Le Piano d’acier, Meng Zhang, Bo Gao (2010)

Piano d’acier, piano de velours

Gang de qin
Année : 2010

Réalisation :

Meng Zhang & Bo Gao

Avec :

Qianyuan Wang
Yongzhen Guo
Shin-yeong Jang

9/10 IMDb iCM

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Entre Kusturica et Imamura. Pas loin des bras cassés du Pigeon aussi. Un ton (l’insolence permanente, l’énergie) et un style (des travellings latéraux, en avant, en arrière mais toujours rectilignes comme sur une chaîne d’assemblage). Une histoire vue et revue (un père réuni des potes pour construire un piano a sa fille pour éviter qu’elle rejoigne sa mère après leur divorce), mais une exécution parfaitement maîtrisée. Une utilisation de la musique… russe folklo-punk (je n’y connais rien) presque sidérante de justesse. Mais surtout, surtout, des personnages… v’là les abrutis sympathiques…

 

Le Piano d’acier, Meng Zhang, Bo Gao 2010 Gang de qin | Perfect World Pictures, Dalian Hung Yuan Film & TV, Etoile Pictures


Birdman, Alejandro González Iñárritu (2014)

21 tonnes

Note : 3 sur 5.

Birdman

Titre original : Birdman or (The Unexpected Virtue of Ignorance)

Année : 2014

Réalisation : Alejandro González Iñárritu

Avec : Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton, Naomi Watts, Emma Stone

Les acteurs sont idiots, merci pour la grande révélation.

Le film aura une valeur informative dans quelques décennies et sera alors intéressant à revoir, parce qu’il capte bien la situation du cinéma actuel, du moins son évolution, avec la place toujours plus grande des effets spéciaux, même si paradoxalement la critique ici qui en est faite est lourde et maladroite. Le sujet du film est traité d’ailleurs avec la même maladresse. On aura du mal à plaindre une ancienne gloire de ce cinéma quand on cherche en même temps à en faire la critique ; et le discours y est alors des plus confus et vide. Est-ce qu’il faut avoir de la sympathie pour ce gars qui cherche à se refaire sur les planches de Broadway ? se moquer de lui ? est-ce qu’il faut y voir une satire des critiques de la scène new-yorkaise qui accueillent mal ces célébrités faisant de l’ombre aux « vrais acteurs » ? Ça envoie des idées, ça donne l’impression de vouloir dire quelque chose, et au fond le discours présupposé du film (si tant est qu’on puisse foutre un discours dans un film) devient celui, incohérent, hystérique, prétentieux, de son personnage.

Pour le reste, la forme, les plans-séquences desservent pas mal les acteurs quand le but, au contraire on peut l’imaginer, était de le mettre en valeur. Il n’y a guère que Naomi Watts qui s’en tire un peu mieux que les autres. Certaines scènes ont la saveur d’un mauvais Woody, d’un Cassavetes cassé, ou d’une scène répétée par des apprentis de l’Actors Studio (une scène entre Keaton et Emma Stone, par exemple, est franchement embarrassante). Le procédé, en tout cas, se révèle, comme presque toujours, d’une inutilité affligeante. Une vague impression de suivre Keaton comme son ombre ptérodactyle, mais ça ne vole pas bien haut. Pas plus en tout cas que cette fin en forme de queue de poisson, ou de pied de nez, instillant une forme de mystère un peu creux, et brouillant toujours plus le message du film (en tout cas celui qu’on aurait pu se faire).

