Ordre de tuer, Anthony Asquith (1958)

Les mains sales

Note : 3.5 sur 5.

Ordre de tuer

Titre original : Orders to Kill

Année : 1958

Réalisation : Anthony Asquith

Avec : Eddie Albert, Paul Massie, Irene Worth, James Robertson Justice, Lillian Gish

Après une longue introduction d’entraînement à une mission d’espionnage censée avoir lieu dans un Paris occupé pendant la Seconde Guerre mondiale, le film prend tout son sens une fois que l’espion rencontre sa cible. Alors que le début du film pouvait laisser penser à un film sur une déviance pathologique de l’apprenti espion pour en faire un psychopathe (fausse piste pas forcément bien nécessaire, alors qu’il aurait suffi d’insister sur la légèreté un peu triviale de l’ancien aviateur durant son entraînement, et à moins que j’aie, moi, surinterprété cette piste à ce moment du film…), le film prend alors une tournure plus philosophique et plus psychologique. À contre-courant du genre (à supposer qu’on puisse placer le film dans la catégorie « film d’espionnage »), l’espion se révèle immature et incompétent, mais ces défauts rédhibitoires pour passer inaperçu le rendent aussi plus humain : en ayant la faiblesse de se laisser approcher par sa victime, il suspecte une erreur et commence à se poser des questions morales.

Le scénario est adapté d’une pièce de théâtre, et on sent bien cette origine lors de la séquence de confrontation avec son agent de contact « tante Léonie ». Il y a dans cette scène, un petit quelque chose des Mains sales de Jean-Paul Sartre… La morale de l’histoire n’est pas bien brillante pour l’ensemble des services de renseignements de l’Alliance : car si l’apprenti espion s’est révélé mal préparé, inexpérimenté et incompétent, que dire des niveaux de compétence de l’ensemble de la chaîne de commandement et de renseignements des différentes armées (armée de la résistance française, armée britannique, et finalement armée américaine censée fournir un agent pour accomplir la sale besogne) ?

Film d’espionnage, satire de guerre, film sur la culpabilité : encore un de ces films au genre indéfinissable et hybride. Parfois déroutants (toujours dans cette étrange introduction, on y croise Lillian Gish, et on se demande bien pourquoi), ces films permettent aussi de sortir des sentiers battus et de proposer des expériences filmiques transversales. Montrer une autre manière de faire ou de montrer des histoires, cela a parfois un coût (dérouter autant le spectateur peut le mener hors de la salle) : la prise de risque est plus grande, et il faut apprécier les quelques imperfections qui en résultent, et au bout du compte, à force de tracer un sillon hors des cadres habituels, si le sujet en vaut la peine, on peut être amenés à adhérer plus que de coutume à un genre (propre et unique) et à une histoire.

Il faut aussi sans doute du courage pour dénoncer ou pointer ainsi du doigt les lacunes d’une guerre et d’une chaîne de commandement et de renseignements qui peuvent être communes à toutes les guerres… Comme on le dit si bien dans le film, à la guerre, il n’y a pas que les coupables qui périssent : coupables et victimes se prennent la main pour suivre le même chemin vers la mort. Une bombe qui tombe sur un quartier ne discrimine pas les seconds des premiers, et parfois, les renseignements désignent de mauvaises cibles. Souvent même, personne n’en saura jamais rien. C’est la dure réalité de la guerre. Le film réhabilite un personnage résistant dont la famille ignorait les activités patriotiques et secrètes, mais combien, dans toutes les guerres du monde et de l’histoire, sont morts dans l’indifférence, combien ont vu leur réputation salie par de mauvaises informations, et combien de héros (ou des généraux comme dans le film) se révèlent être dans la réalité des incompétents ou des usurpateurs ? L’incompétence, il faut aussi la reconnaître là : rester modeste face à l’histoire, et parfois accepter, avec de trop maigres informations (c’était le cas dans le film : les éléments à charge étaient ridicules), de se sentir incompétent pour juger d’un individu ou d’une situation.


Ordre de tuer, Anthony Asquith 1958 Orders to Kill | Lynx Films, British Lion Films


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Troublez-moi ce soir, Roy Ward Baker (1952)

Mettre le pied dans la porte

Note : 4 sur 5.

Troublez-moi ce soir

Titre original : Don’t Bother to Knock

Année : 1952

Réalisation : Roy Ward Baker

Avec : Richard Widmark, Marilyn Monroe, Anne Bancroft

Film noir assez inhabituel, car il met plutôt l’accent sur la psychologie que sur l’action. En cela, il rappelle un peu certains thrillers optant pour le huis clos comme Menaces dans la nuit sorti l’année précédente, avec la différence notable qu’on n’y trouve ici pas une once de criminalité (en tout cas pas volontaire ou crapuleuse). On n’est pas encore dans les excès psychiatriques des années 60, et au contraire, la configuration assez théâtrale du dispositif permet aux acteurs et au réalisateur (en plus britannique, on peut supposer une expérience de la scène) de se concentrer sur les relations, la construction des personnages, plus que sur l’action et les postures.

