Les pièges des explications, des commentaires, des répétitions et du manque de densité


« Et alors… »


Il faut éviter de sauter d’une idée à une autre en s’appuyant sur la précédente. Si l’on peut mettre « et alors… » entre deux phrases, c’est que c’est explicatif. Le but n’est pas de raconter vaguement des faits comme si les événements avaient en eux-mêmes une importance, mais d’apporter par le détail, par des exemples significatifs, à boire au lecteur. Ces détails lui fourniront assez de matière pour son imagination et c’est elle qui fera le lien entre les phrases, car elle connaît la situation, tout le reste est bavardage. Si l’on décrit au lecteur ce qu’il connaît déjà, et ce dont il se doute, parce que toutes les situations se ressemblent, ça fait ton sur ton, il ne fait que lire ce qui est déjà dans son esprit. Alors les phrases doivent le guider, servir d’indicateur, pour éveiller sa propre imagination et sa propre intelligence. C’est pourquoi la richesse du vocabulaire, la connaissance parfaite d’un milieu, les ellipses, la description neutre des événements et du comportement des personnages (même les pensées n’ont pas vocation à expliquer ou à faire dans l’introspection, à tourner en rond), doit être privilégié au lieu de se perdre à raconter des banalités.

L’écrivain suggère et invente, il ne reproduit pas ce que chacun possède déjà en lui.

La richesse du vocabulaire (pas forcément savant, mais précis et descriptif) est ici importante. Il faut une certaine densité, car tout cela sert à illustrer, non à commenter ou à délayer sur des images clichées ou futiles (tout ce qui commente est par principe futile, sauf si c’est pour affirmer le ton du narrateur). Le style de Lem par exemple peut se permettre de relier une phrase à l’autre quand il décrit très précisément une situation, mais le style reste si dense, et si riche, que ce n’est pas du délayage. Les illustrations qu’il livre sont faites dans l’optique de donner une matière brute au lecteur. Comme un poème où chaque tournure, chaque mot, serait pesée et réfléchie. Il n’est pas interdit alors d’utiliser certains clichés qu’on retrouve dans certaines situations, mais les syntagmes et locutions doivent s’enrichir d’autre chose (une tournure nouvelle, un vocabulaire légèrement différent ou compris dans un ensemble, une phrase, plus globale : dans une même phrase, on peut illustrer des idées différentes comme une énumération, tout en prêtant attention à ce que ces illustrations soient significatives et collent à la situation, à l’atmosphère).

Car comment naît en partie le plaisir du lecteur ? De la force des évocations, de leur pertinence, du rythme avec lequel elles apparaissent.

Un bon écrivain suggère ou expose des mystères qui permette d’éviter les explications. Ne pas y répondre de suite, les laisser en suspens crée une attente bénéfique chez le lecteur qui provoque chez lui une attention et une curiosité. Il y a de gros mystères pour lesquels il faut multiplier les (fausses) pistes et qui concernent surtout la structure générale du récit, mais le plaisir du lecteur naît surtout de ces petits mystères qui attirent sa curiosité et qui trouvent rapidement une réponse. Les explications viennent souvent à la suite directe de curiosités qui n’ont pas le temps de faire germer chez le lecteur une attente positive : elles soulèvent le voile bien trop vite, quand les petits mystères éveillent l’imagination du lecteur qui se perd en conjectures.

Une des difficultés alors est de parvenir à produire ces petits mystères en situation, sans s’étaler, en livrant à travers l’action une information répondant naturellement à une interrogation passée.

Les ellipses, comme le refus du recours au bavardage ou au délayage d’informations inutiles, permettent aussi de se passer d’explications.

La crédibilité d’un roman, c’est celle de son idée la plus faible. Il faut donc épurer jusqu’à l’acceptable.

Mettre en application ces évidences est en revanche loin d’être facile.



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