Ironiquement, le film pèche à cause des raccords entre les scènes. L’idée de relier tout ça en un seul plan-séquence a autant moins de sens qu’on n’est pas dans une unité temporelle (c’est le récit de quelques soirées avant la première d’une pièce). Et le problème, c’est bien que la tension ne cesse de retomber d’une scène à l’autre, quand elles devraient monter en intensité jusqu’à un climax pouvant laisser Birdman… planer à sa guise. Sauf que ça commence fort et toutes les confrontations sont balancées au début, et le reste ne sera qu’apaisement ou hors sujet (introduction de nouvelles relations ou thématiques en plein milieu pour les laisser tomber comme le reste). On ne fait donc que survoler les choses, on fait semblant, on surjoue…

Où cela nous mène-t-il ? Rien. C’est juste un grand cirque mettant en scène les vulgaires et communes agitations d’un acteur sur le retour. Aucune empathie possible. Et le message a donc finalement tout de celui des blockbusters tant moqués : rien de tout cela n’est bien grave, ce n’est qu’un jeu.

Autant revoir, All about Eve, Le Grand Couteau ou A Star is Born. Il y a une forme de crescendo dans tous ces films qui respectent l’ordre classique des choses « dramatiques ». Dommage, le mélange des genres aurait pu faire mouche et la première demi-heure était pleine de promesses (trop peut-être).


Birdman, Alejandro González Iñárritu 2014 | New Regency, M Productions, Le Gribsi, TSG Entertainment, Worldview Entertainment


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Inside Out, Pete Docter, Ronnie Del Carmen (2015)

Inside Out

Note : 4 sur 5.

Vice-Versa

Titre original : Inside Out

Année : 2015

Réalisation : Pete Docter, Ronnie Del Carmen

Le scénario est habile, l’effort d’expliquer le fonctionnement du cerveau est plutôt louable. Gros bémol tout de même dans le développement de l’intrigue. Les implications liées à l’environnement et/ou aux circonstances ne sont pas suffisamment prises en compte, comme si tout dans la vie d’un individu ne dépendait que de ses humeurs intérieures, de sa personnalité, de sa mémoire…

Quand la fillette fugue par exemple, c’est mis en parallèle avec la “fugue” accidentelle de Joy et de Sadness, l’idée marche excellemment bien quand les autres humeurs sont censées feindre la joie, mais pendant la fugue même, c’est peu probable que rien dans l’environnement ne puisse intempestivement lui redonner le sourire, même fugace. C’était tout à fait exploitable dramatiquement en créant par exemple un fantôme ou un clone de Joy apparaissant subrepticement à la console dans le cas où certaines “opportunités” dans l’environnement altèrent ses émotions. Alors que le récit se centrait sur les deux exilées, ça aurait pu donner des idées aux autres “humeurs” à leur console, pour pousser la gamine à forcer à interagir avec son environnement, voire à accepter la présence d’une autre Joy qui trouverait « son compte » dans les petits plaisirs de la fugue.

Ça reste brillant tout du long toutefois, et on passe nous-mêmes du rire aux larmes, ce n’est pas rien. Quant à la morale du film, elle est simplette, mais bien vue et tout juste assez didactique pour qu’un enfant de dix ans la comprenne. Ça tombe bien, Disney ne s’adresse à personne d’autre (et comme le chante Souchon, on a tous dix ans).

Les images en revanche sont laides à faire peur. (Pour quelqu’un qui n’a pas eu de télévision couleur avant très longtemps et qui a vu beaucoup de films en couleurs… en noir et blanc, ce n’est pas si problématique, la laideur. Enfin quand même. C’est laid !)


Vice-Versa / Inside Out, Pete Docter, Ronnie Del Carmen 2015 | Pixar Animation Studios, Walt Disney Pictures


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P’tit Quinquin, Bruno Dumont (2014)

Grimace de l’assassin

Note : 4 sur 5.

P’tit Quinquin

Année : 2014

Réalisation : Bruno Dumont

Avec : Alane Delhaye, Lucy Caron, Bernard Pruvost

Absurde et grotesque. Derrière le rire, la nature de l’humanité dévoilée…

L’humour, c’est parfois aussi le grain de sable qui nous ramène à la réalité du postérieur. Celui qui fait tomber les masques, avec la bienveillance ou l’immunité du fou. La caricature dévoile le réel, inverse les rôles, se moque des usages et des positions pour pointer du doigt, avec douceur et subtilité, les petits maux qui nous accablent, nous agacent, nous chagrinent ou nous révoltent.