Marilyn Monroe n’est pas encore une star, elle sort tout juste du démon s’éveille la nuit où elle proposait déjà une composition étrange et unique entre le côté plantureux, sexuel qu’on réclame à toutes les jolies femmes dans un second rôle à l’époque, et pas du tout glamour, mais au contraire quasiment ouvrier, populaire. La transformation vers le monstre glamour qu’elle deviendra immédiatement après avec Niagara se produit quasiment sous nos yeux dans ce film : venue garder une petite fille de riches pour une soirée dans un hôtel, pistonnée par son oncle qui y officie en tant que liftier, c’est la chrysalide Norma Jeane Baker qui adopte le négligé de la mère absente, son parfum, ses bijoux et devient Marilyn… Le glamour apparaît, et on est saisi instantanément par l’adéquation parfaite qui semble s’opérer entre la fragilité du personnage, souvent à la limite de la folie, et l’actrice qui semble ne pas trop en faire malgré les pièges que représente souvent ce type de personnage au bord de la rupture. On peut mettre au crédit de l’actrice ce bon goût de ne pas trop en faire et d’être parfaitement crédible dans un rôle qui pourtant serait si facile de faire dépasser des clous. Mais on peut peut-être aussi y voir le talent de son quasi-homonyme, Roy Ward Baker, qui lui aussi a le bon goût de ne pas céder à la facilité en évitant de montrer les moments trop grand-guignolesques de l’histoire : si on la voit ainsi subrepticement assommer son oncle, le futur réalisateur d’Atlantique, latitude 41° (ne cherchez pas de cohérence « auteuresque ») se garde bien de la montrer ligoter, notamment, la gamine ou dans une détresse finale hystérique.

Parce que l’un des futurs atouts de Marilyn, il explose ici à l’écran : loin des vamps, des femmes fatales de l’époque ou des blondes glamours à la Lana Turner, elle expire littéralement une sorte de souffle éthéré si caractéristique qui transpire également dans sa voix langoureuse (elle sort un premier « hello », typique de l’actrice, à Richard Widmark, qui a fait pouffer le public dans la salle), dans un mouvement de paupière et de lèvres loin d’être naturel, qu’on imagine durement fabriqué et pourtant étrangement totalement sincère. C’est ce côté éthéré qui à ma connaissance lui était étranger dans les seconds rôles qu’elle avait assurés jusque-là. En tout cas, c’est sans doute à l’occasion de ce personnage, et des essais pour le rôle peut-être, qu’elle a trouvé là l’occasion d’utiliser cet aspect de sa panoplie d’actrice qu’on pensait sans doute à l’époque (comme aujourd’hui souvent) restreinte aux jolies gourdes. Sans la folie assumée du personnage, puisqu’il s’agit du cœur du film (et ce qui en fait un film noir si particulier, une sorte de faux thriller dans lequel la victime serait avant tout celui qui pose les problèmes à la bonne société — ce qui ne colle pas tout à fait avec les principes du code Hays qui voudrait voir les trouble-fêtes punis en clôture du récit, mais j’imagine qu’on a estimé que le personnage n’avait en réalité pas dépassé les bornes), probablement pas de Marilyn. Parce que dans Niagara, l’actrice garde un peu de cette folie douce, de ce côté éthéré, absent, et ça ne fera qu’amplifier le mystère entourant son personnage et l’atmosphère du film, autant d’éléments qui finiront par faire le succès du film… et de l’actrice. Parce que jusque-là, si l’actrice avait fait parler d’elle, c’était, un peu à l’image d’Hedy Lamar, à travers ses « à-côtés ». Après tout, toute publicité est bonne… si on a du talent.

Bien qu’elle ait prouvé dans ce rôle une grande force intérieure, je doute qu’elle ait été pénétrée en ce début de carrière des idées de l’Actors Studio. La présence d’Anne Bancroft, pour qui c’est le premier rôle au cinéma (elle y est déjà collée à un comptoir de bar comme plus tard dans Nightfall), est peut-être un signe ou un indice d’une évolution future… La method faisant des petits désormais parmi les acteurs de la nouvelle génération jusqu’à Hollywood. Les deux novices, en tout cas, ne partagent qu’une séquence en commun dans le film.

