par des récits qui s’entrecroisent à la manière de Pulp Fiction ou de Babel (c’est donc le même scénariste), c’est très sophistiqué, on s’accroche pour comprendre et pour remettre un sens dans tout ça. On a droit, au passage à une histoire un peu secondaire pour donner du charme à cet aspect du film, la touche féminine. Et puis, tout d’un coup, en plein milieu, le film devient un road movie, tendance western, une sorte de quête métaphorique et initiatique. C’est peut-être un effet voulu, mais si c’est le cas, c’est un peu mal amené, parce qu’abandonner certains aspects du récit, pour ne les reprendre que brièvement par la suite, et les conclure à la va-vite dans une gare routière à une demi-heure de la fin, c’est un peu ballot…

Trois Enterrements, Tommy Lee Jones 2005 | EuropaCorp, The Javelina Film Company

Ensuite, donner le prix de l’interprétation au réalisateur, oui, c’est plus vendeur, il fallait qu’il reparte avec quelque chose, notre ami Tommy Lee. Mais il a beau avoir le rôle principal, il ne fait rien d’autre que dans ses précédents films, à savoir tirer une tronche plissée par l’effort ou l’incompréhension, et rester impassible en attendant de se plisser à nouveau en mille. Non pas que ce soit simple, mais il n’y a rien de nouveau là-dedans. Il avait montré qu’il était un excellent acteur auparavant, alors pourquoi ne pas lui donner un prix pour son interprétation dans Men in Black ? Celui qui méritait bien quelque chose, qui a bien mouillé le maillot, qui en a pris plein la gueule, qui s’est mis en danger, c’est Barry Pepper. Mais c’est plus glamour de laisser un prix à une vedette. Honorez un demi-dieu et vous aurez toutes les chances d’être remercié en retour par la Fortune ; honorez un gueux et vous aurez toutes les chances qu’il vous crache à la figure. Seulement, quand on honore quelqu’un, on doit le faire sans riches remerciements en retour, il faut être juste. Et là, c’est bien injuste de le filer à Jones… Il n’a pas appris à parler espagnol pour le film que je sache, ni à tirer la tronche…


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Collision, Paul Haggis (2004)

Les Dix Engeances

Collision

Note : 3.5 sur 5.

Titre original : Crash

Année : 2004

Réalisation : Paul Haggis

Avec : Don Cheadle, Sandra Bullock, Karina Arroyave, Thandie Newton, Matt Dillon, Michael Peña, Ryan Phillippe

(Crash en anglais… Merci encore aux distributeurs, obligés de traduire un titre déjà existant pour éviter les confusions… Le film de Cronenberg est connu aux USA, l’auteur du film sait ce qu’il fait…).

Un peu déçu. Ça commence très bien. La volonté de proposer un film sur les apparences, ça semble être une intention louable et prometteuse. Sauf que bien vite, les pseudos méchants deviennent des bons gentils… Tout le monde, il est beau tout le monde il est gentil, on ne froisse personne, on donne à ces destins croisés un semblant de point commun, comme s’il y avait un sens caché derrière tout cela, une même morale. C’est surtout d’une grande maladresse, parce que si morale il y a, ce n’est pas celle présentée au début du film, c’est-à-dire « attention aux apparences » ; ce seraient plutôt, « les méchants, ils sont méchants, mais ce n’est pas leurs fautes, et au final, il leur arrive parfois aussi d’être bons ; d’ailleurs aux gentils aussi, ça leur arrive de faire des conneries… » Une morale de pleurnichard, une réserve qui contente tout le monde. En voulant dénoncer les idées reçues, les clichés, le film ne fait que les accentuer et en créer de nouveaux. Vouloir ne froisser personne, tendre la main aux Noirs pour leur dire avec la voix du bon Blanc : « ce n’est pas de votre faute, si vous êtes des criminels, d’ailleurs je sais bien qu’il y a beaucoup de Noirs gentils et des Blancs méchants », c’est au choix hypocrite ou d’une grande maladresse.

L’auteur du film voulait peut-être donner à réfléchir. Pour ça, il a réussi, mais le problème c’est qu’il ne donne pas à réfléchir sur la société, les ségrégations, le comportement de chacun, la discrimination positive… il donne surtout à réfléchir sur les imperfections de son film, et là, ça devient ballot.

Dommage, le début était ambitieux. Les situations étaient intéressantes, les conflits promettaient de belles choses, et finalement tout ça se dégonfle et ça devient creux. Une histoire, elle, doit trouver un dénouement, un climax, à la fin, dans un dernier acte de confrontation ; si tout est dit au bout de vingt minutes, si le reste ne sert plus qu’à faire des images au ralenti avec une musique pompeuse, ça n’a aucun sens.