L’humour a encore un sens. Celui, littéralement, de dédramatiser, de démystifier, le mal, la peur, la haine, peut-être pour nous aider à mieux appréhender ce qui nous tend. Comme c’est étonnant, le rire détend de tout.

P’tit Quinquin, en somme, c’est Tati déconstruit, remâché, vomi par David Lynch. C’est une savonnette qui se fait la malle (le désordre) et qui ne cesse de rebondir, en jonglant de paume en paume, sans jamais tomber à terre (l’ordre).

Parce qu’il y a de la grâce dans ces gueules cassées. Une grâce touchante, évidente, simple. Celle des gens simples, celle qui ne s’encombre pas de semblants, celle des enfants qui s’étreignent par amour et un peu par une sagesse que leurs parents ignorent, ou celle encore d’un commandant de gendarmerie tout heureux de réaliser un rêve d’enfant en montant sur le canasson d’un suspect.

La grâce des petits riens, oui. Et un bel hymne à la bêtise — pour ne pas dire à la contemplation de la bêtise. La fin des exigences d’un monde sans humanité. L’humanité, c’est l’empathie à l’égard du prochain, en particulier des plus faibles, des plus stupides, des plus incompétents et des plus cons. Oui, on peut être un brin con, incompétent, bizarre, et peut-être même totalement dingue… et alors ? On n’en reste pas moins un homme. Le ou les criminels courront toujours, parce que le mal, c’est un peu celui qui rôde en chacun de nous, celui qui juge, qui exige, qui fraude, qui trompe, qui profite… La menace est là, alors peu importe qu’il y ait un coupable et que l’on trouve une résolution finale à ces histoires. Parce que tuer le mystère ferait en quelque sorte que l’on soit soulagés d’y trouver un coupable. Et forcément, à travers sa salle gueule de bon coupable, on l’aurait juré « ça ne pouvait être que lui, le salaud », et l’on se serait alors détournés de l’empathie que forcent le film et son humour. Pour faire preuve d’intelligence, il faut parfois se forcer, mais parfois aussi, pour rester simple et un peu con, voire béat, naïf face au monde, c’est tout aussi dur. Le droit à la connerie.

L’adjoint y trouverait la plus simple et la plus évidente des philosophies. Une sorte de contemplation béate, et vide, de l’instant qui passe… ou du criminel qui fuit. Comme une forme de renonciation molle à comprendre l’inexplicable, l’inexcusable. L’esprit français en somme, l’autre côté résigné du Français qui s’égosille de tout. La traduction absurde du mono no aware japonais, comme le cérémonial qui tout à coup se détraque, comme un chat serein qui pète, comme une bouilloire qui siffle… et qui tout à coup bégaie et se tait. Dumont parle de tragique-comique, je préfère y voir la beauté, la fausse cruauté, la dérision poétique du théâtre de l’absurde.

Alors, tout n’est pas parfait. La maîtrise d’un genre que Dumont découvre déraille elle aussi. Si une grande part de la réussite du film, du ton et de son humour, tient de son casting, certains personnages, féminins notamment, peinent à convaincre. Les moins grotesques sont les moins bien lotis. Si les personnages grimaçants opèrent une transformation bénéfique, comme ceux de la commedia dell’arte avec leurs masques, les plus normaux se retrouvent ironiquement mis à nu dans un délire grotesque qui n’est pas le leur et, tout à coup, ce sont eux les intrus, les monstres avec leur masque de quasi-normalité. Avec des acteurs professionnels, ou avec une plus grande maîtrise dans l’art de la comédie, on n’y aurait peut-être pas vu tant de décalage, mais on y voit surtout ici des acteurs mal à l’aise dans une sorte d’entre-deux (entre grotesque et réalité) qui sonne faux. Le tragique-comique dont se réclame Dumont, c’est sans doute une alternance entre l’un et l’autre, et ça marche essentiellement parce qu’il ose. Or la chef majorette ou la journaliste par exemple, voire le maire et le procureur, s’ils ne sont que des faire-valoir, leur normalité sonne tout à coup bizarrement dans ce monde. Dumont a peut-être jugé bon d’offrir un contraste normatif à ses gueules cassées. Peut-être n’a-t-il pas trouvé le ton ou les acteurs pour cela, quoi qu’il en soit, leurs apparitions font chaque fois un peu flancher la tonalité générale du film. (Dans la comédie italienne, on retrouve parfois ces personnages « normaux », pour contraster, avec Cabiria par exemple, ou le Fanfaron de Gassman, mais le plus souvent ce sont des bourgeois, et c’est presque alors toujours l’occasion de tirer vers la satire ; sans compter que la postsynchronisation offrira la possibilité de glisser à nouveau vers un étrange qu’on ne trouvera jamais avec des acteurs amateurs jouant comme dans un film fait maison.)