Le film semble n’avoir convaincu personne, que ce soit à l’époque ou encore aujourd’hui, et ce n’est pas si étonnant. La nature hybride du film peut déconcerter : un thriller psychologique sans crime ni victime, sans éclats de mise en scène du fait de la nature extrêmement classique de sa forme (huis clos concentré sur une soirée, et respect presque du principe de bienséance en évitant de montrer les outrances éventuelles de l’histoire), mais comme à mon habitude, je suis toujours séduit par ces propositions dramaturgiques me rappelant mes premières amours. Et comment ne pas l’être (séduit), quand on voit ainsi une actrice, un mythe même, prendre forme et se révéler ainsi pour la première fois à l’écran. Aussi, quand on aime les acteurs, on les aime surtout quand ils ont de l’espace pour s’exprimer. Par la suite, Marilyn aura maintes fois l’occasion de prouver son talent, de faire la preuve de la variété de son talent surtout, en ajoutant à son registre la comédie, la légèreté, l’autodérision, sans perdre de son glamour, chez Howard Hawks puis chez Billy Wilder, mais je n’ai pas le souvenir qu’elle ait eu par la suite l’occasion de bénéficier d’autant d’espace pour s’exprimer. Il n’y a que les espaces exigus des huis clos qui permettent cela.

Cet espace, il profite aussi à Richard Widmark : habitué aux films noirs urbains moins tranquilles, son personnage aide beaucoup à l’humaniser. Si l’affiche et le sujet du film laisse d’abord à penser à un film racoleur jouant sur la réputation de l’actrice et sur le mythe de la girl next door, jouant sur la menace que pourrait représenter la présence de l’acteur (le personnage d’Anne Bancroft se plaint de la rudesse de son caractère au début du film), le récit prend vite le contre-pied de ces basses attentes, on est surpris de voir le film ne jamais sombrer dans le sordide et au contraire devenir assez touchant. Il y a des rôles en or dans des petites productions qu’il ne faut pas se priver d’accepter quand ils vous assurent autant de libertés et l’occasion de bénéficier d’un type de personnage qui améliorera l’image (forcément tronquée) de vous que se fait le public.


 

Troublez-moi ce soir, Roy Ward Baker 1952 Don’t Bother to Knock | Twentieth Century Fox

L’assassin s’était trompé, Lewis Gilbert (1955)

Le veuf ou la poule

Note : 4 sur 5.

L’assassin s’était trompé

Titre original : Cast a Dark Shadow

Année : 1955

Réalisation : Lewis Gilbert

Avec : Dirk Bogarde, Margaret Lockwood, Kay Walsh

Et si le propre du British noir, c’était ce qu’il y a de plus caractéristique dans l’esprit britannique… : l’humour ? Je le disais déjà à l’occasion du Troisième Homme ou à l’évocation d’un film comme Fallen Idol, les Britanniques sont tellement tordus et vicieux qu’ils ne peuvent traiter de sujets sordides sans y mêler un peu d’humour (du moins, quand c’est bien fait). Ce rôle ici n’est pas dévolu, on s’en doute, à Dick Bogarde (j’adore le bonhomme, mais ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler un acteur de fantaisie), mais principalement à Margaret Lockwood qui dispose ici d’un rôle en or (toutes les répliques qui font mouche sont pour elle). Les femmes d’ailleurs ont le beau rôle dans le film, puisque même si elles sont la proie de ce coureur de dot, ce sont elles qui, paradoxalement, mènent souvent les débats (le titre français n’est pas si mal trouvé, tant le personnage de Dick Bogarde, malgré son sens de la préparation, semble toujours être dépassé par les événements, en particulier dans ses face-à-face avec les femmes à forte tête qui l’accompagnent).

Pour en revenir à ce que je disais pour Opération Scotland Yard, sorte de variation ici du whodunit avec une révélation « inattendue » dans le dernier acte (la victime qui se révèle être un chasseur), le scénario prépare idéalement le spectateur pour qu’il s’imagine avoir compris avant tout le monde. Mais au contraire d’un whodunit où il est entendu qu’au moins un des suspects présentés sera le coupable, surligner, et suggérer l’identité d’une personne avant que celle-ci soit révélée, cela procède d’un principe parfaitement contraire, celui du suspense… Le spectateur, quand il a compris, ou quand il se doute de l’identité du personnage, garde ça soigneusement en permanence dans un coin de sa tête et n’est pas diverti par diverses fausses pistes qui lui paraîtront fades quand il reverra le film dans une salle ou dans sa tête. L’astuce en plus du scénario ici étant que le personnage de Bogarde ne s’y est pas fait non plus prendre et l’attendait… au tournant.


L’assassin s’était trompé, Lewis Gilbert 1955 Cast a Dark Shadow | Lewis Gilbert Production, Angel Productions


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Les Trafiquants du Dunbar, Basil Dearden (1951)

L’homme de paï

Note : 4 sur 5.