Collision / Crash, Paul Haggis (2004) | Bob Yari Productions, DEJ Productions, Blackfriars Bridge Films

Reste une belle mise en scène, une galerie d’acteurs en vogue, et des situations qui, prisent séparément, pourraient être, elles, significatives… Par exemple quand une « Asiatique » accourt dans les couloirs d’un hôpital en criant en chinois. Une infirmière vient à elle en lui demandant si elle sait parler autre chose que le chinois, l’autre lui répond : « Mais je ne parle pas chinois ! c’est le nom de mon mari ! » Aïe, aïe, aïe !… Ou dans le même genre quand une autre se fait traiter de Mexicaine et qui rappelle à un Noir que tous les Hispaniques ne sont pas des Mexicains… Ou encore quand le bon Blanc, qui vient toujours à la rescousse de ces pauvres Noirs, ne croit pas un Noir qu’il vient de prendre gracieusement en stop (pour prouver sans doute qu’il n’a pas peur des Noirs) quand celui-ci lui dit aimer la culture des Blancs, et qu’il finit par lui tirer une balle parce qu’il croyait qu’il se foutait de sa gueule… Prises séparément, ces scènes valent le coup. C’est l’ensemble qui forme une sorte de puzzle inachevé, un peu forcé, et plutôt forcé vers le politiquement correct, comme si on était obligé de raboter les pièces pour qu’elles s’emboîtent… Ce qui aurait dû claquer comme une évidence devient finalement suspect. Et c’est là que ça devient embarrassant. Parce que les apparences demeurent.

C’est bien de vouloir faire des films intelligents ; c’est mieux d’en être capable. Certains Ricains (remarquez le « certains » pour éviter le cliché de généralité) ont une fâcheuse tendance à tomber, à se réfugier, à s’engouffrer, dans le pathos à deux balles ou dans les bonnes intentions cramées dès qu’une péripétie malheureuse se produit dans l’histoire… Des Matamore de la manivelle… On ne souligne pas le trait, on le dynamite.



Listes sur IMDb :

MyMovies: A-C+

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La Faille, Gregory Hoblit (2007)

La Faille

Fracture Année : 2007

Réalisation :

Gregory Hoblit

6/10  IMDb
Avec :Anthony Hopkins, Ryan Gosling, Rosamund Pike

Agréable si on n’est pas trop difficile.

Jusqu’au trois-quarts, ça va… On prédit un peu tout, mais ça m’a jamais dérangé ça (parfois, c’est même fait exprès, donc…). Mais à la fin, d’une part, on a vu tellement de films de ce genre qu’on s’attend à un retournement final, et là on est un peu déçu ; surtout la mise en scène passe à côté des effets pour mettre en valeur les moments clés. C’est un peu comme si le type récitait un poème étranger sans en comprendre le sens… La mise en scène est bien, impeccable, formellement excellente, mais elle ne sait pas se focaliser sur des points importants du récit. L’emploi de la musique notamment est lamentable. On attend, les “tindin”, un peu passage obligé dans ce genre de truc, et non ça reste mou, tout est traité de la même manière, aucun relief, du coup on reste en rade en attendant la scène qui nous fera décoller.

L’acteur qui joue le jeunot a une vraie gueule de con. Je ne sais plus où je l’ai vu, mais ça ne devait pas être un chef-d’œuvre (Ryan Gosling). Et Hopkins, avec le talent qu’il a, il pourrait faire autre chose de temps en temps…


La Faille, Gregory Hoblit (2007) | New Line Cinema, Castle Rock Entertainment, Weinstock Productions

À noter, Fiona Shaw, qui joue le rôle du juge (c’est noté, merci).


American Gangster, Ridley Scott (2007)

La Chute du gangster noir…

American Gangster

Note : 3 sur 5.

Année : 2007

Réalisation : Ridley Scott

Scott a fait son film de gangsters, il est content. Le film navigue toujours dans un même rythme : pas de points forts, pas de points faibles, tout est au même niveau avec des scènes sans grand intérêt. Ça manque de grandeur, d’épopée, c’est super sage et paresseux. Le scénario a un énorme défaut au départ, il ne présente pas bien le et les personnages, cette introduction est vraiment mal fichue, et tout au long du film on a droit à des clichés de scènes vus mille fois sans apporter réellement quelque chose de nouveau. Pas d’enjeux bien définis, on ne sait pas ce qu’on regarde, ça va dans tous les sens sans vraiment savoir où ça va, ça se cherche pendant tout le film. Il y a des moments intéressants, on ne voit pas non plus les deux heures trente du film parce que vers le milieu, le scénario est bien meilleur.

Encore une bonne fausse idée de départ : faire un film sur le premier chef mafieux noir : à première vue, ce n’est pas mal, c’est bien pour la pub et on est sûr de gagner déjà tout un public pas trop difficile (c’est sûr que ce film passe pour un chef-d’œuvre à côté des merdes que doit voir la racaille…), mais quand il n’y a rien derrière, quand on s’appuie juste sur des anecdotes « étonnantes » (comme ce truc où le flic qui a trouvé un million de dollars est allé le rapporter au commissariat au lieu de le garder pour lui…), bah, ça ne sert à rien de faire un film, ou sinon on trahit l’histoire et on essaye d’en faire un truc plus épique, moins sage. Tout aussi inutile que La Chute du faucon noir… Scott veut faire comme Kubrick en testant un peu tous les genres, mais ce serait sans doute mieux s’il cherchait à faire du Ridley Scott avant tout, c’est-à-dire s’il se concentrait sur la mise en scène. Là, ce serait peut-être mieux (quoique, le scénario est bien vide et mal fichu) si la mise en scène n’était pas aussi pépère… Allez au placard Ridley, Fincher t’a piqué tout ton talent.


American Gangster, Ridley Scott (2007) | Universal Pictures, Imagine Entertainment, Relativity Media


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Ridley Scott est-il un auteur ?