Une fois n’est pas coutume. Petit commentaire sur un documentaire YouTube :
Je suis souvent avare de compliments, mais là, chapeau. J’ai toujours préféré les épisodes décalés de X-Files parce qu’ils arrivaient à sortir d’un cadre bien codifié et attendu tout en parvenant à garder un « (x)fil » directeur propre. Ici, c’est un peu la même chose.
Le sujet est déjà inattendu, on comprend la part personnelle qu’il peut avoir pour son auteur ; auteur qui essaie de le recadrer pour revenir sur ce qu’il maîtrise. Puis, finalement, l’angle s’affine pour évoquer un angle mort de la question des déchets — tous les déchets.
Je ne sais pas si l’art est politique (il l’est probablement toujours — surtout pour celui qui le regarde). En tout cas, il arrive que certains documentaires le soient réellement. Et cela, sans pour autant tomber dans l’amateurisme militant ou le complotisme (à la Arte).
Tout simplement parce qu’ils soulèvent des questions qui concernent toute la société, voire notre mode de vie et notre civilisation, et parce qu’il me semble bien cadrer les enjeux qui devraient être les nôtres pour que notre confort d’aujourd’hui ne crée pas les conditions de l’inconfort que l’on impose aux générations futures…
L’accent a peut-être été plus mis sur les déchets (et leur oubli) que sur les accidents industriels et environnementaux inhérents à l’exploitation que l’on croit infinie des ressources, mais le doc n’en reste pas moins profondément, captivant, honnête et nécessaire.
Puis, réponse à ce commentaire : « Justement, l’enfouissement catastrophique de Stockamine concerne d’autres déchets que les déchets nucléaires, avec le risque en ce moment que la plus grande nappe phréatique d’Europe en soit contaminée. On triche, puis on dit qu’on ne peut plus rien y faire : fait accompli. »
Il n’y a pas de solution parfaite. Actuellement, l’enfouissement semble le procédé le moins hasardeux. Le documentaire pointe du doigt excellemment bien le fait que ces difficultés de stockage chimique sont autrement moins médiatisés et donc normés que ceux des déchets nucléaires.
C’est un angle mort de notre société et, accessoirement, cela pose surtout la question de la durabilité d’une civilisation basée sur la surexploitation minière de notre environnement. L’extraction de ressources pour satisfaire notre consommation irréfléchie produit irrémédiablement des déchets et provoque parfois des accidents industriels et environnementaux.
C’est une chose de condamner un site ou là, mais à force de prélever ces ressources et de tout mettre sous le tapis avec le risque d’accident (souvent plus que pour le nucléaire), c’est tout notre environnement qui finit par être affecté, et par ricochet notre santé.
Il arrivera sans doute un moment où l’on basculera vers une forme de saturation et où l’on ne pourra plus faire face. Surtout dans un monde appelé par ailleurs à répondre à la menace du réchauffement climatique.
On parle de 300 ans ou de 500 ans dans le documentaire, mais au rythme où l’on va, on n’aura peut-être même pas besoin de se poser la question de la mémoire parce que la société aura autrement plus de difficulté à faire face à des problèmes de toxicité des sols, d’inondations ou d’autres phénomènes climatiques extrêmes capables de mettre à bas une société malade.
Cela voudra dire qu’elles ont survécu à bien pire. Et si l’on ne s’applique pas aujourd’hui à remettre en question la soutenabilité de notre place sur Terre, il est même probable que jamais personne n’ait un jour à devoir déplorer que la mémoire se soit perdue.
Et si on oubliait nos déchets nucléaires ?, Linguisticae/Monté (2024)