Les Trafiquants du Dunbar

Titre original : Pool of London

Année : 1951

Réalisation : Basil Dearden

Avec : Bonar Colleano, Susan Shaw, Renée Asherson, Earl Cameron

Plus réussi que Opération Scotland Yard du même Basil Dearden. On se rapproche déjà de l’atmosphère des films noirs parfaitement adaptés ici au style marin britannique (bateaux arrimés aux quais, ruelles pavées et humides, fog londonien, bars ou auberges mal famées, etc.). Beaucoup de petits récits en parallèle, aucune star, et aucun personnage principal, c’est la force du film.

Un marin est habitué aux petits trafics en faisant passer des objets de contrebande sous le nez de la douane, et se retrouve malgré lui associé à de plus gros poissons que lui. Après y avoir mêlé son meilleur ami et découvert de quoi il s’agissait, il tente sur le tard de rattraper ses erreurs… La gageure éternelle quand on met en scène des petits malfrats, c’est de les rendre sympathiques. Pari réussi ici, pourtant ce marin accumule pas mal d’actions moralement répréhensibles. Comme quoi, la personnalité joue beaucoup quand on en vient à juger quelqu’un : difficile de ne le juger qu’à travers ses actions.

L’histoire d’amour naissante entre la petite blonde et le bon noir est aussi attachante : deux perles, tout simplement, et même si les perles se font rarement remarquer pour leur originalité, on aime les contempler, c’est ainsi qu’on est capable de s’émerveiller devant la moins originale des actions, mais aussi la plus ancienne : la rencontre amoureuse. L’originalité est ailleurs, puisque pour une fois, ce n’est pas la police menant l’enquête qui résout l’affaire et arrête les méchants (même si elle arrête les principaux), mais notre marin qui se rend de lui-même (ne me remerciez pas pour le spoil).


Les Trafiquants du Dunbar, Basil Dearden (1951) Pool of London | Ealing Studios


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Opération Scotland Yard, Basil Dearden (1959)

De l’intérêt des énigmes au cinéma

Note : 3 sur 5.

Opération Scotland Yard

Titre original : Sapphire

Année : 1959

Réalisation : Basil Dearden

Avec : Nigel Patrick, Yvonne Mitchell, Michael Craig

Présenté dans le cadre de la rétrospective british noir de la Cinémathèque, il s’agit plutôt d’un classique whodunit sans caractère avec comme seule particularité, peut-être, celle de traiter le sujet du racisme à la fin des années 50 en Angleterre. On y retrouve d’ailleurs la même astuce à peine crédible que dans Mirage de la vie ou dans La Couleur du mensonge. Bref, l’occasion de dire à quel point j’ai assez peu d’intérêt pour le genre (le whodunit).

Les énigmes, c’est bien gentil, sauf à la fin. Quant au principe de devoir jouer les apprentis devins ou inspecteurs en levant le petit doigt pendant le film afin de désigner le coupable, je trouve ça particulièrement stupide comme petit jeu. Le spectateur est censé suivre le déroulement de l’enquête en même temps que le détective, parfois avec des séquences supplémentaires censées, soit nous mettre sur de fausses listes, soit nous éclairer sur le véritable coupable… Je ne crois pas une seconde qu’on puisse rationnellement deviner la résolution de l’histoire avant le détective et avant la fin : tous ceux qui prétendent le contraire sont des imbéciles faisant confiance à leur instinct ou à leur prétendue déduction quand ils viennent juste de gagner une manche de bonneteau. Cela amuse donc peut-être certains à jouer les détectives pendant un film et à « trouver » le coupable, moi je n’y vois strictement aucun intérêt.

Que ce soit chez Agatha Christie ou chez Conan Doyle, il me semble que l’intérêt est le plus souvent ailleurs. C’est un peu le cas ici, mais pas suffisamment (les répliques liées aux sujets antiracistes du film sont les bienvenues, mais disons que ça ne peut être qu’un angle accessoire rendant un film encore meilleur quand il est déjà bon). Ce qu’avaient les films noirs en plus par rapport à cette veine des récits policiers britanniques, c’est que leurs détectives sont toujours un peu coupables à leur manière. De parfait antihéros.


Opération Scotland Yard, Basil Dearden 1959 Sapphire | Artna Films Ltd.


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Le tueur s’est évadé, Budd Boetticher (1956)

Veuf mollet

Note : 3.5 sur 5.

Le tueur s’est évadé

Titre original : The Killer Is Loose

Année : 1956

Réalisation : Budd Boetticher

Avec : Joseph Cotten, Rhonda Fleming, Wendell Corey

Noir tardif basé sur une sorte de suspense simple mais efficace, et prenant à rebours le principe hitchcockien selon lequel il ne faut jamais appeler la police : la police est déjà là, puisqu’étrangement, c’est un tueur qui cherche à tuer l’un d’entre eux pour une sombre histoire de vengeance (le policier interprété par Joseph Cotton a tué sa femme accidentellement), et alors que la logique voudrait que lui et sa femme déguerpissent le plus loin possible pour échapper à leur destin, ils restent bien sagement à portée de main du tueur… Ce qui ne manque pas de provoquer quelques aberrations et bonnes tranches de fous rires incrédules.