Il a été beaucoup question de caricature pour définir le film, comme si c’était un défaut. Oui, on n’est pas dans le réalisme, c’est de la bouffonnerie, du burlesque, et tout ça, c’est de la caricature. En quoi est-ce que ça devrait être un problème ? Parce que le film caricature les gens du Nord, les pauvres, les cons, les fous, les handicapés, les racistes ? Ça pourrait être détestable, c’est vrai, si des acteurs professionnels et des dialoguistes parisiens étaient venus y fourrer leur nez. Mais ici, on a affaire à des acteurs qui se moquent d’eux-mêmes. Ils n’ont pas l’intention de se moquer l’autre, ils se moquent de leur propre bêtise, de leurs excès, ou en tout cas, de ce qu’ils peuvent avoir en eux de caricatural. Ce qui est détestable (et encore), c’est de moquer l’autre, surtout quand il est « petit » ou « faible ». Or, tout ce qu’on retient ici de cette capacité de certains à se moquer d’eux-mêmes quitte à chercher en eux des excès qui pourraient être les leurs, pas ceux des autres, c’est qu’ils sont beaux et sympathiques, aimables et attachants dans leurs bassesses. La caricature sert à faire tomber les masques, mais d’abord ceux qu’on porte soi-même. Se caricaturer soi-même, c’est se mettre à nu, dire à celui qui nous regarde : « Je sais que c’est ainsi que vous me percevez, je ne suis pas dupe, mais vous, êtes-vous bien certains de pouvoir voir au-delà de ce masque ? » Les plus grotesques dans le film, ce sont aussi les plus attachants. Et dans un monde où une bonne part du mépris porté à l’autre tient à la peur ou à la méconnaissance que l’on a de lui, eh bien, cet humour ne peut avoir qu’un effet bénéfique.

Maintenant qu’il semble acquis que Dumont nous propose une autre saison, et vu que l’aspect raciste a plutôt été évoqué de manière tragique (et juste), osera-t-il caricaturer les migrants, voire les passeurs, les activistes ou de vrais (pas un mirage) criminels… ? P’tit Quinquin et ses amis, par exemple, sont clairement racistes, et ça n’empêche en rien, pourtant, de les trouver sympathiques. L’humour démystifie. Certains pourraient y voir un danger. Alors, est-ce qu’on trouverait de bon goût de caricaturer migrants, passeurs, activistes et criminels ?… Est-ce qu’on aurait ri si P’tit Quinquin était grand et bastonnait un Noir ? On peut se poser la question, au moins : on juge peut-être à tort qu’un « p’tit nègre » se faisant lyncher comme n’importe quel gosse de son âge, ce n’est pas si grave… On minore facilement les conséquences de ces « chamailleries ». Or fort justement, le film nous rappelle que cette cruauté, ce mépris de l’autre, n’est pas moins indolore pour un gosse. Il serait intéressant de voir si la caricature est acceptable dans l’autre sens. On admet l’incompétence des gendarmes parce que l’assassin reste un mirage (la non-élucidation de l’intrigue était très juste) et que les morts s’enchaînent comme dans un jeu absurde sans conséquences, comme Michel Serrault se regardant se vider, impassible, dans les couloirs du métro de Buffet froid, un couteau dans le ventre.

