Roma, Alfonso Cuarón (2018)

Note : 2.5 sur 5.

Roma

Année : 2018

Réalisation : Alfonso Cuarón

Si Cuarón a une qualité, je le reconnais, c’est de savoir mettre ses acteurs en situation. Pour le reste, c’est… à la fois vide de sens et inutilement formaliste (donc prétentieux). Qu’on procède dans un film majoritairement par plans séquences successifs agrémentés ou non de panoramiques robotiques, qu’on englobe tous ses plans dans un grand-angle de carte postale ou encore qu’on affadisse tout ça derrière un noir et blanc comme d’autres se munissent de leurs meilleurs habits pour aller à la messe, pourquoi pas, si au moins toutes ces manières avaient un but et se mettaient au service d’une histoire. C’est peut-être le Long Day Closes de son réalisateur, le Cria Cuervos à la sauce mexicaine, on est surtout dans un vide dramatique inquiétant. D’abord parce que les événements présentés n’ont dans leur ensemble aucun intérêt dramatique particulier, qu’ils n’en ont pas plus à l’échelle de ces longues séquences : tout est anodin, anecdotique, ordinaire. Tout juste y peut-on noter qu’on a affaire à la chronique sans vagues d’une famille aisée du Mexique à laquelle on nous présente les quelques désagréments futiles (entre crottes de chien et abandon du foyer conjugal par le père : je ne cite pas au hasard ces deux événements, on peut presque sourire en pensant que dans son récit Cuarón, involontairement ou non, crée un lien de causalité entre les deux). Bref, ce n’est pas vraiment fait pour nous aider à nous identifier aux personnages et à leur devenir.

D’ailleurs, on ne sait trop bien qui est au centre de la chronique. La bonne, semble-t-il. Pourquoi la bonne plutôt que la mère ou les gosses ? Mystère. Pourquoi pas après tout, d’ailleurs un film colombien (La Bonne) s’en était déjà mieux sorti. Sauf qu’on n’y était pas totalement : le récit s’attache un peu plus à elle, mais pas suffisamment encore pour en faire un personnage central (Cuarón surtout peine à sympathiser avec elle après la perte de son enfant : peut-être y cherche-t-il à ce moment, en s’attardant sur elle, comme d’habitude, à nous faire entrer en empathie avec elle, mais puisque personne dans la famille ne se soucie de son sort, en dehors de quelques gestes sympathiques de la mère sans pour autant que cela démontre une empathie folle pour sa bonne, pourquoi devrions-nous être touchés par son sort ?).

Bref, on est dans le flou : on ignore de qui l’histoire nous est racontée, et on ne saisit pas plus ce qu’on voudrait bien nous montrer. C’est que quand on multiplie les plans longs où il ne se passe pas grand-chose (une marque de fabrique chez Cuarón, qui tend certes parfois à l’exploit, comme ici la séquence de la baignade, mais qui raconte peu de choses au final et on sent trop la volonté de réaliser un exploit), on manque de temps pour placer du sens dans son film. 0 + 0 + 0 événement marquant, ça donne toujours au final 0. Cuarón se servirait de ces plans séquences pour créer de la tension en suggérant l’imminence d’un drame ou pour mettre le doigt sur une séquence cruciale dans son récit, ç’aurait non seulement plus de sens pour guider notre intérêt, mais ça leur donnerait une légitimité formelle au sein d’une logique narrative. Là, non.

Alors oui…, jolie madeleine noyée dans la térébenthine… Des bonnes intentions de départ du réalisateur à honorer peut-être certains personnages de son passé, il ne reste rien dilué derrière le vernis de son formalisme stérile.


 


 

 

 

 

 

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À la recherche de Mr. Goodbar, Richard Brooks (1977)

À la recherche d’un titre

À la recherche de Mr. Goodbar

Note : 3.5 sur 5.

Titre original :  Looking for Mr. Goodbar

Année : 1977

Réalisation : Richard Brooks

Avec : Diane Keaton, Tuesday Weld, Richard Gere

(En mode bball)

Très bon début, rythmé, du run’n mum. Pas mal de cuts dans le montage, des séquences très courtes. Pas d’action spectaculaire, mais des tactiques rapides bien mises en place.

À la fin du premier quart-temps, ça a commencé à me mettre mal à l’aise. Ça se passe dans les années 70, les années baise, la libération des soutiens-gorge. Et moi ça, ça me saoule. Diane Keaton passait d’un joueur à un autre : « un homme c’est déjà trop et un million, c’est pas assez ». Un peu perso la Diane, elle ne pense qu’à elle, au cul. Les cross avec Richard Gere sont excellents (il aurait mérité plus de temps de jeu, ou au moins d’avoir la possibilité dans sa carrière de jouer pour des équipes qui jouent pour le titre, et à part « Chicago », c’est pas à la hauteur de son talent, et de son charme…).

Vers la fin du second quart-temps, Diane Keaton se pose dans un bar. Elle lit, ou fait mine (elle attend qu’on vienne la draguer). Gere vient donc tourner autour et regarde le bouquin : Le Parrain. Et là, qu’est-ce que lui dit Gere (ESPN insider) : « Oh, j’ai vu le film. C’est vraiment très bon. Al Pacino est vraiment excellent » Ah ah.

(Pour les oublieux, je rappelle que Diane Keaton jouait l’année précédente avec Al Pacino, et qu’elle a justement gagné le titre, deux fois, avec lui pour ce film).

C’était sympa… jusqu’à la fin. Diane mène pendant tout le match et elle trouve le moyen de se faire manger sur le fil. La mort la rattrape, d’une manière assez surprenante. À force de baiser avec n’importe qui, de ramener n’importe quel voyou ramassé dans un bar, elle tombe sur un malade mentale, qui la charcute en même temps qu’il la baise, en lui sortant « allez t’en veux encore salope, hein tu en veux prends ça… » Même pas de prolongations, le match est fini comme ça, sur un buzzer beater…

Ce qui me dérange, ce n’est pas que la mort ait gagné. C’est ce que ça révèle de l’histoire, de la volonté de la gonzesse qui a écrit le bouquin. En gros avec une morale comme ça, d’une part, on a une vision passablement homophobe du personnage assassin que joue Tom Berenger (parce que c’est un homo refoulé et que forcément un homo ça doit être mal dans sa peau, et surtout, s’il est homo c’est qu’il a des problèmes psy et donc qu’il est capable de faire des trucs aussi chelous que ça…), mais en plus, alors que tout le film semble aller dans le sens de la société de la baise qui n’est jamais remis en cause pendant tout le film, parce qu’on a toujours le point de vue de Diane Keaton, et non celui de sa famille catholique…, là, le film prend un contre-pied total (bonjour les chevilles ! ankle breaker sur twist over) parce qu’en gros, avec une fin comme ça, on veut dire : « Tu l’as bien cherché, t’es qu’une pute, il fallait pas jouer avec le feu, la société de la baise, c’est mal, revenons à notre bonne vieille morale de papa… »

Sans doute écrit par une écrivaine coincée de la chatte qui se rêve des aventures au milieu des années 70 quand tout le monde le fait, et que, elle, est coincée avec son petit mari. Sur le banc. Elle s’amuse un peu, et à la fin, elle vous dit que c’était que pour rire, que finalement, on est toujours mieux chez soi, dans les bras du seul amant qu’une femme puisse avoir : son mari. Un scrimmage pour finir par du garbage time. Les sports collectifs, c’est mal.


Looking for Mr. Goodbar, Richard Brooks (1977) | Paramount Pictures


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