La fin tombe dans certaines outrances de travestissement qui annoncent celles de Psychose et autres joyeusetés psychiatriques des années soixante. On peut même voir dans la dernière scène de poursuite quelque chose qui pourrait ressembler aux prémices de La Nuit des masques avec une séquence de terreur dans ce territoire étrange et paradoxal, typique des banlieues américaines, perdu entre vie publique et vie privée, où les propriétés connaissent ni clôture ni portail, où les oreilles coupées poussent sur des beaux gazons et où les assassins courent masqués après les jolies pom-pom girls… La scène est plus étirée qu’un épisode d’Olive et Tom, ce qui aurait presque pu faire passer Boetticher pour un précurseur du western spaghetti s’il était question ici de western. Ce qui n’est pas loin d’être le cas d’ailleurs, les personnages répondant relativement assez bien aux stéréotypes du genre : le brave shérif et sa femme dévouée, ses adjoints, et le tueur vengeur échappé du pénitencier…

Comme à son habitude, Budd Boetticher se fait surtout remarquer par sa mise en scène élégante et bon marché, fait de peu de plans rentabilisés en de nombreux mouvements d’appareils d’ajustement et de mises en place raffinées des acteurs dans le cadre. Autre habitude, les acteurs sont uniformément convaincants : beaucoup de seconds rôles de qualité (la justesse des acteurs de second plan permet parfois à elle seule de rendre crédible le monde reproduit sous nos yeux), un Joseph Cotten flegmatique comme à son habitude, mettant sa nonchalance et son intelligence au service d’un rôle de policier intègre, et surtout Rhonda Flemming, à l’autorité naturelle, paradoxalement image parfaite (mais donc trompeuse) de la femme dévouée (souvent à ses fourneaux) au caractère décidé à la limite de la désobéissance, donc de la subversivité, stéréotype de l’American way of life conservateur si bien dépeint dans les westerns ou les sucreries hollywoodiennes bien obéissantes des années 50. Sans la présence de ces deux-là, et sans la mise en place de Boetticher, on serait vite tombé dans une vulgaire série B. En deux ans, Flemming semble avoir tourné l’essentiel de ses grands films… : Le mariage est pour demain, Deux Rouquines dans la bagarre (pas étonnant de la retrouver chez Boetticher et chez Allan Dwan, ces deux-là partagent un même savoir-faire dans le choix et la direction d’acteurs), La Cinquième Victime et Règlement de compte à OK Corral.

À 3, je vous montre mes mollets poilus : 1… 2…


 

Le tueur s’est évadé, Budd Boetticher 1956 The Killer Is Loose | Crown Productions


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Chronique d’un amour, Michelangelo Antonioni (1950)

Les téléphones noirs

Chronique d’un amour

Note : 3 sur 5.

Titre original : Cronaca di un amore

Année : 1950

Réalisation : Michelangelo Antonioni

Avec : Lucia Bosè, Massimo Girotti

En Italie, il y avait avant-guerre les téléphones blancs, après, il y a eu les comédies, le néoréalisme (qui, à mon sens n’est, pour une bonne part, qu’une perception impersonnelle, voire erronée, des critiques, comme la “modernité”, mais c’est une autre histoire), et il y a donc… les « téléphones noirs ». Non, ce n’est pas un faux numéro de ma part, c’est ma perception, ma propre histoire donc, ma vision “critique” de ces films d’après-guerre italien mêlant intrigue criminelle et sentimentalisme plein de vice.

On est loin des canons supposés du néoréalisme, mais sans doute parce qu’on y filme des extérieurs de nuit sous la pluie, des intérieurs bien réels, et qu’on y retrouve Massimo Girotti, l’acteur d’Ossessione, la Cinémathèque française nous vend le film comme un élément du néoréalisme. Peut-être aussi parce qu’effectivement avec cette trame criminello-sentimentale, on n’est pas loin d’Ossessione. Sauf que pour le coup, le film de Visconti avait tous les aspects de ce qu’on peut imaginer être un film néoréaliste (et pour cause, il est le maître étalon en quelque sorte, le premier ayant servi de référence, pour son style, aux autres films).