Jongler entre rire et drame, chercher à donner un sens au rire, c’est un exercice plutôt périlleux, et je serais en tout cas curieux de voir si Dumont parvient à renouveler ce petit miracle.


P’tit Quinquin, Bruno Dumont 2014 | 3B Productions, ARTE, Pictanovo Nord-Pas-de-Calais


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To Rome with Love, Woody Allen (2012)

En attendant Emma

Note : 2.5 sur 5.

To Rome with Love

Année : 2012

Réalisation : Woody Allen

Avec : Woody Allen, Penélope Cruz, Roberto Benigni, Jesse Eisenberg, Alison Pill, Judy Davis

Ce n’est pas si mal écrit, même si ça ne vole pas très haut. Le défaut majeur du film, c’est surtout la direction d’acteurs et le choix du casting. Le problème, c’est qu’il demande à tous les gars de jouer comme lui et à toutes les filles de jouer comme Diane Keaton parce qu’il écrit comme ça. Les personnages et les situations sont toujours les mêmes. Sauf que là, les acteurs, lui en tête, ne sont pas à la hauteur (en voyant ça, on comprend que Woody ait besoin désormais de se concentrer sur les autres acteurs).

Jesse Eisenberg s’en sort le mieux mais manque cruellement de fantaisie. Ellen Page est horrible, peut-être la plus mauvaise actrice que j’ai pu voir dans un Woody (pas forcément de sa faute, le rôle n’est pas pour elle). Judy Davis, pour le peu qu’elle a à faire, n’est pas mauvaise, mais là encore pas franchement une actrice de comédie, elle a zéro fantaisie elle aussi, et comme Alec Baldwin, elle donne l’impression de pouvoir claquer dans l’heure. Penelope Cruz est ridicule, là encore, incapable de flirter avec le burlesque, d’avoir ce petit brin de folie nécessaire pour jouer la sincérité dans l’excès. Ce que possède toujours Benigni, mais son personnage est anecdotique, et là c’est Woody qui trouve jamais le bon rythme. Tous les autres Italiens sont mal dirigés, c’est une horreur.

Heureusement qu’il sait se renouveler et voir ce qui cloche le Woody. La Emma Stone par exemple, elle a un quelque chose qui peut coller à son univers. Une vraie fantaisie, un charme, une poésie lunaire, une aisance que même Cate Blanchett avait été incapable de donner (et pour cause, trop de composition, au point qu’on finit par ne plus rien voir d’autre que le jeu ou le costume, ce que beaucoup d’acteurs chez Allen font, se servant de tous ces artifices pour cacher leur incapacité à évoluer dans le registre si particulier de Wooyd Allen). Faut voir ce qu’il serait capable de faire avec la Stone, le Woody (plus proche des personnages de Mia Farrow que de Diane Keaton pour le coup).

Bref, oui, Emma Stone franchement, elle m’avait bluffé. Woody avait trouvé la bonne mesure pour elle, ne pas trop en faire pour respecter son petit côté lunaire. Il y avait des scènes avec Colin Firth qui ne marchaient pas, mais celles avec elle étaient toutes réussies. Ce qui ces dernières années me semble tout de même assez rare. Celui-ci en tout cas est à oublier.

To Rome with Love, Woody Allen 2012 | Medusa Film, Gravier Productions, Perdido Productions 


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Le Loup de Wall Street, Martin Scorsese (2013)

La fin du western

Le Loup de Wall Street

Note : 1.5 sur 5.

