Spencer Tracy, Katharine Hepburn, Van Johnson, Adolphe Menjou, Angela Lansbury
Frank Capra peine un peu à faire oublier l’origine théâtrale de cette histoire. De nombreuses séquences traînent en longueur. Même s’il faut reconnaître l’habilité de Capra et de ses interprètes à remplir cet espace immobile…
Capra semble vouloir tenter de reproduire les recettes de ses succès précédents. Manque cependant un aspect important de ces films qui n’apparaît pas ici : l’homme de la rue face aux institutions.
Le personnage de Spencer Tracy est certes sympathique, honnête, mais la marche qui lui reste à faire pour grimper dans l’échelon, se mesurer aux politiques, découvrir leurs magouilles, n’est pas si grande. L’opposition est moins efficace. Sa femme, un peu trop vertueuse aussi.
Le retournement attendu final et commun à presque tous ces films de Capra est peut-être le seul véritable instant de bravoure du film. Il est précédé aussi de la seule scène hilarante, et arrosée, “opposant” le personnage de Katharine Hepburn (femme d’un candidat à l’investiture républicaine) et une femme démocrate habituée à noyer ses soirées de campagne pour le parti républicain de son mari dans l’alcool et la bonne humeur…
Pas essentiel.
L’Enjeu, Frank Capra 1948 State of the Union | MGM, Liberty Films
Avec : Spencer Tracy, Burt Lancaster, Richard Widmark, Marlene Dietrich, Judy Garland, Montgomery Clift, William Shatner
Difficile de juger des individus au nom de tout un peuple. La culpabilité est au centre de tout. La culpabilité de tous ; toutes les formes de culpabilité. Il n’y a pas les monstres coupables et les autres. Dans un grand tourbillon d’irrationalité et de cynisme, chacun a sa part de culpabilité justement parce qu’on se cache derrière la masse, l’impunité ou l’ignorance. Mais ceux qu’on désigne comme les coupables le sont parce qu’ils le sont par la justice du vainqueur. Toute condamnation est vaine, mais il n’est pas vain pour autant de juger pour, au moins, poser toutes les questions inhérentes à cette culpabilité. Autrement, on manquerait la déclaration si essentielle du personnage de Burt Lancaster… Impossible de rationaliser l’irrationnel ; impossible de vouloir déterminer des vérités dans autant de complexité. Impossible de juger l’histoire et les hommes qui l’ont faite. Le TPI n’existait pas encore. Les accusés ont été jugés par une cour US. Le personnage de Richard Widmark, procureur militaire, en vient à se demander à quoi peut bien mener une guerre…
Autre point intéressant, l’insertion de la realpolitik au milieu d’un jugement. Le juge montre son indépendance… On en vient à penser qu’aucune cour n’a de légitimité et de compétence pour juger des individus une fois l’histoire faite. Ça rejoint une idée à la mode : ce ne sont pas les lois qui déterminent ce qu’est l’histoire. Ce ne sont pas aux États de déterminer l’histoire, mais aux historiens. Les États-Unis l’ont bien compris. La realpolitik, c’est donner le change : on monte une cour pour juger, on se donne ainsi le beau rôle, après tout on a gagné la guerre, et le criminel de guerre sera toujours celui qu’on a vaincu… Mais reconnaître un tribunal international qui aurait une autorité supérieure aux États, pourrait aller contre ses intérêts ? Ça non. Mieux vaut toujours être à la place du juge. Si on veut gagner, il faut choisir son terrain de bataille, et parfois ses juges. On pourra toujours faire croire ensuite que juger un juge a un sens. Ce n’est plus de la Justice. C’est la vérité du plus fort, la loi du vainqueur. Aucune valeur universelle. Coupables ? Bien sûr. Comme tout le monde. Et le degré de culpabilité est soit indéfinissable, soit impossible à déterminer. Comment juge-t-on la conscience, les états d’âme, la folie, l’irrationnel, la peur, la connivence, le préjugé ? Cela s’applique au fond pour tout jugement, qu’il soit celui des monstres, des criminels de guerre ou des voleurs de pomme : la question ne pourrait être que « coupable ou pas coupable ? ». Mais on n’a rien d’autre à proposer. Juger, c’est trancher ; c’est donc sortir de l’impartialité d’une justice supérieure et rêvée. La justice n’est jamais juste, elle fait comme si, et on fait avec. La vérité, c’est plus un nuage de glace sur un strudel qu’une tranche de strudel. On la saupoudre à la surface des choses, et quand on y goûte, elle n’est déjà plus là.
Jugement à Nuremberg, Stanley Kramer 1961 | Roxlom Films Inc
Pas le meilleur film du couple Hepburn-Tracy. D’ailleurs, leurs films en dehors de deux ou trois, ne m’ont pas laissé de grands souvenirs. Je les préfère tous les deux séparément, ou Hepburn avec Cary Grant… Les films étaient arrangés par le studio pour que les deux amants puissent tourner ensemble…
L’intrigue est pas mal entendue. Hepburn semble avoir vingt ans de trop pour le rôle, et elle prend un bon coup de vieux encore quand apparaît un acteur qui sera une des stars des films des deux décennies suivantes : Charles Bronson (ce qui n’empêche pas Katharine Hepburn de mettre littéralement le garçon au tapis).
Reste les dialogues, dont certains sont particulièrement savoureux.
« À Combien estimes-tu le pourcentage des gens honnêtes sur Terre ? — Deux pourcents, pas plus. — Je dirai trois. Et cette fille ne fait pas partie des 97 autres. Quand je la regarde, je ne vois que ça. Elle a une tête vraiment honnête ; c’est la seule chose qui me dégoûte en elle. »
Quand on demande à Hepburn comment elle connaît « tous ces trucs » après qu’elle a défendu son manager de ses deux agresseurs, elle répond qu’elle a été prof de gym, et là un type dit : « C’est qui ce Jim ».
Quand les associés un peu magouilleurs retrouvent Tracy et que celui-ci veut en finir avec les matchs arrangés, l’un des bons gros magouilleurs lui dit : « Tu trouves que c’est correct envers nous d’être réglo ? »
Et quelques autres…
Dispensable.
Mademoiselle Gagne-Tout, George Cukor 1952 Pat and Mike | Metro-Goldwyn-Mayer (MGM)