Ce qu’on ne pouvait plus faire à Hollywood, on s’étonnait de pouvoir alors le retrouver dans les polars français ou italiens : là où le code Hays imposait de ne plus montrer à l’écran que la vie trépidante et pleine de misère sentimentale de la haute société, il était encore possible de montrer en Europe la réalité du monde et, par conséquent, les vices de ses habitants. Un génie, sans doute biberonné au cinéma hollywoodien, s’est émerveillé de voir cette “fraîcheur” qui jurait avec les grands films américains tournés en studio sur des gens comme il faut, et c’est ainsi que le néoréalisme est né. Interdit aussi, à Hollywood, de montrer les pires tendances criminelles chez les personnages principaux. Ce qui était valable avec Ossessione, l’est ici avec Chronique d’un amour.

Mais si le vice criminel et vénal des amants criminels d’Antonioni est bien le sujet du film, toute une autre frange du film ne colle pas avec les exigences ou les « attendus » du néoréalisme : en lieu et place du mari qui se tue à la tâche dans une station-service (Antonioni se rattrapera sur ce point dans Le Cri), le mari ici est un riche industriel. Ce qui change beaucoup de choses : dans Ossessione, le vice criminel est presque animal, un instinct maléfique guidé par la survie et la misère (c’est même quasiment un western). Ici, il n’y a guère plus rien d’instinctif, et non seulement ça colle mal au néoréalisme (même si on peut certes montrer le luxe tout en se revendiquant d’une approche néoréaliste ; disons que c’est probablement plus difficile à faire avaler…), mais ça nous empêche aussi pour beaucoup de nous identifier à ces deux personnages d’amants maudits. Si lui est assez passif (ce qui n’est pas non plus un gage que le spectateur ait la moindre sympathie à son égard…), elle, en étant plus offensive et sans scrupule, est tout bonnement insupportable. Et comme Antonioni peine à nous faire croire en une passion dévorante qui lierait les deux personnages (on pourra difficilement faire croire que lui se montre particulièrement amoureux de sa belle), et que le film n’est pas sans longueurs (monsieur expérimente peut-être la pesanteur à venir et découvrira que ce sera plus efficace sur un temps diégétique court, la nuit, dans des déserts ou sur une île…), eh bien, on ne peut pas dire que le film soit plaisant à voir, ni même réussi pour un premier film.

Les acteurs y sont en revanche pas si mal dirigés : rien à voir avec l’improvisation supposée du néoréalisme ou ses placements aléatoires, comme dans Le Cri, le découpage technique est très précis et l’emplacement des acteurs dans le cadre reste encore très codifié avec des principes hérités du théâtre (ce qui n’est pas pour me déplaire). La même année, Lucia Bosè tourne dans l’excellent Pâques sanglantes (on la retrouvera un peu plus tard dans Mort d’un cycliste, qui possède, ironiquement ou non, certaines connexions avec le dernier acte de cette Chronique d’un amour), et a à peine vingt ans (plus jeune que son personnage), malgré une certaine aisance (et une beauté froide assez peu avenante ; elle est plus lumineuse dans le film de De Santis), il lui aurait été difficile de sauver un tel personnage et de nous intéresser à son sort de petite parvenue criminelle et gâtée. Quant à Massimo Girotti, il n’a souvent qu’à se contenter de regarder passivement ses partenaires, avec sa présence, son aisance sans forcer, son autorité néo-naturelle, et le tour est joué (il sort, lui, d’Au nom de la loi, présenté par la même Cinémathèque, là encore, dans cette rétro sur le néoréalisme, et qui serait plutôt un western à la sauce sicilienne) ; reste que cette sobriété, si elle passe pour être du charisme quand on hérite seul du haut de l’affiche, devient vite de la passivité ou de l’apathie quand un autre personnage, forcément féminin, joue les tentatrices et lui dicte ce qu’il doit faire (il ne montre pas beaucoup d’entrain non plus à contrarier ses plans). On aurait presque envie de botter les fesses de l’un et de filer des claques à l’autre. Et ce n’est pas un sentiment qui rende le spectateur particulièrement fier de lui : même les criminels, il faut pouvoir les aimer. Elle est bien là la magie (et le rôle social) du cinéma. (L’extrême droite n’est pas assez cinéphile si vous voulez un avis qui rendrait le monde meilleur.)

Pour trouver de bons « téléphones noirs », chers Sancho Panza, je suppose qu’il faudrait plus regarder du côté de Cottafavi, avec par exemple Une femme a tué, ou de Giuseppe De Santis, avec une veine moins urbaine, avec Chasse tragique ou Riz amer, mais j’avoue ne pas être spécialiste de ces mélos criminello-sentimentaux d’après-guerre italien, ni même souhaiter le devenir.

PS : le plus amusant dans l’histoire (puisqu’il faut bien se divertir un peu), c’est que si le mari n’avait pas engagé un détective pour se mêler de ce qui ne le regarde pas, sa femme serait restée loin de son ancien amant. 


Chronique d’un amour, Michelangelo Antonioni 1950 Cronaca di un amore | Villani Film


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Les Révoltés de la cellule 11, Don Siegel (1954)

Riot ne répond plus

Note : 3.5 sur 5.