Titre original : The Wolf of Wall Street

Année : 2013

Réalisation : Martin Scorsese

Avec : Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Matthew McConaughey, Jean Dujardin

Quelle horreur de film… Je me trompe ou, non seulement, ce film a vingt ou trente ans de retard sur son époque, mais en plus, le point de vue qu’il adopte n’est pas sans rappeler l’insipide et vulgaire Call Me: The Rise and Fall of Heidi Fleiss ?

Scorsese ne cesse de s’imiter lui-même en alternant les séquences « dans le milieu » et « dans la famille ». Les scènes de jalousie hystérique à la New York New York, à la Casino ou à la Raging Bull, la caméra qui virevolte entre les lignes pour nous présenter les personnages de la boîte (dont finalement on ne saura jamais rien) ; mais à force de vouloir tout dire, de tout montrer, Scorsese, pourtant avec trois heures de film, ne montre rien. Terence Winter n’est pas Paul Schrader, et même Schrader aurait eu du mal à trouver un sens à cette autobiographie (ou autohagiographie, devrait-on dire). Terence Winter, c’est le scénariste de Xena la guerrière, et ça se voit, il n’y a absolument rien à sauver dans ce film. Les cinq minutes passées avec Matthew McConaughey à la rigueur. Une belle ironie d’ailleurs. Parce que son personnage est typique des golden boys des années 80. On se dit que Belfort changera de méthode. Absolument pas. À quoi bon revenir vingt après sur le Wall Street d’Oliver Stone ? Une suite ne suffisait pas ? Mais Belfort est plus trash, me direz-vous… Et alors ? Un petit gars de la classe moyenne qui se prend pour Tony Montana… mais Belfort, c’est Baby Face, pas Scarface. Belfort…, rien que le nom, on a l’impression de voir un Channel jouer les caïds.

Casino était déjà pas mal passé de mode comme un western des années 80. Y rajouter une couche, quel en serait l’intérêt ? Parce que si l’époque est bien, à nouveau, aux crapules de la finance, elle est moins à ces petits cons cocaïnomanes des années 80 qu’aux escrocs de haute volée sachant parfaitement s’immiscer aux affaires au point d’arriver à en changer les règles et de mettre les politiciens dans la poche. On l’a souvent entendu dire ces dernières années, la crise de 2008, c’est une crise systémique. Ce n’est pas l’affaire d’un petit truand s’ouvrant tout seul les portes de Wall Street. L’idée du Loup de Wall Street, c’est l’idée d’un loup entrant dans la bergerie. Wall Street serait donc cette bergerie. C’est le point de vue de Belfort. C’est son eldorado. Cinq ans après, c’est ça la vision critique qu’on peut avoir sur Wall Street ou sur le milieu de la finance ? Wall Street est une bergerie ? Désolé, Martin, tu n’as rien compris à l’histoire. Mettre en scène l’hagiographie d’une petite crapule (même pas une grosse, un psychopathe pour lequel on pourrait au moins s’intéresser parce qu’il est un monstre ; parce qu’ici, Belfort n’est rien de plus qu’un gars ordinaire, c’est presque toujours le mythe du rêve américain, la réussite à tout prix, et c’est là qu’on est plus proche d’Heidi Fleiss que de Scarface…) quand c’est toute la finance qui est pourrie de l’intérieur, ça sonne comme une tentative de diversion. Ce n’est évidemment ni l’intention de Scorsese, ni celle de Belfort, qui lui ne cherche qu’à nous vendre sa vie de merde comme parfaitement honnête comme il vend des stylos (la drogue et la baise, ça permet, entre deux tranches de vérités, de mieux faire passer le reste).

