Imagination/Situations
Imagination et situations
Ce n’est pas l’imagination qui compte, ce n’est pas la multiplication des scènes ou des péripéties, mais bien la science des situations et l’art de les mettre en scène. Le dosage des situations intenses et reposantes, l’avancée des intrigues et mystères secondaires, le choix des situations et l’écho qu’elles ont les unes avec les autres… Tout ça constitue l’art d’écrire et de raconter des histoires. L’imagination n’a rien à voir dans l’acte créatif. Tout le monde en possède.
L’imagination est un flot de pensées et d’images ininterrompu, sans but et sans consistance. Fermez les yeux, et le robinet à images se déverse sans peine. La création consiste à faire barrage à cette matière molle et infinie, lui faire prendre forme dans un corps structuré et mobile. L’imagination n’est pas une qualité, c’est un cheval fou qu’il faut d’abord dompter pour lui commander ensuite une direction à prendre.
Dans ce cadre, notons l’importance d’avoir des personnages actifs (qui ne subissent pas), et un style visuel, pas introspectif. Car la caractérisation, c’est bien, mais il faut aller vite, et éviter les descriptions psychologiques : toute l’émotion doit découler d’une situation, il faut autant que possible se passer des descriptions (surtout si elles ne servent pas à illustrer une situation).
La hiérarchie des événements
La manière dont les paragraphes sont structurés donne une indication sur la nature d’une situation. On peut aller jusqu’à mettre beaucoup de détails, voire des répliques dans un corps de texte, souvent en intro, pour voir la chose de haut, pour montrer que c’est une entrée en matière et que l’on n’arrive pas encore au climax du chapitre, c’est-à-dire aux événements majeurs de l’histoire. Une fois plongé au cœur de ce moment fort, il est temps de réduire le rythme (cf. intro du chapitre XXV, le séminaire dans Le Rouge et le Noir, et le début des Piliers de la terre).
Autre manière de décrire une situation : l’emploi du plus-que-parfait, des expressions de transition (voir connecteurs logiques) et le discours narratif.
Le discours narratif ne fait que donner une information générale sur ce qui a été rapporté et dit : « elle lui expliqua qu’elle ne viendrait pas à sa fête ».
Pour aider à hiérarchiser les événements du récit et se concentrer sur la situation, écrire dans l’optique, non pas de décrire des scènes, mais de présenter des situations. Les scènes montrent une suite de vides insignifiants, alors que la situation va droit au but et utilise tous les aspects d’une phrase pour présenter une situation dans son ensemble, non en détail (avec des verbes d’état, de descriptions si nécessaire). Quand on écrit à travers une description de scènes, on est tenté de faire un récit des événements, une scène après l’autre, un espace après l’autre. La littérature n’est ni un film, ni un rêve, ni le récit d’un enfant faisant le récit de sa journée passée à l’école. Chaque situation amène la suivante. C’est la logique, non la temporalité ou l’espace qui articule le récit.
Prise de hauteur
Il faut prendre de la hauteur dans son récit, ne plus entrer directement dans une scène et en être esclave de sa temporalité. Pour chaque situation, il faut être capable de se poser la question suivante : qu’y a-t-il ici de nouveau et de pertinent qui fait avancer le récit ?
Une situation, c’est un choix d’angle, ou plutôt ce n’est pas un choix, mais une évidence narrative, car elle doit s’imbriquer dans le reste. Elle raconte bien quelque chose au lieu de diluer ce qui pourrait être intéressant dans une scène. En principe, une situation contient en elle tous les éléments des enjeux principaux ; on doit y sentir le poids du passé et le souffle menaçant, incertain, du lendemain.
Quand on écrit, au lieu de chercher à remplir le vide avec des descriptions au fil de l’eau en suivant une logique temporelle et spatiale, il faut penser d’abord à ce que la situation nouvelle a apporté à la connaissance du lecteur. Écrire, c’est bien lui raconter une histoire, et une histoire c’est une suite de situations agencées dans une logique qui doit apparaître comme une évidence.
Pour aider, lire à haute voix les textes. On doit ressentir tout de suite le sens, la logique d’une situation, les enjeux et les motivations des personnages à tel ou tel moment donné. À haute voix, l’intention derrière chaque mot et qui est censée se révéler un peu plus loin transparaît avec plus d’évidence (parce qu’il doit y avoir une part de mystère dans le récit, un peu comme on raconte des histoires à des enfants ; voir pour cela, par exemple, le récit de Walken dans The Comfort Stranger).
Coïncidences heureuses et malheureuses
Les coïncidences peuvent être utiles quand elles mettent le héros dans une situation compliquée : on pense, c’est vraiment pas de chance, le sort lui tombe dessus. En revanche, celles qui lui permettent de se sortir artificiellement d’une situation compliquée ne peuvent être acceptées par le lecteur. Toutefois, ne pas non plus abuser des coïncidences malheureuses. L’art du récit consiste à créer des passerelles entre des éléments dramatiques : trop de hasard mettant en rapport des éléments qui n’avaient aucune raison d’entrer en rapport, heureux ou malheureux, si on en abuse, finiront de toute manière par ressembler à des faciliter. Vous pouvez rapporter l’histoire d’un gain au loto ; deux gains, non.
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