Les Révoltés de la cellule 11

Titre original : Riot in Cell Block 11

Année : 1954

Réalisation : Don Siegel

Avec : Neville Brand, Emile Meyer, Frank Faylen, Leo Gordon, Robert Osterloh

On retrouve avec plaisir Leo Gordon aperçu dans Baby Face Nelson (film postérieur mais vu avant du même Siegel), mais cette fois, pas de contre-emploi pour lui : un grand musculeux qui joue une brute, c’est moins fascinant, l’acteur n’en reste pas moins excellent. Moins convaincu par l’interprétation de Neville Brand jouant ici Dunn, le leader de la révolte qui donne le titre au film. Acteur puissant qui n’est pas sans intelligence et subtilité, mais pour un premier rôle, on aurait été en droit d’espérer mieux d’un directeur d’acteurs comme Don Siegel. La distribution en revanche est assez homogène : si ça manque d’acteurs de génie, ils sont tous très bons.

À chaque nouvelle découverte de ces premiers films de Siegel, je découvre sa maîtrise constante du rythme et du découpage. Ce n’est pas le tout de demander aux acteurs de balancer rapidement leur réplique ou d’enchaîner les courtes séquences à un rythme fou, même dans un quasi-huis clos, le talent de Siegel, il est surtout, non seulement d’arriver à diriger ses acteurs afin qu’ils soient crédibles lors de ces quelques secondes à l’écran avant de passer à un autre plan, mais aussi d’arriver à les mettre en situation à l’intérieur du cadre aux moments cruciaux du montage que sont les introductions et les fins de plan : c’est tellement proprement découpé qu’à l’image d’un Hitchcock, il y a fort à parier que Siegel pense son montage avant les prises de vues et que le monteur n’a plus grand-chose à faire sur sa table de travail. Les légers mouvements de caméra pour découper les courtes séquences à l’intérieur d’un même plan, souvent imperceptibles, et utiles pour ponctuer l’évolution souvent binaire de l’action à l’intérieur d’une séquence, sont aussi la marque d’une grande maîtrise de découpage. Signe amusant d’ailleurs de la qualité de direction d’acteurs (avec la spécificité de soigner les seconds rôles), on retrouve certains de ces acteurs dans les films d’un autre spécialiste, doyen de Hollywood, Alan Dwan : Leo Gordon apparaît dans Le mariage est pour demain, et Emile Meyer (le directeur de prison, ici) apparaît dans Quatre Étranges Cavaliers (deux films du milieu des années 50 mettant en vedette John Payne et où tous deux interprètent des shérifs).

Quant à l’histoire, elle vaut surtout pour son caractère social, voire politique. Comment souvent dans ces années 50, Siegel est probablement à la limite de se faire taper sur les doigts par la censure : montrer des criminels à l’écran, prendre leur parti et en faire des victimes d’un système pénitentiaire tout juste bon à reproduire en chaîne des criminels plutôt que chercher à les réhabiliter, c’est un pari audacieux, et Siegel arrive sans doute à faire passer la pilule en montrant une bonne partie des employés de la prison, en particulier son directeur, sous un angle positif et foncièrement humain. L’opposant désigné d’une telle logique narrative, c’est clairement les politiciens démagogues rechignant à dépenser les deniers publics pour améliorer les conditions de vie des détenus et les aider à trouver une nouvelle voie une fois sortis (dans Baby face Nelson / L’Ennemi public, on se rappellera précisément que Michey Rooney sortait de prison sans autre possibilité que de retomber dans la délinquance — on ne peut pas être plus clair).

Fun fact : le film est produit par le mari de Joan Bennett tout juste sorti de prison où il y avait passé quatre mois pour avoir tiré sur l’amant de sa femme… qui n’est autre que le futur producteur de certains films de Don Siegel dans les années 70. (Le monde est petit, à moins que ce soient les hommes qui l’habitent qui le sont.) Il voulait ainsi en produisant un tel film dénoncer les conditions de vie des détenus.


 
Les Révoltés de la cellule 11, Riot in Cell Block 11, Don Siegel 1954 | Walter Wanger Productions 

Baby Face Nelson, Don Siegel (1957)

Baby Face is Dead

Note : 4 sur 5.

L’Ennemi public

Titre original : Baby Face Nelson

Année : 1957

Réalisation : Don Siegel

Avec : Mickey Rooney, Carolyn Jones, Cedric Hardwicke, Jack Elam, Leo Gordon

Crime film tardif, comme une résurgence assumée des films pré-code. Un rythme très enlevé avec peu de séquences bavardes de plus de trente secondes, de l’action en permanence, des éléments perturbateurs à la chaîne, des casses, des meurtres, des coups bas entre malfrats, des répliques en or à la pelle, et des acteurs une nouvelle fois épatant dans un film de Don Siegel.