Le film souffre pas mal de personnages à la fois antipathiques et trop brièvement esquissés. Belfort, pour commencer, a autant de charisme et de remords qu’un vendeur de voitures, et le trio Belfort-Winter-DiCaprio n’arrive pas à la cheville du duo Baldwin-Mamet dans Glengarry Glen Ross. Belfort est un connard, mais il n’a même pas la politesse d’être un génie, ni même un sadique. En quoi serait-il fascinant ? Un vendeur de voitures qui cherche à se faire du fric, rien de plus. Tout est dit quand il demande aux autres de lui montrer comment vendre un stylo. Il se contente, le reste du temps, de convaincre, micro à la main, tel un prêcheur devant sa paroisse. Mais Belfort n’est pas non plus Elmer Gantry. Sans parler que Scorsese, comme à son habitude, choisit un des acteurs les plus insipides de sa génération, convaincant, seulement, quand lui aussi, doit refaire du réchauffé, à savoir s’imiter dans Gilbert Grape. Le personnage de la première femme de Belfort passe globalement à la trappe, alors que Scorsese la traite dans une ou deux scènes comme si elle était au centre de l’histoire. Le meilleur pote est tout aussi ridicule, comme le personnage de Jean Dujardin, toujours aussi peu convaincant dans tout ce qu’il fait…

Le film n’échappe pas non plus à la vulgarité. Orgie de nibards, de coke, de fellations ou de baise… Quel intérêt, sérieux ?…

Est-ce que Scorsese dénonce la vulgarité de son personnage ? Certainement pas. On pourrait douter de ses intentions, mais celles-ci ne se voient jamais à travers un récit. Il est donc dangereux de vouloir traiter un tel sujet en prétendant ensuite jouer le second degré, à l’image de Tueurs nés. Quand on fait un film sur la violence, on prend le risque de faire juste un film violent. Quand on fait un film sur la vulgarité, on prend le risque d’être juste vulgaire. Question de mesure, d’interprétation. Mais Martin Scorsese ne cesse jamais ici d’être dans l’excès. Difficile de penser qu’il ne se serait pas laissé prendre à son propre jeu…

Même épandage grossier dans les images, le montage, les extérieurs, pour en foutre plein les yeux aux spectateurs. On pourrait y attendre au bout d’un moment un petit regard cynique, désabusé, critique, quoi… non, non, tout ça était bien au premier degré. Quand je dis qu’on est resté aux années 80, c’est bien ça. La référence ultime du film, c’est même la Ferrari blanche de Miami Vice… Oui, désolé, c’était déjà bien ringard à son époque, mais vingt ans après, rester à cet étalage puant et grossier, ça n’aide pas à me rendre le film sympathique. Je crois même qu’à la fin du film sur la vie de la Madame Claude d’Hollywood, Heidi Fleiss, elle arrivait au moins à attirer la sympathie. Ici même pas. La fin est claire : je n’ai aucun remords, et l’on me paie même pour donner des séminaires et continuer à prêcher la bonne parole. On aurait tort d’y voir une conclusion cynique. C’est bien un happy end qu’on nous présente là. Non seulement le message est puant, mais Scorsese n’y apporte même aucun second degré pouvant laisser place au doute. Si ce n’est de la maladresse, c’est de la connerie. Et c’est en tout cas bien ce qu’est le film : con, très con.

Quand j’y pense, depuis Casino, ce qui est le plus vulgaire chez Scorsese, c’est son casting. Charron Stone déjà… Ensuite, continuer toute sa filmographie avec un Pseudo-Rital de Los Angeles, je le peux encore moins. C’est comme si Spike Lee décidait de supporter du jour au lendemain les Lakers ou Woody Allen mettait en scène un film sur Sunset Boulevard. Dès que je vois Di Caprio, je ne vois pas un adulte, encore moins un dur, encore moins un Rital, encore moins un homme. Je vois un bellâtre sorti de Santa Barbara après avoir passé l’âge de jouer les jeunes premiers. (Pas un plan où l’on peut respirer, c’est gavant.)

Une raison supplémentaire de ne plus m’aventurer dans ces films merdiques qui, non seulement, sont incapables d’inventer quoi que ce soit, mais qui, en plus, ne savent faire qu’une chose : reproduire en vrac les vieilles recettes d’autrefois.

Le Loup de Wall Street, Martin Scorsese 2013 The Wolf of Wall Street | Red Granite Pictures, Appian Way, Sikelia Productions


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