Car comment ne pas être impressionné par la stature (oui, oui) et l’autorité de Mickey Rooney, habitué plutôt des rôles de mec sympa et souriant, et qui n’a rien à envier ici à James Cagney dont l’autre Ennemi public — titre français des deux films — est contemporain de cette histoire, qui est un acteur-danseur de poche comme Rooney, mais qui évoluait davantage dans ce registre d’acteurs à poigne que le bon Mickey. Le talent et le charme de Carolyn Jones ajoutent cette note féminine à tout bon film d’action ; de seconds rôles en or et en pagaille pour finir de composer cette distribution parfaite : Leo Gordon, habitué des westerns et le gentil musculeux de The Intruder, jouant ici de sa carcasse impressionnante et de son autorité tout en intériorité pour interpréter le célèbre leader de revues de la Grande Dépression, John Dillinger ; Jack Elam, autre habitué des westerns où il traîne souvent son œil torve pour camper des seconds rôles fous et idiots, et que j’ai rarement vu autant qu’ici à son avantage (un vrai talent, une intelligence, et une voix merveilleuse) ; ou encore Cedric Hardwicke, acteur britannique qui sort tout juste du rôle du roi Sethi dans Les Dix Commandements et qui bénéficie peut-être ici des plus belles répliques dans un rôle de médecin ivrogne, archétype du genre mais rarement aussi bien tenu, et qui est sans doute l’homme tout désigné pour une rapide parodie de la scène du crâne de Yorick lors de l’enterrement à la hâte de l’un des leurs.

Pour ce qui est de la qualité des dialogues enfin, Don Siegel peut compter une nouvelle fois sans doute sur les talents de Daniel Mainwaring qui avait déjà travaillé sur Ça commence à Vera Cruz.

Du très bon boulot.


L’Ennemi public, Baby Face Nelson, Don Siegel 1957 | Fryman Enterprises, United Artists

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Ici brigade criminelle, Don Siegel (1954)

Note : 3 sur 5.

Ici brigade criminelle

Titre original : Private Hell 36

Année : 1954

Réalisation : Don Siegel

Avec : Ida Lupino, Steve Cochran, Howard Duff, Dean Jagger

Amusant de voir qu’Ida Lupino a participé à l’écriture du scénario, mais que ça n’ait pas pour autant rendu son personnage moins anecdotique dans l’affaire… Histoire de cordonnier. Elle crève d’ailleurs, en tant qu’actrice cela va sans dire, un peu trop l’écran pour n’être qu’une vulgaire chanteuse de bar : dès qu’on ne la voit plus, le film perd de son charme et retombe sur ses pattes criminelles bien ternes.

L’intrigue policière ne vaut pas grand-chose et souffre d’un certain manque d’unité : une première partie où deux détectives s’appliquent à rechercher un voleur de billets de banque (avec l’aide de notre chanteuse de bar coscénariste), et une autre où ils s’opposent, car l’un voudrait garder une petite partie du magot pour eux. Le rythme naturel de l’intrigue policière est plombé par des séquences réalistes mettant nos détectives en scène dans leur vie quotidienne et familiale ; or, l’image d’Épinal est tellement grossière qu’on peine à plaindre un des deux détectives quand il se retrouve placé devant le fait accompli par son partenaire. Partenaire qui, d’ailleurs, passe du mec sympa à une crapule en moins de temps qu’il en faut pour le dire… On rêve de la constance des chanteuses de bar, femmes fatales, toujours, elles, invariablement floues et insaisissables.

Ce côté brouillon et naïf du scénario est sauvé in extremis par une dernière (et seule) astuce qu’on sent un peu venir (ce qui est une qualité) et qui permet à toute cette histoire anodine de prendre fin, comme dans toutes les bonnes histoires, en se conformant, ou retournant, à l’ordre établi (même si en y réfléchissant, le petit tour final manigancé par le chef de la police paraît bien trop risqué — fatale pour un des personnages — pour être crédible).

Bref, un film noir bon et honnête, c’est un film où la femme fatale est au cœur de l’intrigue, pas un simple pion ou un personnage utilitaire posé négligemment près d’un piano. On se contentera donc ici d’une vulgaire série B… ou d’un vulgaire film de flics comme seuls les vrais durs peuvent les apprécier. Un film de Don Siegel en somme. (Ce que je préfère chez lui, c’est bien ses films avec une pointe d’humour ; on sourit ici autant qu’après trois jours de garde à vue).

Curieux, tiens, j’ai des réminiscences de mallette pleine de billets avec Walter Matthau…


 
Ici brigade criminelle, Private Hell 36, Don Siegel 1954 | The Filmakers

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